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France : Un ambassadeur d'origine algérienne, dénonce le racisme au ministère des affaires étrangères(Actualisé)

13-05-2014 13:21  Rafik Benasseur

C'est une affaire suffisamment grave pour ne pas en parler publiquement. Dans l’Hexagone, «patrie des droits des l’homme», les ressortissants d’origines étrangères notamment maghrébines, restent, hélas, des Français en sursis.

Ce ne sont pas uniquement les jeunes de banlieue oisifs qui sont stigmatisés pour la couleur de leur peau ou la résonance de leurs noms et prénoms mais également de hauts, et même de très hauts responsables.

La lettre au vitriol, adressée par l’Ambassadeur de France en Andorre depuis mai 2012, M. Zaïr Kédadouche pour ne pas le nommer, à Laurent Fabius, et publié par l’hebdomadaire Le Point, dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas en France.

En l’occurrence, la stigmatisation de l’immigré est consubstantielle à la république française fut-il un grand commis de la France. Zaïr Kédadouche qui a le malheur (ou le bonheur c’est selon) d’être d’origine algérienne paie cette appartenance au plus haut niveau de l’Etat français.

On ne reproche pas au diplomate une quelconque incompétence dans son boulot ou un manque d’enthousiasme vis-à-vis de son travail. Non, cet ambassadeur est juste discriminé par le quai d’Orsay pour son nom arabe. Tout comme ces milliers de jeunes de banlieue discriminés eux aussi à l’embauche.

Le «malheur» d’être algérien d’origines

La République «irréprochable» ou «exemplaire» dont se gargarisent Hollande et avant lui Sarkozy en prend ainsi un sérieux coup. "C'est au ministère des Affaires étrangères que j'ai rencontré le racisme le plus abject et ressenti l'humiliation de ne pas faire partie de la même classe sociale" écrit l'ambassadeur.

Qu’un diplomate en arrive à rendre public une lettre dans laquelle il révèle son insoutenable condition d’ambassadeur de bas étage est un scandale.

«Ayant l'expérience de plusieurs ministères, j'ai le sentiment que le Quai d'Orsay, dans sa partie la plus influente, trace sa route dans un isoloir, cherchant à éliminer toute trace génétique risquant de compromettre la reproduction sociale de ses élites», écrit, dégoûté, Zaïr Kédadouche. Il en parle avec amertume dans ce courrier adressé le 18 juin 2013 à Laurent Fabius de son expérience «très douloureuse », faite de «discriminations feutrées subies dans les palais dorés du Quai d'Orsay».

Que vont donc penser tous ces millions de jeunes d’immigrés qui aspirent légitimement à réussir leurs carrières dans leur pays de naissance ?

Une question qui devrait les tarauder en découvrant la mésaventure d’un homme de la trempe de Zaïr.

L’enfer du décor du Quai d’Orsay

Surtout que ce diplomate est bien connu pour être un militant de longue date de l'intégration des Français issus de l'immigration, comme le dépeint Le Point.

Pour avoir exercé en qualité de consul général à Liège de 2008 à 2011, l’homme sait de quoi il parle. Dans sa missive, il évoque notamment le comportement pas très catholique de ses ex-collaborateurs à l'ambassade de France en Andorre, avec lequel il a entretenu des relations difficiles, jusqu'à le menacer d'une plainte.

Une mission de l'Inspection générale des affaires étrangères fut dépêchée en Andorre à l'automne 2012, selon Le Point, mais son responsable demandera «très diplomatiquement» à Zaïr Kédadouche d'éviter de déposer cette plainte...

Mais cette fois, l’ex ambassadeur a décidé de porter l’affaire devant l’opinion publique et briser l’omerta. Il a ainsi saisi le Défenseur des droits, Dominique Baudis, «des discriminations et vexations» qu'il dénonce. Une instruction est en cours.

Cet ancien collaborateur d’Alain Juppé en a manifestement gros sur le cœur pour se décider à jeter un tel pavé dans la mare de la France «républicaine».

Une affaire qui prouve si besoin est que le «modèle» d’intégration à la Française cache une réalité moins glorieuse d’un pays stratifié selon les origines, la couleur de la peau et parfois la religion.

Décidément, Marine Le Pen n’a pas le monopole de la «vague bleue» et de la haine de l’étranger. Elle a au moins le mérite de dire ce qu’elle pense, sans s’encombrer de formules…diplomatiques.

Réaction du Quai d'Orsay

Dans l'après midi de ce mardi, le porte-parole du ministère français des affaires étrangères a réagi à ces déclaration dans le communiqué ci-dessous :

M. Kedadouche a exercé des responsabilités importantes au sein du réseau diplomatique et consulaire français entre 2008 et 2014.

Il a fait le choix de rejoindre son corps d’origine, alors que d’autres affectations dans le réseau diplomatique lui étaient proposées.

Comme consul général puis comme ambassadeur, il a toujours bénéficié du plein soutien de l’administration dans la conduite de ses missions.

Les accusations graves de racisme et de discrimination portées par M. Kedadouche à l’encontre du ministère n’ont aucun fondement et sont inacceptables. Les inspections et évaluations menées régulièrement depuis 2008 ne les ont jamais étayées.

A ce jour, le ministère des Affaires étrangères et du développement international n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune demande d’information de la part du défenseur des droits ni de la justice.

Le ministère considère comme un atout et une force de pouvoir compter, notamment parmi ses cadres, des personnes issues de la diversité.



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