L’Algérie accueillera une importante rencontre les 03 au 05 décembre 2016, afin de permettre aux entreprises algériennes d’exporter vers l’Afrique, rentrant dans le cadre du redéploiement de la diplomatie économique algérienne. C'est que par le passé, même récent, l’Algérie a fait de la philanthropie, aidant à coup de milliards de dollars certains pays africains, dans l'effacement de la dette, à la différence du Maroc, sans analyser les impacts économiques profitables au pays. Il faut être réaliste, 97/98% des exportations algériennes directement et avec les dérivées proviennent des hydrocarbures. Aussi, cela suppose l'émergence d'entreprises algériennes compétitives en termes de coût-qualité, en termes d'avantages comparatifs mondiaux. Pourtant comme, je l'ai montré dans plusieurs contributions, face aux futurs enjeux géostratégiques, l’avenir de l’Algérie et plus globalement du Maghreb est en Afrique(1)
1. L ’Afrique, enjeu du XXIe siècle, continent à fortes potentialités
L’Afrique couvre 30,353 millions de km2. La population est passée de 966 millions d’habitants en 2009 à plus de 1 075 millions, mais sept pays regroupent 51% de la population. En 2020, la population africaine devrait passer à 1,3 milliard et à 2 milliards en 2040. Rappelons que déjà, le 23 octobre 2001, au sommet de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) qui s’est tenu à Abuja, trois chefs d’Etat africains, constatant l’échec de tous les efforts fournis en matière de développement en Afrique, ont pris l’initiative de proposer une nouvelle approche dans le traitement des problèmes que vit le continent. Cette initiative a été une synthèse entre deux plans : celui de l’Algérie et de l’Afrique du Sud appelé «Millenium African Plan» (MAP) et celui du Sénégal, dénommé plan Omega. Ces deux plans sont fusionnés pour donner la «Nouvelle initiative africaine» (NIA). La NIA prendra plus tard le nom de «Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique» ou Nepad (de l’anglais «New Partnership for African Development»). Le Nepad avait été conçu pour faire face aux difficultés que connaît le continent africain actuellement. L’objectif au départ du Nepad était par exemple de traduire en actes concrets notamment le problème de l’eau et de l’énergie. L’enjeu du développement de l’agriculture qui devait reposer plus sur les cultures vivrières est un enjeu majeur du continent. Force est de constater que le bilan est très mitigé. Force est de constater que le bilan du NEPAD est mitigé. Cependant, il existe non pas une Afrique mais des Afriques. Certains pays notamment le Nigeria, le Gabon, le Tchad, la République démocratique du Congo, l’Algérie, la Libye sont spécialisés dans le pétrole, le gaz et les matières premières, qui connaissent une forte demande et un prix élevé sur le marché mondial leur permettant une relative aisance financière mais artificielle en fonction des cours mondiaux et donc de la croissance de l’économie mondiale notamment des pays développés et émergents. A l’inverse, des pays comme le Bénin, le Malawi, l’Ile Maurice, le Swaziland, l’Ethiopie, le Togo, le Mali, qui sont pénalisés dans des produits qui connaissent souvent une détérioration en termes d’échange, la misère, la famine et souvent des conflits internes et externes où le budget des dépenses militaires en Afrique dépassent l’entendement humain au détriment de l’allocation des ressources à des fins de développement. Les pays constituant l’Afrique par zones sont: Afrique du Nord – Algérie – Égypte – Libye – Maroc – Tunisie. Afrique occidentale – Bénin – Burkina Faso – Côte d’Ivoire – Ghana – Guinée Bissau – Libéria – Mali – Mauritanie – Nigeria – Sénégal – Togo. Afrique centrale – Burundi – Cameroun – République centrafricaine – République démocratique du Congo – Guinée équatoriale – Rwanda – Tchad. d – Afrique orientale – Djibouti – Erythrée – Ethiopie – Kenya – Ouganda – Soudan – Tanzanie. Afrique australe et océan indien – Afrique du Sud – Madagascar – Malawi – Maurice – Zambie. – Zimbabwe. Malgré cette diversité et ses importantes potentialités, l’Afrique est marginalisée au sein de l’économie mondiale mais existe un avenir promoteur comme l’atteste la majorité des rapports internationaux. Pour l’instant, selon l’IRES de Paris, l’Afrique représente seulement 1,5% du PIB mondial, 2% du commerce mondial et 2% à 3% des investissements directs étrangers. Selon un rapport de la Banque africaine de développement (BAD-2013), le commerce interafricain n’est que de 15% sur tout le continent, les échanges intermaghrébins représentant également moins de 3%. Les raisons sont multiples : manque de capitaux, d’infrastructures et mauvaise gouvernance. Sans compter les taxes douanières qui coûtent très cher. Tous ces problèmes de logistiques associés au manque de compétence des ressources humaines constituent un sérieux frein à la fluidité des échanges alors qu’une entreprise a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée ». Certes, des organisations telles que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ou la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (Ceeac) existent. Mais plusieurs dissensions entravent leur bon fonctionnement. Il existe par ailleurs la barrière de la langue et de la culture entre les pays de la zone francophone et anglophone qui ne facilite pas le développement de l’intégration régionale.
