Le président Tebboune, comme nous l’annoncions dans notre édition de jeudi, dans la foulée de son message de remerciements au président allemand, est bien rentré vendredi en Algérie, via l’aéroport militaire de Boufarik, où l’ensemble des hauts responsables de l’Etat était à l’accueil.
Les images exclusives de la télévisons nationale ont montré un président debout, derrière une table basse, souriant, en « checkant » du coude (mesures barrière anti-covid-19 en vigueur ) le président du Conseil de la nation par intérim, Salah Goudjil, le président de l'Assemblée populaire nationale (APN), Slimane Chenine, le président du Conseil constitutionnel, Kamel Fenniche, le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, et le chef d'Etat major de l'Armée nationale populaire (ANP), le Général de corps d'Armée, Saïd Chanegriha et le directeur de Cabinet à la Présidence de la République, Noureddine Baghdad Daidj.
Avec Said Chengriha, il s’est fait même donné du "comment ça va mon général", en réponse à son retentissant claquement de talons.
Finis donc les ennuis de santé pour le président Tebboune ? Nous le lui souhaitons, mais nous le souhaitons aussi et surtout pour le pays qui a besoin d’un chef dans toute la plénitude de ses forces et de ses moyens physiques et cognitifs pour remettre en ordre de marche les institutions qui sont quasiment et depuis belle lurette en mode « mute » sur fond de rumeurs dont il est difficile de distinguer le vrai du faux. « Quand les feuilles bougent, c’est qu’il y a du vent », dit l’adage chinois.
Le nombre de chantiers qui attendent le président Tebboune n’a d’égal que leur ampleur, leur complexité, compte tenu d’un contexte marqué par une concomitance, probablement sans pareil dans l’histoire, de problématiques sanitaires, économiques, sociales, politiques, géostratégiques…
Par quel bout doit commencer le président Tebboune ? Par changer sans baragouiner, l’équipe gouvernementale qui est devenue elle-même le symbole d’une crise en soi.
Le président Tebboune est bien conscient de la faillite d’un gouvernement qui s’est distingué moins par ses performances que par les frasques de ses ministres , leurs bouderies et surtout leur cacophonie, offrant l’image d’une ingérable pétaudière.
Est-ce que le président Tebboune attendra la présentation de déclaration de politique générale devant le parlement, pour sacrifier l’obligation de légalisme ? Dans ce cas le plus tôt serait le mieux pour ouvrir la voie à la nomination d’une nouvelle équipe commando pour partir à l’assaut des grands défis
Exit un casting XXL avec la quarantaine de ministres, comme c’est le cas actuellement. C’est une équipe resserrée autour d’hommes de vision, de compétence, de conviction et de courage que le président Tebboune doit choisir, loin des traditionnels parrainages foireux et occultes pour lancer le deuxième étage de sa fusée
Plus d’un an est déjà passé depuis l’élection de décembre 2019 et en terme de bilan, force est de le souligner objectivement que la récolte est plutôt très maigre. Certes la crise sanitaire a bon dos pour justifier les retards, les ratages, mais le temps sera désormais compté et toute journée de perdue, c’est une chance de gâchée pour réparer le pays.
A priori, l’agenda politique sera en tête des priorités avec la tenue des législatives anticipées, dès lors que la nouvelle loi électorale est en phase de finalisation au niveau de la commission Laraba qui ne devrait pas tarder à remettre sa copie finale au président Tebboune.
Mais à l’heure qu’il est, ces législatives (malgré l’engagement du président à les tenir), sont loin de faire l’unanimité au sein de la classe politique et parmi les observateurs indépendants qui défendent le principe de « donner du temps le temps ».
Aller aux législatives dans les conditions actuelles de "dissensus" politique, c’est prendre le risque d’une nouvelle claque politique, comme c’était le cas lors du référendum constitutionnel avec un taux de participation historiquement bas.
Au contraire, le président Tebboune devrait temporiser (et de toutes les façons, il n’a pas encore fixé de date) pour œuvrer à la construction d’un consensus politique le plus large possible pour une large adhésion au processus électoral qui permettrait une dynamique de remobilisation populaire autour des grands enjeux qui se posent au payas
Des législatives à court terme, avec des partis comme celui du folklorique Bengrina (qui rêve juste de supplanter son ennemi intime Makri), ou encore le lilliputien Soufiane Djilali (avec tout le respect que nous devons pour l’intellectuel), c’est « chronique d’un échec annoncé ».
Le président Tebboune devrait réfléchir à deux fois avant de trancher, car un possible échec de la consultation populaire serait d’abord le sien, alors qu’il a besoin justement de ce nouveau rendez-vous avec les urnes pour se légitimer et mettre toutes les conditions politiques et psychologiques de son côté pour lancer pour de vrai, les multiples chantiers homériques qui restent encore dans les tuyaux.
Un de ces chantiers, le plus urgent en termes calendaires, le plus gigantesque, à l’aune des défis, c’est l’économie. Politiques et économistes convergent sur le constat.
L’économie du pays est exsangue, la plupart des indicateurs sont au rouge. D’où l’urgence du passage des slogans incantatoires aux actes pragmatiques à travers la mise en place de ce fameux "nouveau paradigme" économique qui trace le chemin à la sortie progressive de l’économie de rente.
Avec un super ministère de l’économie et des finances dans le futur gouvernement pour mener la mère des batailles, celle de l’économie, qui impose une redistribution radicale des cartes en termes d’agenda politique.
Un homme est tout désigné pour ce poste ; il s'agit de l'ancien ministre des finances, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, ancien PDG de la Banque extérieure d'Algérie, Mohamed Loukal. Un homme aux compétences avérées, capable d'insuffler la dynamique nécessaire à ce nouveau paradigme économique, un homme au carnet d'adresses prestigieux à la valeur inestimable, tant au niveau des institutions financières et économiques mondiales qu'au niveau des décideurs internationaux.
Aujourd'hui, l'Algérie a grandement besoin de ses relations étroites tissées depuis de nombreuses années, avec, pour ne citer que ceux là, Mario Draghi, le nouveau premier ministre italien et ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, ancienne ministre, ancienne présidente du FMI et actuelle présidente de la Banque centrale européenne, Janet Yellen, l'ancienne patronne de la Banque centrale américaine, la Federal Reserve System (FED), et nouvelle secrétaire américaine au Trésor, désignée par le nouveau président Joe Biden.
Le secrétaire au Trésor au sein d'un cabinet présidentiel américain est l'équivalent d'un ministre de l'économie et des finances. Ces relations interpersonnelles serviront, sans aucun doute, d'interactions de qualité, pour concrétiser la nécessaire mutation de l'économie du pays.
Toutes ces évolutions, intervenues sur la scène et au moment où le pays s'apprête à célébrer le deuxième anniversaire du Hirak, ne devraient pas échapper à la clairvoyance du président Tebboune qui a certainement mis à profit son séjour médical en Allemagne pour prendre du recul sur l’écume politique des jours et cogiter sur les perspectives de l’Algérie.