L’Algérieest en train de subir, mi fataliste, mi consentante, une offensive sans précédentdu charlatanisme sur fond de religiosité bigote.
C’’estle retour en force de la pensée magique, qui correspond historiquement à un âgeprimitif de l’Humanité. Dernière manifestation en date de ce phénomène, la « clinique » de la Roqia d’Abou Muslim Belahnmar, inauguréela semaine passée à Relizane en présence d’artistes et de notabilités locales,tous heureux de s’afficher devant les caméras aux côtés du miraculeux guérisseur.
Unde ces artistes faire-valoir, qui comptait parmi les convives de Belahmar, etqui semblait avoir ses habitudes dans « Bachair Echiffaâ », avaitmême confessé avoir retrouvé, lui et ses enfants, « la sérénité de l’âme ».A la bonne heure !
Auxdernières nouvelles, les autorités, pour échapper au délit de ridicule (qui acessé de tuer en Algérie) ont décidé de mettre les scellés à cette Cour desMiracles. Augrand dam de Belahmar qui, pensant venir au chevet de la Oumma malade, menace déjàde ses foudres dévastatrices. Se prend-il pour Zeus ?
Quelquesjours avant, c’est le fameux « médicament » RHB qui a défrayé la chronique,enflammant chaumières et réseaux sociaux. Son découvreur, un certain ToufikZaibet, un synonyme de Belahmar, prétend guérir le diabète avec sa potion qui auraitpour effet de régénérer le pancréas.
Lesdiabétologues, qui se phosphorent les neurones dans leurs laboratoires pourespérer pouvoir un jour soigner ce mal tout aussi vieux que l’Homme lui même, n’ontplus désormais qu’une chose à faire : aller se rhabiller. « RahmetRebbi » est arrivée !
Lecomble dans cette affaire est que les choses sont allées très loin. Le médicamentest fabriqué en quantité industrielle, puis distribué au niveau des pharmaciens.
Il y a eu même des insulino- dépendants crédulesqui ont laissé tomber leur médicament pour se rabattre sur la panacée RHB. Les ministèresdu commerce et de la santé ont laissé faire dans un premier temps avant d’être rattrapépar le scandale.
Desmédias ont même rapporté que le ministrede la santé Abdelmalek Boudiaf, aurait donné un coup de pousse à Toufik Zaibet avantde s’en laver les mains en voyant les choses tourner au vinaigre.
Ily a une quinzaine de jours, Ahmed Ouyahia, qui réagissait lors de sa conférencede presse au scandale RHB a évoqué à juste titre un autre cas qui rentre un peudans le même schéma clinique que le médicament miracle et laclinique providentielle : « Al Waâd Essadek » dont lepropriétaire a fini la course devant le tribunal de Sour El Ghozlane pour escroquerie.Son créneau c’est l’automobile. Sa formule : acheter aux particuliers desvéhicules à prix forts et les revendre à prix cassés.
A ce jour, plus de 800 citoyens, dedifférentes régions du pays, n’ont pu récupérer la totalité de leur sous. Lepire est que même des entreprises nationales, pour rénover leurs parcs à bonprix, ont fait appel aux offres généreuses d’El Waâd Essadek ! C’est dire àquel point la société algérienne, tant à l’échelle des individus que desgroupes, est en train de croire aux faiseurs de miracles.
Cesderniers, pour mieux faire avaler la pilule, ont cette ruse de donner à leurs produits des dénominations àconnotation religieuse pour abuser de la bonne foi des citoyens qui ontsouvent affaire à des truands et des charlatans de tous polis.
Alors,la question est de savoir pourquoi la société algérienne est-elle en train derenoncer à l’esprit rationnel, au sens critique, pour basculer dans lapensée magique. Il appartient aux psychologues et aux sociologues algériens, quiont là un champ d’investigation et de recherche fertile à défricher pour éclairer notre lanterne.