2. Une nouvelle gouvernance s’impose pour l’Afrique
Se pose essentiellement le problème de la sécurité et de la stabilité des Etats qui doivent se fonder sur des valeurs démocratiques. Nous avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, avec des conséquences pour la région. Et surtout l’importance du poids de l’informel en Afrique, produit de la bureaucratie paralysante qui favorise la corruption, variant selon les pays, mais dépassant d’une manière générale 50% à 60% de la superficie économique. Pour certains pays, cette sphère emploie plus de 70% de la main-d’œuvre. Selon le Bureau international du travail (BIT), ce secteur fournit 72% des emplois en Afrique subsaharienne, dont 93% des nouveaux emplois créés, en comparaison du secteur formel qui n’emploie que près de 10% des actifs sur le continent. Au Maghreb (voir notre étude réalisée sous ma direction pour l’Institut français des relations internationales, Paris -IFI décembre 2013, la sphère informelle au Maghreb, ), elle dépasse les 50% de la superficie économique et emploi plus de 30% de la population active.Aussi, pour analyser les blocages en Afrique, on ne peut isoler les facteurs économiques des facteurs politiques. Le rapport conjoint BAD-GFI diffusé le 29 mai 2013 met en relief le fait que l’Afrique a pâti de sorties nettes de fonds de l’ordre de 597 milliards de dollars à 1 400 milliards de dollars, entre 1980 et 2009, après ajustement des transferts nets enregistrés pour les flux financiers sortants frauduleux, et que la fuite des ressources hors de l’Afrique au cours des trente dernières années – l’équivalent du PIB actuel de l’Afrique – freine le décollage du continent. Ainsi, les dirigeants africains portent une lourde responsabilité devant leur population et doivent favoriser l’Etat de droit, la bonne gouvernance, donc, la lutte contre la corruption et les mentalités tribales, la protection des droits de l’Homme et s’engager résolument dans la réforme globale, donc la démocratisation de leur société tenant compte de l’anthropologie culturelle évitant de plaquer des schémas déconnectés des réalités sociales. Le développement de l’Afrique sera profitable à l’ensemble des autres espaces économiques évitant cette migration clandestine avec des milliers de morts. Dans le cas contraire, il est à craindre des crises politiques à répétition. Bon nombre de citoyens africains traversent une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership avec le danger d’une polarisation de la société. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand. L’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, d’éducation, de santé et de mobilité sociale. Je mets en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage. Cependant, évitons la sinistrose, malgré des conflits, nous enregistrons récemment une prise de conscience des citoyens africains et de certains dirigeants de l’urgence d’une nouvelle gouvernance et l’urgence de la valorisation de l’économie de la connaissance. Or, une enquête menée en 2012 par l'UA/Nepad dans 19 pays africains montre que seuls le Malawi, l'Ouganda et l'Afrique du Sud investissent plus de 1% de leur PIB dans la Recherche-développement (R-D), contre de 0,2% à 0,5% pour les autres. Le rapport précité de l'Unesco souligne que l’Afrique ne consacre que 0,3% du PIB en moyenne à la R-D. C'est sept fois moins que l'investissement réalisé dans les pays industrialisés.Pourtant, l’Afrique est un grand enjeu géostratégique. C’est ce qui explique que parallèlement au sommet des chefs d’Etat, se sont tenus entre 2009 et 2016 plusieurs forums économiques regroupant plusieurs centaines de personnalités africaines avec l’ensemble des dirigeants des pays développés et des pays émergents, afin de dynamiser le développement de l’Afrique dans le cadre de co-partenariats et des co-localisations. Les différentes rencontres avec les grands pays sur l’avenir de l’Afrique montrent surtout la rivalité du couple Etats-Unis/Europe –Chine pour le contrôle économique de ce continent vital. L’erreur fatale serait d’opposer en ce XXIe siècle les Etats-Unis et l’Europe qui ont le même objectif stratégique, bien qu’existant certaines rivalités tactiques de court terme, la stratégie des firmes transnationales tendant à atténuer les divergences et uniformiser les relations internationales. Ainsi, l’Afrique, pour peu que les dirigeants dépassent leurs visions étroites d’une autre époque, a toutes les potentialités pour devenir un grand continent avec une influence économique dans la mesure où en ce XXIe siècle l’ère des micro-Etats est révolue et que la puissance militaire est déterminée par la puissance économique. Pour cela, des stratégies d’adaptation au nouveau monde sont nécessaires pour l’Afrique, étant multiples, nationales, régionales ou globales, mettant en compétition/confrontation des acteurs de dimensions et de puissances différentes et inégales.
