L’Algérie ou plutôt les dirigeants de l’Etat algérien, par leur perfidie, leur prévarication et leurs pratiques illégales et immorales, vont faire instaurer un nouveau concept dans les relations internationales, celui de l’Etat délinquant, à coté de l’Etat voyou –Rogue State- et de l’Etat failli -Failed State-.
Il est à relever qu’en relations internationales, le terme « Etat voyou », est apparu dans les années 1970. Mais, c’est en 1994 que le conseiller à la sécurité nationale de l’administration Clinton, Anthony Lake, va développer ce concept dans un article intitulé « Backlash States », publié dans la revue Foreign Affairs.
Un Etat voyou se distinguait par trois critères principaux : un régime dictatorial, la participation à la prolifération des armes de destruction massive et les atteintes à la sécurité internationale. Cependant, en réalité, seuls les Etats Unis d’Amérique décidaient, en fonction de leur politique extérieure et selon les circonstances, d’attribuer le qualificatif d’Etat voyou à tel pays ou tel autre.
Quant à l’Etat failli et selon le Crisis States Research Centre de la London school of Economics, c’est un Etat qui est incapable de remplir ses fonctions de base, celles d’assurer la sécurité intérieure et extérieure, bien qu’il dispose de la force légitime. En somme, l’Etat failli est un Etat qui est dans l’incapacité d’exercer ses missions de contrôle du territoire, de sécurité des biens et des personnes ; d’assurer le libre exercice de la justice et qui ne peut assurer à sa population des services économiques et sociaux.
Quid de l’Etat délinquant, c’est un Etat qui commet une faute grave, celle de contrevenir, en toute connaissance, à la loi pénale et de s’assurer l’impunité. Ce sont les dirigeants, les hommes politiques qui sont les instigateurs et les bénéficiaires des crimes commis. Ils sont obnubilés par l’égocentrisme (attachement au seul intérêt personnel). La société, le peuple, leur sont indifférents. Ils sont mus par l’accaparement des richesses du pays et par l’accroissement exponentiel de leur richesse, en biens meubles et immeubles.
Ce ne sont pas des personnes de bonne volonté, ce sont des personnes qui n’ont point d’honnêteté. En effet, et selon le criminologue Belge Etienne De Greef : « un honnête homme est un sujet qui se trouve constamment en équilibre instable. Il est toujours en train de perdre son honnêteté. Il est toujours en train de la retrouver ».
Les dirigeants de l’Etat délinquant sont dans une situation criminogène et ne manquent pas de volonté de passer à l’acte, car ils se considèrent comme étant la personnification de la loi. Et, cette loi ne peut aucunement leur être appliquée, c’est la leur, c’est leur bien. D’autant plus que la justice et la police judiciaire sont à leur disposition personnelle et obéissent à leurs ordres et autres directives de faire ou de ne pas faire.
Les dirigeants de l’Etat délinquant adoptent délibérément la carrière criminelle (délinquance en col blanc) et acquièrent les techniques nécessaires à l’exercice de leur activité coupable.
L’Etat délinquant trouve sa pleine consécration dans l’Algérie post 02 avril 2019.
Le monde découvre, les algériennes et les algériens le savaient déjà, que les dirigeants de ce pays « terre de liberté et de dignité » ne sont finalement que des voleurs et des criminels, des délinquants en col blanc, qui se sont associés à des pseudo hommes d’affaires fabriqués par ces mêmes hommes politiques et de pouvoir, pour saigner à mort l’Algérie, leur propre pays.
Il s’agit, et c’est une liste non exhaustive, de deux (02) ex-premiers ministres, de cinq (05) Généraux-Majors – 3ex- commandants de régions militaires, un ex-commandant de la gendarmerie nationale et l’ex- directeur des services financiers-, onze (11) ex-ministres, un (1) ministre en exercice, l’ex directeur général de la sûreté nationale, quatre (4) ex-walis, deux (2) walis en exercice, deux (2) ex- PDG de banques, l’ex-PDG de Sonatrach, l’ex PDG de la Société d’Investissements Hôteliers, treize (13) hommes d’affaires ainsi que de nombreux cadres de l’Etat et autres fonctionnaires.
Les infractions infamantes reprochées à ces personnes sont la corruption, le blanchiment d’argent, le transfert de biens obtenus par des faits de corruption, l’octroi d’indus avantages au titre de l’octroi de marchés publics et de contrats, la dilapidation de deniers publics, l’abus de fonction, le conflits d’intérêts, la participation au financement occulte de la campagne électorale, la passation de marchés en violation des dispositions législatives et règlementaires, le faux en écritures publiques…etc
Et, les enquêtes diligentées par les services de la police judicaire vont découvrir d’autres noms d’ex et d’actuels responsables de l’Etat algérien.
