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Impacts géostratégiques et énergétiques, après l'accord historique entre le groupe 5+1 et l’Iran

13-07-2015 14:45  Contribution

Hasard de l’histoire, après une nuit de tractations le 12 juillet 2015, les dix-neuf dirigeants de la zone euro se sont mis d'accord pour négocier un troisième programme d'aide à la Grèce, en contrepartie de ce soutien financier, la Grèce devant  s'engager à mener des "réformes sérieuses, cet accord permettant  à la Grèce de rester dans la zone euro. Parallèlement, un accord semble proche  entre le groupe P5 +1  et l’Iran qui devrait être finalisé le 13 juillet 2015. Comme nous l’avions annoncé lors d’un débat avec mon ami Antoine HALFF ancien économiste en chef au secrétariat d’Etat à l’énergie US et actuellement directeur à l’AIE lors d’un débat le 24 octobre 2014 à Radio France Internationale – RFI (Paris France) je cite nos propos : « l’Accord définitif avec l’Iran pour des raisons géostratégiques  sera parachevé, en principe,  avant la fin  du premier semestre 2015 et les cours du pétrole se maintiendront à un niveau bas entre  2015/2020  ». Cette information je l’ai annoncée devant  plusieurs télévisons et médias algériens  et   devant le premier ministre algérien et plusieurs membres du gouvernement algérien  le 04 novembre 2014 lors de la conférence  organisée par le Ministère de l’Industrie au Club des Pins sur la relance économique, pour preuve le cours du Brent  à l‘ouverture le 13 juillet s’est  coté à 57,60, et le WIT 51,60.   Ainsi, , j’avais proposé  un comité de crise pour parer à la chute du cours des hydrocarbures, que certains experts et membres du gouvernement algériens, vivant de l’illusion de la rente, écartaient, et déclaraient un retour à 100 dollars,   et ce  afin d’éviter l’expérience  douloureuse   des impacts de 1986. L’objet de cette présente contribution est d’analyser l’Accord historique probable  le 13 juillet 2015 entre le groupe P5 +1  et l’Iran et  les impacts géostratégiques et énergétiques

