Par Kamel Khelifa*
La date des élections présidentielles françaises approche à grands pas, non sans réveiller comme de coutume les démons nostalgiques de l’«Algérie française». S’opposant les uns les autres, des acteurs politiques, candidats déclarés ou d’autres se grattant encore la tête, vont jusqu’à se poser des questions hors gauloiseries électorales, du genre : l’Algérie fut-elle une nation? Serait-ce une méprise ou bien des provocations à visées électoralistes? En tous cas, Il faut savoir raison garder.
De la notion de nation
Il n’échappe pas à M. Macron que l’idée de nation implique, pour des groupes humains vivants sur un même territoire («les peuples de France», disait le général De Gaule), d’avoir en partage un héritage et également et surtout une destinée historique commune... Même si l’autochtone fut dépourvu d’un Etat central, dans lequel il pouvait se reconnaitre (administré, comme il l’était, pendant ces cinq derniers siècles, par d’autres tutelles politiques que les siennes), son Algérie plurielle combattit avec détermination les présences étrangères : espagnole avec le soutien des Ottomans, à leur tête Baba Aroudj qui y perdit la vie ; puis contre ces derniers (fût-ce sporadiquement) et finalement française, pour arracher son indépendance totale.
Au risque de me répéter, c’est entre autres la réalité du combat commun, contre une présence étrangère sur son sol, qui fait valoir l’idée de destinée commune. Si d’aucuns en France doutent encore de l’existence de l’Algérie, en tant que nation, les révoltes périodiques des populations depuis 1830, la lutte de libération nationale de 7 ans et l’indépendance de ce pays, acquise en 1962, sont autant de marqueurs historiques, imprégnés du sang d’environ cinq millions de martyrs, pour rappeler à des négateurs têtus que ces vérités criantes, ne sont pas le fait d’extra-terrestres ni l’effet d’une imagination débridée…
Cependant, la France officielle, qui a pourtant connu l’occupation allemande de 39 à 45, ne semble pas prête à faire échos, aux revendications légitimes de la nation algérienne, en reconnaissant les causes réelles de l’invasion de l’Algérie et les crimes d’Etat de la colonisation. Tous les arguments avancés jusqu’ici, notamment autour de la mémoire, au demeurant un problème franco-français, constituent autant de faux-fuyants. Je vais paraphraser Adolphe Tiers (1797-1877), ancien président français qui disait à ses détracteurs : « vous croyez sauver la France avec de la temporisation, de l’habileté, de la filouterie politique…».
Dès lors, il ne tient qu’à l’Algérie de refuser de se payer de mots, ce qu’elle a du reste toujours fait, sachant que l’histoire n’a besoin de personne pour lui montrer le chemin qui mène à la vérité, même si un temps les « vainqueurs », sur des populations désarmées, peuvent créer l’illusion avec des victoires douteuses, déclamée avec emphase par la littérature de guerre à la Astérix. (Infra)
L’Algérie : thème de campagne électorale à son corps défendant
Lors des joutes oratoires, les thuriféraires de l’«Algérie française», à l’image du causeur Eric Zemmour, ne sont jamais absents du débat. Comme d’habitude le suffrage de l’extrême droite est l’objet de toutes les convoitises et par conséquent du siphonage des voix: hier avec Sarkozy et bis repetita placent avec Macron... Voilà le décor planté, pour accueillir dans l’hexagone politique ce tintamarre honteux… En plaçant l’Algérie au centre des débats, comme bouc émissaire de la colonisation et de la guerre (mais non en tant que victime expiatoire de cette abomination), la France politicienne veut-elle faire oublier aux électeurs que le colonialisme est inscrit dans son ADN et dans celui de l’Occident impérial, depuis au moins les invasions colombiennes ? L’année 1492 fut, de sinistre mémoire, le prélude génocidaire à l’extermination de peuples et la destruction massive de civilisations de tout un continent. Puis, viendra le tour des populations africaines et asiatiques qui seront harponnées à leur tour, après que l’ogre blanc ait croqué les peaux rouges corps et biens...
