Le mouvement populaire bouclera demain vendredi sa 48ème marche hebdomadaire pour le changement du système.
Un chiffre symbolique qui égale le nombre de wilayas en Algérie, depuis le déclenchement des protestations citoyennes depuis le 22 février 2019. C’est dire que Hirak a fait le tour du pays.
Mais a-t-il fait le tour de la «question» ? L’heure des bilans a en effet sonné. Le mouvement populaire qui a envahi la rue et les villes d’Algérie dans le sillage du refus du 5ème mandat, semble aujourd’hui dans l’impasse.
S’il a réussi à invalider l’affront d’un 5ème mandat, et d’envoyer des hauts responsables en taule, il n’a pas pu concrétiser son slogan fétiche : «makach intikhabat ma al issabat» (pas d’élections avec les bandes).
Il faut bien admettre que l’ex chef d’état-major de l’armée, feu Ahmed Gaid Salah, a réussi à tenir tête au Hirak en organisant une élection présidentielle et avec les «Issabates», c’est à dire Bedoui et son ministre de l'intérieur.
En l’occurrence, l’élection d’Abdelmadjid Tebboune comme président de la république, et abstraction des conditions dont le scrutin du 12 décembre s’était déroulé et le taux de participation anecdotique, est désormais une réalité têtue.
Le Hirak a clairement échoué à empêcher l’élection présidentielle même si son noyau dur continue à considérer que le scrutin est «non événement» ou que le président élu «n’est pas légitime».
Le fait est qu’Abdelmadjid Tebboune commence tranquillement à rentrer dans sa fonction de président de la république, au grand dam des hirakistes purs et durs.
Et pendant que ce dernier multiplie les décisions, installes ses équipes et reçoit des acteurs politiques pour des consultations, le mouvement populaire semble groggy ; incapable d’imaginer une autre feuille de route loin de la surenchère et en phase avec les nouvelles réalités du pays.
On le voit bien, la mobilisation a pris du plomb dans l’aile. Beaucoup n'y croient plus en la capacité du Hirak à constituer un rapport de force pour tenir tête au nouveau pouvoir.
Barricadés derrière leur radicalité, certains animateurs du mouvement mais aussi des partis politiques qui épousent leur feuille de route, ne semblent plus savoir où aller et comment y parvenir.
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Dressant une assemblée constituante comme un bouclier contre toutes les autres solutions possibles pour dépasser l’impasse politique, ces derniers se mettent de fait hors jeu.
Tebboune et son équipe ont donc forcément beau jeu. Signe que cette stratégie de «ni nisme» est un suicide politique, certains partis qui émargeaient jadis au Hirak ont décidé d’aller discuter avec le nouveau locataire du palais d’El Mouradia.
En l’occurrence, Soufiane Djilali de Ji Jadid en est ressorti mercredi «rassuré» par le président Tebboune et n’a pas manqué de pointer la «surenchère du Hirak».
Abderrazak Makri du MSP et d’autres partis vont sans doute marcher sur ses pas vers El Mouradia, dégoutés apparemment de marcher chaque vendredi pour rien, ou presque.
L’autre signe du manque de perspectives du Hirak est le fait que des personnalités nationales très respectées à l’instar de Mouloud Hamrouche, Taleb Ibrahimi, Ahmed Benbitour et Abdelaziz Rehabi aient accepté de discuter avec le président Tebboune.
Politiquement, c’est une reconnaissance de fait de son autorité contrairement à la doxa du Hirak. Ces têtes-à-têtes ont dû surement saper le moral des troupes du Hirak.
Mais que faut-il faire face au vide sidéral de perspectives ? Ne pas reconnaitre le nouveau président et refuser obstinément de dialoguer avec lui est loin d’être un programme.
Le fait est que le Hirak a été incapable même d’obtenir la libération de ses détenus et de récupérer la liberté d’expression dans les médias.
Deux acquis que le nouveau pouvoir va utiliser comme monnaie de change pour valider sa feuille de route et, espérer vider le Hirak de sa substance.
A son 48 vendredi et à la veille du premier anniversaire de son déclenchement, le Hirak est mis en demeure de se réinventer.
Il doit remettre en cause son fonctionnement, repenser sa stratégie et se donner les moyens de peser sur les choix politiques et doctrinaux à venir au risque de voir la «Nouvelle République» de Tebboune se faire sans lui.
Pinailler encore sur la «légitimité» d’un président, qui reçoit aujourd’hui même le président du conseil italien, et s’envolera dimanche pour Berlin pour participer à un sommet international sur la Libye, parait être un combat tout à fait inutile.