1.-L’Iran  face à l’embargo  depuis 12 ans   

La République islamique d’Iran, a été proclamée le 1er avril 1979. Après plus d’une décennie d’isolement diplomatique, l’Iran cherche à renouer avec la communauté internationale. Pour rappel, la conversation téléphonique avec le président Obama de septembre 2013 qui a constitué une rupture historique. Dès son élection en juin 2013, le président Rohani a exprimé son souhait d’améliorer les relations de l’Iran avec la communauté internationale notamment sur le dossier du nucléaire,  dégradées au cours des présidences précédentes, tout en essayant  d’apaiser ses relations avec les puissances régionales notamment ses relations avec les puissances sunnites, en particulier l’Arabie Saoudite et les tensions actuelles au Yémen  en seront un test. Selon bon  nombre d’experts militaires, le Yémen, à l'extrémité de la péninsule arabique et chasse gardée de l'Arabie saoudite via les USA, n'est pas une priorité stratégique pour Téhéran, bien moins en tout cas que l'Irak ou la Syrie, où  l’Iran est un acteur majeur des crises en cours. Sur le plan régional, c’est un acteur clef comme en témoigne sa priorité qui est la lutte contre Daech où  l’Iran a apporté son soutien au régime irakien  mais également depuis le déclenchement de la crise syrienne  son  soutien  à Damas, mais une position qui peut évoluer, prônant un gouvernement d’union nationale selon ses intérêts stratégiques,  qui constitue, avec l’Irak et le Hezbollah au Liban ses points d’appui essentiels. C’est dans ce cadre que rentre  l’accord historique du 13 juillet.  Rappelons que  le groupe des 5+1 les grandes puissances  (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) et l'Iran ont signé  jeudi  2 avril  2015,  les « paramètres-clés » qui  ont servis  de cadre à un accord sur le  programme nucléaire iranien. Il faut d’abord souligner que les négociations ne se sont pas déroulées  seulement à Lausanne mais dans  deux autres espaces mondiaux, en Iran et aux USA via Israël. D’abord en Iran où les forces réformistes doivent faire face aux forces conservatrices ; ensuite aux Etats Unis d’Amérique via Israël  où le congrès à majorité républicaine a émis des réserves  à un tel accord.  Le président américain  voulait à tout prix  cet accord historique  après plus de 12 ans de litiges en prenant les précautions d’usage, pour ne pas  heurter ses alliés traditionnels Israël et l'Arabie Saoudite qui ont de forts  appuis au niveau des républicains. Il est conforté par l’opinion  publique américaine puisque Aux Etats-Unis, de récents sondages montrent que l'opinion publique est plutôt favorable à un accord sur le nucléaire iranien. Dans une enquête menée pour le Washington Post et ABC, 59% des personnes interrogées soutiennent l'idée de lever la quasi-totalité des sanctions à l'égard de la République islamique en échange d'un accord qui limiterait le programme nucléaire de façon à empêcher la production d'armes nucléaires ;  31% se disent contre. Selon le secrétaire d'Etat américain et la partie européenne,  les parties se sont mis d'accord sur le fait que les stocks d'uranium enrichi de l'Iran seront réduits de 98% pendant 15 ans. Le nombre de centrifugeuses de l'Iran serait ramené de 19.000 actuellement à 6.104 dans le cadre du futur accord. Cet accord serait  un "pas important" qui permettra d'empêcher ce pays d'acquérir l'arme nucléaire, selon  la chancelière allemande, la Russie, la Chine et la France dont le Ministre des affaires étrangères Laurent Fabius  a   souligné que  le souci est d'aboutir à un accord  crédible et vérifiable afin que la communauté internationale soit assurée que l'Iran ne sera pas en situation de se doter de l'arme nucléaire. Les sanctions américaines et européennes seront levées progressivement en fonction du respect des engagements de l'Iran, tout accord final devant  être endossé par le Conseil de sécurité de l'ONU.

