L'Algérie célèbre aujourd'hui le douzième anniversaire de la loi sur la paix et la réconciliation nationale que le peuple avait massivement adopté par voie référendaire en 2005. Quel bilan faire de l'application sur le terrain d'une démarche qui a ses partisans et ses adversaires ?
D'un point vue sécuritaire, la loi sur la réconciliation a incontestablement amené la paix et mis au ban de la société les résidus et autres irréductibles parmi les groupes armés. C'est une victoire militaire nette et sans bavure, ponctuée par un sursaut moral du peuple algérien martyrisé, qui a pourtant montré sa grande capacité à dépasser ses traumatismes pour sauver un pays qui avait longtemps chaviré.
Politiquement la loi sur la paix et la réconciliation est un succès imparable contre les forces du mal ainsi découvertes mises devant leur responsabilités aux yeux de l'opinion nationale et internationale. C'est une étape décisive de l'histoire tourmentée de l'Algerie post décennie noire. Des milliers de terroristes ont pu saisir la planche de salut que leur offrait l'Etat via cette loi pour revenir dans le droit chemin.
Des familles éclatées ont pu être sauvées et des centaines de jeunes grugés par une propagande terroriste ont profité des dispositions de cette loi pour reprendre leur droit de cité dans la société. De ce point de vue, cette loi à été salutaire en ce sens qu'elle a évité au pays de souffrir encore longtemps d'un terrorisme ravageur qui continuait à recruter les laissés pour compte de la république.
Mais il serait malhonnête de ne pas reconnaître les dommages collatéraux de cette grande magnanimité de l'Etat à l'égard de ceux qui l'ont mis à feu et à sang. Faut-il rappeler que cette loi a été presque imposée sans passer l'inévitable chemin de la vérité et de la justice. Ce manquement reste la plus grande frustration des familles des victimes qui ont accepté la mort dans l'âme que leurs bourreaux d'hier soient lavés de leurs crimes sans qu'ils aient au préalable reconnu publiquement leurs crimes et demandé pardon à la société.
Des familles victimes du terrorisme ont encore du mal à digérer cette largesse offerte aux assassins. Ceci, d'autant plus que, chemin faisant, les terroristes "anoblis" n'ont pas tardé à bomber le torse et plastronner fièrement sur la place publique au mépris des familles qu'ils avaient endeuillées et au nez des autorités. Difficile à accepter une telle arrogance. Pis encore, l'on assiste ces derniers temps à un retour en grâce des adeptes de cette secte qui tente de dicter sa conduite à tenir aux citoyens.
Ironie de l'histoire, les algeriens ne croient par leurs yeux face à la wahabbisation de la société. Les barbus vêtus de qamis ne se gênent plus à occuper tous les espaces y compris les lieux de travail. Ils poussent l'outrecuidance jusqu'à intimer aux hommes et aux femmes de s'habiller à la Saoudienne et à observer leur habitudes vestimentaires. Un grave retour du refoulé qui risque, si l'on n'y prend pas garde, de replanter le décor des années 90.
De nombreux algerien pensent que l'Etat à trop donné et trop concédé à ce courant obscurantiste qui contrôle la majorité des mosquées. Le ministre des cultes est obligé à chaque fois de monter au créneau pour rappeler les règles à observer. Mais les salafo-wahabbites ne prêtent pas attention à ses prêches, convaincus qu'ils ont un bon coup à jouer avec une bonne partie d'un peuple marginalisé qu'ils prennent à bras le corps.
Ce courant dangereux pour la sécurité du pays et la cohésion nationale, profite de ces moments d'incertitudes économiques et politiques pour signaler sa présence et gagner des positions. Le fait est qu'on observe de plus en plus de manifestation violente dans la société. À l'Université, dans la rue et même dans les médias, ces gens ont repris du poids de la bête. Ils attaquent systématiquement toutes les actions qui ne rentrent pas dans les canons de leur pratique moyenâgeuse de la religion.
C'est un peu cela le côté négatif de la réconciliation, qui a permis à tous les extrémistes d'afficher leur arrogance, devant un peuple que leur idéologie à endeuillé ad vitam aeternam. C'est le goût amer d'une paix chèrement payée et une réconciliation arrachée douloureusement à ceux qui ont souffert dans leur chaire sans qu'ils ne puissent entendre les excuses des tueurs comme cela s'est fait dans tous les pays ayant connu des tragédies semblables à la nôtre.