Il s’est passé un événement incroyable il y a quelque jours à l’université d’Oum El Bouaghi. L’un des théoriciens de l’expansion du wahhabisme en dehors des frontières du royaume des Al Saoud, était la guest-star d’une rencontre sur l’islam.
Cet imam qui répond au nom de Khenoufi, s' y est épanché sur les vertus du salafisme à la sauce wahabbite sans que personne n’ait levé le petit doigt. Comment cela était-il possible dans un pays qui a subi gravement la propagande et l'idéologie salafou-wahabbite. La question mérite d’être posée d’autant que même le président du Haut Conseil Islamique(HCI) Bouabdallah Ghlamallah, semble tomber des nues.
Dans un entretien accordé à notre confrère El Watan, le président du HCI, s’étonne qu’on ait invité un personnage aussi controversé voire dangereux. Mais d’abord qu’on ait autorisé une telle rencontre dans le thème principal était le salafisme. «Comment cette rencontre d’Oum El Bouaghi a-t-elle pu échapper au contrôle de ces services, surtout que l’orientation de cette conférence est en contradiction avec le référent national. Il y a un vrai problème… »assène Bouabdallah Ghlamallah, manifestement choqué que les salafistes les plus endurcis agissent à visage découvert au nez et à la barbe des autorités.
Le président du HCI en veut d’autant plus que cet imam «n’est pas seulement chargé des Affaires islamiques en Arabie Saoudite, il est également parmi les personnalités chargées d’attiser le feu des «printemps arabes» dans les pays musulmans… ». Voilà qui a le mérite der mettre le doigt sur la plaie.
Ghlamallah est persuadé que s’il y avait un inspecteur des affaires religieuses averti à Oum El Bouaghi, il n’aurait pas permis une telle rencontre. «De même que de bons inspecteurs ne laisseraient pas des salafistes occuper les tribunes de la mosquée», estime,-t-il, jetant implicitement une pierre dans le jardin du ministre Mohamed Aissa, coupable de laxisme.
Le ministre n’a rien vu…
Autre gros pavé : la désignation par une autorité saoudienne du fameux prédicateur salafiste Ali Ferkous comme représentant de cette mouvance en Algérie. Loin d’être gêné par la question d’El Watan, Bouabdallah Ghlamallah a même foncé le clou en révélant que c’est justement l’imam saoudien invité de l’université d’Oum El Bouaghi qui a désigné Ferkous… «Je peux dire mieux. Celui qui a désigné Ferkous en tant que représentant du courant salafiste en Algérie est l’invité de l’université d’Oum El Bouaghi, et ce même Ferkous prêche toujours dans une mosquée», précise t-il.
Et au président du HCI de révéler que lorsque il a été en Arabie Saoudite en tant que ministre, on lui avait demandé d’attribuer à Ferkous une mosquée pour y prêcher. «Je leur ai dit : «D’accord, mais à condition qu’il revienne publiquement à travers son compte sur les réseaux sociaux sur toutes ses déclarations contraires au référent national. Il ne l’a pas fait. Je ne lui ai pas permis d’avoir une mosquée… », raconte Ghlamallah.
Cela voudrait-il dire que le courant salafiste est assez enraciné en Algérie ? Pour l’ex ministre des affaires religieuses il n' y a aucun doute là-dessus. «Il est puissant parce qu’il a la force de l’argent. Il contrôle le marché informel qui menace les équilibres financiers du pays. Ces gens cachent leur argent pour éviter la traçabilité et font tout pour gagner plus. La plupart de ces commerçants excellent dans la surfacturation et l’évasion fiscale. Pour eux, la religion n’est qu’une couverture».
A vrai dire, Bouabdallah Ghlamallah ne fait que dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Le salafou-wahhabisme est omniprésent dans les mosquées et dans l’espace public. Et connaissant sa connexion avec l'idéologie wahabbite, il constitue un danger potentiel pour l’Algérie et pas seulement pour son référent religieux.
Mohamed Aissa qui passe son temps à promettre aux algériens un «islam de Cordoue», est décidément mal embarqué dans cette affaire. Plutôt que de faire la chasse aux Ahmadites et autres chiites, il serait mieux inspiré de suivre le prosélytisme wahabbite qui prend d’assaut les campus universitaires.