3.- Fortes potentialités et situation socio-économique dégradée 

Les potentialités  de l’Iran sont très importantes,  détenant  le deuxième réserve de gaz traditionnel mondial et le quatrième  réserve de pétrole du monde. Il est également situé sur la ceinture des réserves de cuivre de la planète et bénéficie de réserves considérables d'autres minéraux, tels que le fer, l'aluminium, le plomb et le zinc et un pays avantagé par des frontières qu'il partage avec 15 pays, pouvant devenir facilement un pays émergent, d’autant plus qu’il a investi dans la  ressource la plus sure la ressource humaine, l’élite sans laquelle aucun pays ne peut se développer.  L’Iran a une superficie de 1 648 000km2 avec pour  capitale Téhéran et ses principales villes  sont  Machhad, Ispahan, Karaj, Tabriz. Sa monnaie  est le Rial où un (1) euro = 33.917 IR en  2014. Selon les études de l’OCDE et du   FMI, sa population   est d’environ  77,8 millions (octobre 2014) avec une densité de  48,4 hab/km2,  occupant  la 2ème place derrière l'Egypte. Le taux d’alphabétisation est de  93% pour les Iraniens de 19 à 40 ans, encore qu’existe des disparités puisque l’Indice de développement humain est  0,707 ayant  été classée 88è rang mondial. Le PIB par habitant 2013/2014)  est de   4 748 dollars avec un produit intérieur brut (PIB  (2013/2014) de  366,1 milliards $ ,  étant  la deuxième économie au Moyen-Orient et en Afrique du Nord,  PIB , ventilé comme suit : agriculture : 11,3% -industrie : 37,6%- services : 51% . En plus du pétrole et du gaz , l'Iran exporte principalement des pistaches, des tapis, des produits pétrochimiques, des produits chimiques organiques, de l'aluminium, des matériaux plastiques. Ses trois principaux fournisseurs sont la Chine, l'Allemagne et les Emirats Arabes Unis (qui jouent le rôle de centre de réexportation). Les biens principalement importés sont les machines, le fer et l'acier, l'équipement électrique et électronique et les céréales. Mais les indicateurs macro-financiers et macro-sociaux  sont inquiétants : le taux de chômage en 20143/2014  officiellement est de 12,9%, mais estimé à 30% par le FM et   le taux d’inflation à   35,2%.  Le déficit budgétaire pour 2013/2014 aurait été de  6% du PIB avec  une contraction du PIB de l'ordre de -1,2%. Selon le rapport du FMI  l’excédent courant serait passé de 26,3 milliards de dollars (soit 6,6% du PIB) en 2012/2013 (mais 11% en 2011 / 2012) à 27,4 milliards de dollars (soit 7,5% du PIB) en 2013/2014 bien que   l’excédent de la balance des paiements, aurait été ramené de 12,2 à 3,28 milliards de dollars Mais l’essentiel de l’économie  repose sur la rente des hydrocarbures. Avec la  généralisation  de l’embargo,  les  revenus pétroliers de l’Iran  ont  chuté pour atteindre le quart de leur niveau initial et  l'inflation a atteint plus de 35%, certains mois des niveaux record jusqu'à 50%,  la valeur de la devise nationale a perdu 80 % de sa valeur, le taux de chômage réel grimpé à 30 % du fait de la croissance très faible. Ainsi, l’économie est très dépendante des revenus pétroliers qui irrigue la sphère économique et sociale qui représentant, selon le niveau du chiffre d’affaire,  entre  70/ 80% des recettes de l'Etat. Dans ce contexte, une hausse ou une baisse du prix du pétrole influe sur les recettes du pays. Encore  qu’il faille préciser en Iran, que les ventes de condensats de gaz et produits pétrochimiques sont comptabilisées comme exportations non pétrolières. Aussi, l’embargo a eu des répercussions négatives, les exportations de brut iranien étant  plafonnées à 1 million de b/j environ selon les termes de l’accord intérimaire de Genève de novembre 2013 reconduit jusqu’à présent, expliquant en plus de  la levée  de l’embargo sur l’achat d’armes  la prolongation des discussions jusqu’au 13 juillet 2015 alors qu’ils devaient être finalisées le 30 juin 2015.

4.-Levée de l’embargo  et perspectives économiques

Le gouvernement iranien table sur  la  levée de l’embargo  qui lui permettrait de dynamiser son économie via les  exportations. L’Iran détient la quatrième réserve pétrolière mondiale  avec plus de 160 milliards de barils ( 13/14% des réserves mondiales)  étant  le deuxième réservoir de gaz traditionnel avec  plus de 34.000 milliards de mètres cubes gazeux  soit plus de 16% des réserves mondiales sans compter  que  l'Iran aura alors accès aux quelques 100 milliards de dollars bloqués dans les banques étrangères, qui pourront augmenter ses exportations et attirer les investissements étrangers. A cela s’ajoutent les réformes internes  entre 2015/2016 afin  accroître les recettes fiscales où l’Iran  envisage  des privatisations et cessions d’actifs en forte progression par rapport au budget actuel, combiné  à la réduction  du  train de vie de l’Etat  (dépenses de fonctionnement, salaires des fonctionnaires). C’est suite à cette situation, que le  président iranien Hassan Rohani a déclaré le 31 mars 2015  que son gouvernement voulait sortir l'économie de son pays de la récession, l’objectif étant  la relance économique, la maîtrise de  l'inflation qui selon ses propos avait atteint 40% en 2014,  le pays  étant  confronté à une stagflation sans précédent intenable dans le temps. Et pour cela,  il faut une politique de croissance nécessitant d’importants moyens de financement et donc la levée de l’embargo. Dans son discours il avait précisé   10% de points de PIB en baisse sur le total des revenus depuis 2010 et que les contraintes dans les transactions financières internationales ont   accéléré la stagnation de l'économie iranienne, avec une récession de 1¾ % du PIB et un déficit global de 2¼ % du PIB pour 2013-14 et que durant l'année iranienne 1391 (mars 2012-mars 2013)  la croissance a été  négative de 6,8% et en 1392   et de  (mars 2013 - mars 2014)  également une croissance négative de 1,1%. Ce constat  rejoint les indicateurs analysés précédemment  et le  constat du FMI, pour qui la performance macro-économique du pays s'est dégradée en raison du  renforcement des sanctions internationales en 2012. Cela explique  que  le gouvernement iranien a commencé l’arrêt progressif des subventions sur l'énergie, le début d'un processus qui augmentera les prix de l'essence, de l'électricité et d'autres services publics. Pour la première fois le gouvernement a même été contraint,  de vendre des dollars sur le marché pour soutenir la devise qui a fortement été dévaluée.  Ainsi,  le gouvernement iranien, notamment les réformateurs sont   confrontés  à d’importants défis internes nécessitant  d’importantes réformes structurelles à trois niveaux :