Ce sont des personnes qui ont consciemment envisagé leur fin de vie loin de l’Algérie. La terre d’Algérie pour ces personnes est une terre de naissance, une terre d’enrichissement, une terre de sépulture. La terre de vie étant l’étranger.
L’ex-Commission Nationale Consultative de Promotion et de Protection des Droits de l’Homme avait, dans son rapport annuel 2011 sur l’état des droits de l’homme en Algérie, lancé un appel de détresse. En vain.
Qu’on en juge. « La corruption gangrène notre pays et l’impunité aidant, elle risque d’altérer toute démarche tendant à assurer un essor économique et social. A moins que les pouvoirs publics ne s’attèlent vraiment à une action de salubrité publique, qui ne sera pas une opération ponctuelle visant des comparses avec une parodie de justice, et qui concernera en premier lieu les pouvoirs publics eux-mêmes.
La compétence, la droiture et l’honnêteté doivent prévaloir dans le choix des hommes et des femmes devant assumer des responsabilités au niveau de l’Etat. Des hommes et des femmes qui n’auront pas pour seul souci de s’enrichir par tous les moyens, y compris par le recours à la corruption. Des hommes et des femmes qui seront au service exclusif du peuple et qui croient dans ce peuple. Des hommes et des femmes qui regarderont grandir leurs enfants et petits enfants dans cette chère Algérie.
Des hommes et des femmes pour qui le service public est un sacerdoce. Des hommes et des femmes convaincus que leur présent et leur futur ont pour seul cadre l’Algérie. Des hommes et des femmes en parfaite symbiose avec le peuple, l’ensemble du peuple. Des hommes et des femmes pour qui les principes d’honneur personnel et d’intégrité professionnelle sont une réalité concrète et quotidienne. Enfin, des hommes et des femmes, des algériens et des algériennes, jaloux et fiers de leur pays, solidaires et serviteurs du peuple.
Il est grandement temps de mettre un terme définitif à la dérive actuelle qui est à l’opposé des dispositions de l’article 21 de la Constitution -dans la Constitution de 2016 , c’est l’article 23- , où les fonctions au service des institutions de l’Etat sont devenues une source d’enrichissement et un moyen de servir des intérêts privés.
La fidélité servile et son corollaire l’impunité ne doivent en aucun cas être érigés en règle pour procéder aux nominations aux emplois de l’Etat. Aucun fonctionnaire, aussi haut soit-il placé dans les emplois de l’Etat, ne doit et ne peut se prévaloir être au dessus de la loi ou se considérer comme étant la personnification de la loi (la loi c’est moi), avec comme conséquence directe l’impunité. C’est là, le gisement de la corruption. La primauté de la loi ne doit plus rester un vain mot ou plutôt un slogan auquel les pouvoirs y recourent le temps d’une campagne aussi éphémère que limitée dans le temps ou pour commémorer certains événements nationaux ou internationaux ».
L’action de lutte contre la corruption, en cours, a emporté, tel un tourbillon, des autorités politiques, militaires, sécuritaires, administratives, bancaires et des patrons d’entreprises, des oligarques, devenus de jour au lendemain et grâce à l’argent public, des milliardaires en monnaie nationale et des millionnaires en monnaie étrangère (en Euros et Dollars US).
Cette action serait salvatrice pour la société algérienne et l’Etat, à condition qu’elle ne soit pas une campagne, une de plus, limitée dans le temps et ayant pour seul et unique objectif de faire condamner certaines personnes pour laisser de la place à d’autres, qui vont agir dans une prédation farouche et effrénée des ressources restantes du pays, protégées par les nouveaux puissants hommes de la République Algérienne Démocratique et Populaire.
La moralisation de la vie publique nécessite un sacrifice et une action rationnelle, cohérente et effective de chaque instant par les nouveaux détenteurs du pouvoir, afin que nul ne puisse s’autoriser à s’approprier la loi – « la loi, c’est moi »-, et agir en toute impunité et autorité pour assouvir ses désirs ainsi que ceux des siens, d’accumulation illicite des richesses par le recours à la corruption, au blanchiment d’argent, au trafic d’influence, à l’octroi et au bénéfice d’indus avantages… etc.
Une règle simple doit être observée, les nouveaux détenteurs du pouvoir doivent être blancs comme neige et le rester. Ils doivent, également, se conformer aux dispositions pertinentes des articles 12/alinéas 1 et 2 et 23 de la Constitution. Sinon, c’est bis repetita.
Colonel à la retraite ZERROUK Ahmed,
ex-cadre/MDN.