3.-L’Afrique sera ce que les africains voudront qu’elle soit
Le continent Afrique est un enjeu géostratégique majeur au XXIe siècle avec plus de 25% de la population mondiale à l’horizon 2030/2040. L’Afrique a les potentialités de son développement, du fait d’importantes ressources naturelles non exploitées, et surtout sa ressource humaine sous réserve d’une meilleure gouvernance et d’intégrations sous-régionales. La réunion initiée par l’Algérie est louable et les responsabilités partagées en levant les obstacles à la mise en œuvre d’affaires communes, notamment la lutte contre la bureaucratie qui engendre le fléau de la corruption et l’adaptation du système socio-éducatif, la ressource humaine étant le pilier de tout processus de développement. La situation géo politique actuelle impose d’analyser les grandes questions stratégiques donc du devenir de l'Afrique, sans oublier les tensions au niveau du Sahel et au Moyen Orient. La mondialisation est un bienfait pour l’humanité à condition d’intégrer les rapports sociaux et ne pas la circonscrire uniquement aux rapports marchands en synchronisant la sphère réelle et la sphère monétaire, la dynamique économique et la dynamique sociale. L’Algérie sous-segment de l’Afrique du Nord peut être le vecteur dynamisant, sous réserve de profondes réformes structurelles. Les Africains doivent être conscients que dans les relations internationales actuelles n’existent plus de micros- Etats, de relations d’Etat à Etat mais doivent s’appuyer sur des réseaux. Leurs intérêts est de favoriser des co-partenariats au sein d’intégrations sous régionales, pour une prospérité partagée, loin des anciens préjugés de domination. Face aux bouleversements géostratégiques, l’Afrique est appelée à se déterminer par rapport à des questions cruciales et de relever des défis dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils dépassent en importance et en ampleur les défis qu’elle a eus à relever jusqu’à présent. Mais avant tout, l’Afrique sera ce que les Africains voudront qu’elle soit.
En résumé, l’Algérie représentant 48% du PIB du Maghreb pour 90 millions d’habitants qui ne représente en moyenne que 0,6% du PIB mondial, (70% du PIB de la Grèce qui n’a que 11 millions d’habitants) doit s’insérer dans ce cadre car les avantages comparatifs futurs de ses entreprises publiques et privées sont en Afrique. Mais il faut être réaliste, 97/98% des exportations algériennes directement et avec les dérivées proviennent des hydrocarbures. Aussi, cela suppose l'émergence d'entreprises algériennes compétitives en termes de coût-qualité, en termes d'avantages comparatifs mondiaux. Si on prend le bilan clôturé de 2015 pour l’Algérie, en termes de couverture des importations par les exportations, les résultats en question, dégagent un taux de 73% en 2015 contre 107% enregistré en 2014. Nous avons la structure des exportations suivantes : alimentation 0,62%-produits bruts -0,28%- semi-produits, 4,48%-biens de consommation non alimentaires 0,03%- biens d’équipement industriels 0,05% et énergie lubrifiants 94,54%, la tendance générale n’ayant pas variée pour 2016.En effet, les exportations hors hydrocarbures, sont marginales toujours dominées par les dérivées d’hydrocarbures, et les déchets ferreux et semi-ferreux, excepté le sucre. Les huiles représentent 588 millions de dollars soit 37,34%, l’ammoniac 502 millions de dollars soit 24,35%, les engrais 439 millions de dollars soit 21,27%, hydrogène gazeux, 25 millions de dollars soit 1,21%.
(1)-Voir sur les relations Afrique/Maghreb -Pr Abderrahmane MEBTOUl, étude réalisée pour l’Institut Français des Relations Internationales IFRI ( Paris –France novembre 2011)- Les relations Europe-Maghreb face aux enjeux géostratégiques -Le Maghreb face aux enjeux géostratégiques ouvrage collectif dirigé par le professeur Abderrahmane MEBTOUL et le docteur Camille SARI de la Sorbonne (36 auteurs maghrébins et européens, économistes, politologues-sociologues-
NB Pour l’année 2015-, le professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL (Algérie), été désigné membre du conseil scientifique de la revue internationale panafricaine CAFRAD dépendante des Nations Unies (février 2015) ,- membre du conseil scientifique de la revue internationale « Passages (juin 2015) spécialiste des questions énergétiques que dirige E.H Malet président du forum mondial du développement durable et ambassadeur itinérant au Tchad France- correspondant de la revue internationale LA VIGIE revue bimensuelle spécialisée bimensuelle dans les analyses de stratégie économique, culturelle et militaire (Paris France) dont le rédacteur en chef est l’Amiral Jean DUFOURCQ.