-Premier niveau, les subventions généralisées non ciblées, source de gaspillage,  les situations de rentes et  les détournements de fonds, constituant une autre cause de cette hémorragie permanente dans l'économie iranienne qui empêchent la canalisation des richesses dans le système de production intérieure et le développement du pays.

-Deuxième niveau tout en veillant à sa protection sécuritaire, limiter les  dépenses faramineuses consacrées à l'appareil militaire du fait des tensions régionales dont le  projet nucléaire à des fins militaires l’Accord prévoyant le nucléaire à des fins civiles, le  programme balistique colossal et  la politique interventionniste au niveau international qui nécessitent d’importantes aides financières.

-Troisième niveau qui impliquera des réaménagements au niveau du pouvoir iranien, la limitation du pouvoir des  Pasdaran qui contrôlent une part essentielle de l'économie iranienne qui sans être soumis à la loi sur la fiscalité,  monopolisent l'activité économique en encaissant des revenus colossaux dans les secteurs du pétrole,  gaz, pétrochimie, téléphonie, informatique, de l'industrie de l'automobile, l'acier, le ciment, l'alimentaire, les produits pharmaceutiques, ainsi que les routes, les banques, les assurances. Selon les analystes, les Pasdaran sont parmi les plus grands cartels du monde et contrôlent plus de 50 % des importations et le tiers des exportations iraniennes

En résumé, la  levée de l’embargo international et une reprise économique permettraient de désamorcer le climat de tensions que traverse tant la région que l’Iran  avant la tenue des élections parlementaires prévues en mars 2016. L’accord  du 13 juillet 2015  préfigure une importante reconfiguration géostratégique au niveau du Moyen et pourrait influencer la carte énergétique mondiale. C’est que la  baisse des prix du pétrole affecte l’économie iranienne mais également  d’autres pays à fortes populations comme l’Irak   où selon le ministre du pétrole le conflit actuel réduit d’environ  50 % les  revenus, pouvant produire plus de 8 millions de barils jour. L’Iran qui produisait vers 2011/2012 plus de 2,5 millions de barils jour peut produire  plus de 5/6 millions de barils/jour. Ces facteurs ajoutés  à une production hors  OPEP (part de marché  de 67% contre 33% OPEP) sans compter les nouveaux arrivés sur le marché  mondial (par exemple le  Mozambique dès 2016),  l'effort de guerre de l'Arabie Saoudite qui ne  veut pas en plus  perdre des parts  de marché face à la Russie et au pétrole/gaz de schiste américain, , sans compter l'effort de guerre de l'Arabie Saoudite (plus d'un tiers  de l'OPEP) et en cas de non reprise forte de la croissance de l’économie mondiale,  peuvent  maintenir le cours du pétrole bas , le prix de cession, le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole. Il est entendu que l’entrée en fore de l’Iran  qui a le savoir faire,  sur le marché pétrolier et gazier mondial aura un impact sur l’économie algérienne.

Professeur des universités, docteur d’Etat (1974) -expert international -Dr Abderrahmane MEBTOUL

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