L’expert dans les questions énergétiques, ancien ministre des Ressources en eau et ancien P-dg de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, évoque, dans un entretien accordé à l'APS, des répercussions importantes du coronavirus sur la demande pétrolière mondiale et sur les prix du baril qui risquent de descendre sous la barre des 50 dollars. Il estime nécessaire que l'Opep et ses partenaires recourent à une réduction additionnelle de leur offre d'ici mars prochain.
Depuis l'apparition du coronavirus en Chine, les prix du pétrole ont sensiblement chuté. Pensez-vous que cette épidémie virale constitue la seule origine de cette baisse ou s'agit-il également d'autres facteurs?
C’est effectivement l’épidémie du Coronavirus qui est à l'origine de la baisse du prix du pétrole, parce qu’elle a eu des impacts négatifs sur tous les autres paramètres dont dépend le marché pétrolier, y compris les fondamentaux.Le premier impact est déjà la baisse de la consommation chinoise de pratiquement 3 millions de baril/jour depuis le début de l'épidémie, une baisse causée par le recul des volumes raffinés, lui-même causé par une énorme baisse du trafic de transport terrestre, maritime et aérien, entraînant une hausse des stocks de carburants qui sont au maximum de leur niveau.Cette réaction en chaîne au sein du deuxième consommateur mondial de pétrole, a aussi des impacts négatifs sur tous les échanges commerciaux et industriels avec ses partenaires, qui entraînent automatiquement une baisse de la demande mondiale et une augmentation des stocks, surtout dans le secteur des transports, principal consommateur de pétrole.
Faut-il s'attendre à voir cette baisse s'inscrire dans la durée?
La baisse est déjà importante puisque le baril a chuté à 54 dollars et pourrait encore continuer de baisser pour se situer entre 45 et 50 dollars dans les mois à venir, parce que cette épidémie a eu un impact sur la mobilité en Chine d’abord, puis entre la Chine et les autres pays. Et qui dit mobilité dit transport, un secteur énergivore et principal consommateur de pétrole. Même une solution médicale rapide à cette épidémie ne permettra un rétablissement du marché qu’après plusieurs mois. Nous sommes donc en face d’une situation qui peut probablement faire reculer la demande mondiale de pétrole en 2020, et dans le meilleur des cas le stabiliser au même niveau que 2019, ce qui signifie, dans les deux cas, un prix du baril très fragile.
Le Comit2 technique de l'Opep+ a recommandé, lors d'une réunion extraordinaire tenue entre mardi et jeudi à Vienne, une nouvelle réduction de la production pétrolière.Pensez-vous qu'une telle décision permettrait d'équilibrer le marché pétrolier ou alors qu'une simple prolongation de l'accord actuel de réduction de la production, au-delà du 31 mars prochain, suffirait pour soutenir les cours? Quel serait alors l'impact sur l'Algérie?
A mon avis la prolongation de la réduction de la production est plus que nécessaire, mais insuffisante sur l’année 2020, au regard des incertitudes qui existent encore sur l’évolution de la situation en Chine au cours des prochains mois. Je pense qu’une réduction additive est à envisager sérieusement d’ici le mois de Mars.Pour l’Algérie, ce n’est qu’un tout petit producteur au sein de l’OPEP, et elle sera plus affectée par la baisse du prix plutôt que par une éventuelle baisse de production de sa part. Si le baril se stabilise ou atteint une moyenne de 50 dollars pour toute l’année 2020, il y aura automatiquement des impacts négatifs sur l'économie, mais Il est trop tôt pour avancer la moindre hypothèse au sujet des programmes de développement. Une loi de finances complémentaire est prévue pour cette année, et je pense qu'elle va répondre à cette question.