L’Algérie dispose de l’outil juridique pour rapatrier les fondsdétournés et transférés à l’étranger, a affirmé, dimanche à Alger, Maitre HindBenmiloud, insistant sur la nécessité de "ne pas se précipiter" dansle traitement des affaires liées à la corruption, lesquelles prennent"énormément de temps".
Intervenant au forum d’El-Moudjahid, l’avocate à la Cour suprêmeet au Conseil d’Etat a soutenu que "l'Algérie dispose de l’outiljuridique pour rapatrier les fonds détournés et transférés à l’étranger etdemander le gel des avoirs douteux pour peu qu’existe une volonté politique pource faire", selon un compte rendu de l'APS.
Elle a précisé qu’il s’agit de la loi 01-06 relative à la luttecontre la corruption, laquelle est "mot à mot" inspirée de laConvention internationale en la matière, soulignant l’impératif de procéder à"une évaluation précise" du montant suspecté ainsi qu’à une"identification" de l’auteur du détournement.
"Cela va être difficile et en tant que juriste, j’insiste surle fait qu’on ne peut s’attaquer à une personne sans un dossier solide àl’appui, la preuve étant essentielle dans les affaires pénales",a-t-elle martelé, faisant remarquer que "toutes les affaires de corruption, quece soit en Algérie ou ailleurs, prennent énormément de temps".
Aussi, a-t-elle plaidé pour la nécessité de "ne pas seprécipiter, de faire attention et d’analyser toutes les situations dans le sangfroid et la lucidité, même si la population s’impatiente car il ne s’agitpas de faire plaisir à celle-ci en jugeant rapidement une personne quipeut sortir au bout de 18 mois d’emprisonnement".
Pour l’intervenante, ne pas présenter un dossier solide est"la meilleure façon pour celui-ci de ne pas aboutir, si l’Algérie envisage une coopération internationale pour une affaire donnée", mettanten avant la distinction à faire entre confiscation ainsi que gel et saisie debiens, la première procédure devant intervenir nécessairement sur décisionde justice, contrairement aux autres, a-t-elle clarifié.
Me Benmiloud a, en outre, noté la possibilité pour desassociations et autres représentants de la société civile de se constituer partiecivile afin d’exiger, au nom de l’Etat, le rapatriement de l’argentsubtilisé, comme cela a été fait par certains pays, qualifiant de"mineures" les charges retenues par la justice à l’encontre des personnalitéspolitiques poursuivies, lesquelles ont été des "facilitateurs" pourla bonne marche des affaires économiques jugées.
Interpellée sur la notion de "secret bancaire", lajuriste a rétorqué par affirmer que, depuis quelques années, cette dernière "cèdedevant les impératifs juridiques", y compris dans un pays comme laSuisse réputé pour cultiver le respect de la confidentialité bancaire, a-t-elleexplicité.
L’Algérie a enregistré une moyenne de flux illicites évaluée à 11milliards de dollars en 2015, calculée sur la base d’un rapport onusien quil’avait estimée à 8 milliards de dollars, contre 14 milliards pour leFonds monétaire international (FMI), et se référant aux surfacturationset sous-facturations liées au commerce extérieur, a révélé l’expertfinancier, Mohamed Boukhari, lors de la même rencontre.
Par ailleurs, l’Algérie avait enregistré, en 2017, pas moins de1239 déclarations de suspicions émanant de banques nationales ainsi que180 rapports confidentiels de la part de certaines administrations,notamment des douanes, a-t-il ajouté.
Il fait savoir, à ce propos, que comme le reste des Etats,l’Algérie suit de prés le mouvement des capitaux à travers la Cellule detraitement du renseignement financier (CTRF), relevant du ministère desFinances, ajoutant qu’" aucun pays étranger ne peut deviner qu’il fautsuivre de prés une personne tant que son pays d’origine n’en fait pas lademande".
Pour cet économiste, la possibilité pour l’Algérie de récupérerles fonds illégalement transférés à l’étranger est conditionnée par"l’existence de structures adéquates" pour ce faire, indiquant que "pourqu’une personne soit mise derrière les barreaux, il faut des motifsraisonnables".
L’expert s’est, en outre, montré défavorable à l’idéed’"amnistier" une personne suspectée, qualifiant la question d’"éthiquementinacceptable", et ne préconisant cette procédure que lorsqu’il s’avère"difficile" de procéder autrement à la récupération des fonds illicitementrapatriés.