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Indemnisation des victimes des essais nucléaires: les contre-vérités de l’ambassadeur français

17-02-2014 20:23  Lila Ghali

Les révélations du journal français Le Parisien, au sujet des essais nucléaires au sud algérien relancent de nouveau le dossier en Algérie et apportent surtout de bon arguments à l’Association des victimes, buttant jusque-là sur la difficulté à établir un lien de cause à effet entre des pathologies spécifiques aux populations locales et les expériences nucléaires.

L’ambassadeur de France en Algérie, en déplacement à Oran, ne pouvait escamoter l’événement qui a fait les « unes » de plusieurs journaux nationaux. Sans trop s’avancer, sachant que l’affaire relève du Ministère de la Défense, il a néanmoins promis que son pays mettra en place des "mécanismes pour améliorer l’information et aider les Algériens victimes des essais nucléaires à constituer leurs dossiers de demande d’indemnisations".

André Parent a indiqué que ses services n’ont enregistré que "quelques demandes d’indemnisation présentées par des citoyens algériens ». Pour lui ceci « s’explique vraisemblablement par un manque d’informations et une mauvaise compréhension de la loi Morin de 2010 datant de 2010. Le diplomate français, défendant le ministre de l’époque Hervé Morin, explique que la loi qui porte son nom ne fait pas de discrimination entre les victimes. "Elle définit les critères d’indemnisation des victimes potentielles et avérées et dresse une liste des maladies causées par la radioactivité et les rayonnements nocifs", a-t-il précisé.

A entendre l’ambassadeur français, on est enclin à comprendre que la faute incomberait aux algériens, qui n’auraient pas déposé des dossiers d’indemnisation. Or, le président de l’Association des victimes s’est toujours plaint des limites imposées par la loi française qui exclut de la nomenclature des pathologies dues à des irradiations la plupart des victimes algériennes. Mais avec les révélations du journal français qui lève le voile sur l’ampleur de la contamination, c’est la loi Morin qui devient caduque.

En tous cas le ministre des Moudjahidines est clair : « le dossier de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français en Algérie n'est pas clos et dépasse le cadre des personnes, car il s'agit aussi de définir les mécanismes de prise en charge de l'environnement pollué et classé comme zone interdite aux personnes ».

Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, an pour sa part, considéré que la publication par la presse française d'une partie des archives des essais nucléaires coloniaux français "interpelle le Parlement français à l'effet de la révision de l'ancienne loi pour indemniser les victimes des essais nucléaires français" car "ces documents prouvent que les dangers de radioactivité sont toujours là".

"La loi promulguée par le Parlement français sur l'indemnisation des victimes ne tient pas compte des victimes algériennes de ces crimes, notamment celles qui, dans le sud du pays, ont présenté plusieurs affections et maladies ces dernières années", a-t-il expliqué. "La carte révélée par la presse française a dévoilé les procédés barbares du colonialisme français en Algérie", a estimé l'intervenant pour qui, "la France n'a plus d'arguments pour justifier le retard pris dans l'indemnisation des victimes de ces crimes en tenant compte de l'impératif de décontaminer l'environnement qui a été le théâtre de ces essais".

L'Algérie, a encore soutenu Me Ksentini, "est en droit d'exiger une indemnisation officielle pour ces essais nucléaires, au regard du coût de la décontamination de l'environnement". Pour sa part, le juriste Hocine Zahouane a souligné que "l'ouverture d'un débat sur le dossier des essais nucléaires coloniaux en Algérie et de nouvelles données constituaient un indicateur positif pour le traitement de ce crime colonial".

Le Pr Zahouane a proposé "la formation de commissions spécialisées pour mener une étude sur ces crimes coloniaux". Côté algérien, il y a donc véritablement une volonté d’exiger à la France une juste réparation à la mesure des victimes et des dégâts sur l’enfournement. Mais encore faut-il que les autorités algériennes affichent une grande détermination, car de nombreuse personnes qui s’intéressent à ce problème, notamment dans la société civile, soupçonnent le pouvoir algérien de faire profil bas pour ne pas plomber les promesses de « partenariat privilégié » entre Alger et Paris.



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