Tous les êtres humains, épris de justice et de paix, doivent méditer et propager le propos amer et désabusé de l’homme d’Etat Jomo Kenyatta (1894-1978), premier Président de la République du Kenya, en espérant qu’il sera utile aux générations actuelles et futures: «Lorsque les missionnaires blancs sont arrivés en Afrique, ils avaient la Bible et nous la terre. Ils nous ont appris à lire le Livre et prier les yeux fermés. Quand nous avions ouvert nos yeux, les blancs avaient la terre et nous la Bible.»
Ainsi, le colonialisme agira méthodiquement, par l’envoi, selon les pays, de missionnaires et derrière eux des espions. En terre d’Islam, la bonne parole, contenue dans la bible, avait peu de chance de vendre la foi chrétienne. Ainsi, au Machrek, ce fut l’officier-espion-pseudo-libérateur, Laurence d’Arabie, qui fut missionné à cette fin, entre 1916-18, dans le contexte de la 1ère guerre mondiale ; en Algérie, le rôle d’agent secret échut, un siècle plus tôt, au colonel Boutin, choisi par Napoléon et Talleyrand (Infra). L’espion français établira en 1808 le rapport et les plans d’invasion de notre pays, ayant servi au débarquement des armées françaises en 1830.
Que de mensonges pour légitimer les guerres coloniales
Avant, pendant et après l’occupation de l’Algérie (1830-1962), sans doute par déni de réalité, la France coloniale s’inventa toutes les justifications possibles pour légitimer son invasion, des plus commodes au plus absurdes, comme le «droit de la guerre» ; dès lors que ce droit est décidé par soi-même, ne devient-il pas le droit du plus fort ? Autres alibis ingénieux, pour faire diversion, enseignés dans les manuels d’histoire de la France coloniale, esclavagiste et pillarde, fut prétendument de : «venger le coup d’éventail porté au consul français» par le Dey Hussein ; «apporter, au nom du Christ, assistance aux esclaves chrétiens, emprisonnés par les pirates musulmans»; «défendre la liberté du commerce en méditerranée», etc. Pourquoi avoir attendu trois siècles, pour se lancer dans cette aventure, à moins d’y être poussé par des motivations inattendues ? C’est ce que allons découvrir plus loin.
Ces refrains sont repris en chœur, par les médias soporifiques aux ordres, avec des éléments de langage, inspirés ces dernières années par Eric Zemmour qui affirmait déjà en 2014 : «l’Algérie n’était rien du tout» ; c’est une invention de la France». Voilà un amuseur public qui prétend, être tout à la fois: Français (sans être de souche); juif sépharade cosmopolite ; berbère d’Algérie (mais où est donc la souche?!); journaliste-polémiste (« insupportable » selon nombre de ses confrères), etc.; pourvu qu’on parlât de lui, surtout si c’est en mal. La provoc’ est un bon produit de marchés aux puces, devenu pour lui une rente de situation, afin d’augmenter son audience, à travers certains médias gangrénés…
A l’évidence, cette verbosité confuse cache mal les causes réelles, ayant motivé l’invasion de l’Algérie. La démonstration la plus probante n’est-elle pas illustrée par l’appât du gain de Talleyrand («le diable boiteux», tel fut son surnom), tapi derrière la soif de conquête et de domination de Napoléon Bonaparte ? Deux hommes, qui profitèrent de prêts avancés par de «généreux» agioteurs, pour lever des fonds dédiés à l’effort de guerre ; chacun ayant ses desseins propres: le premier (Talleyrand) en garnissant ses bas de laines, avec une partie de l’argent emprunté pour financer les conquêtes menées par le second (Napoléon). Bien au fait des arcanes du royaume et de tous les secrets d’Etat, «le boiteux», caressait l’idée, qu’il partageait évidemment avec l’empereur, de mettre la main sur le trésor que recelait la Casbah d’Alger... Le magot de la Régence, laissée par Hussein Dey, après avoir embarqué pour Livourne (paradis fiscal de l’époque), accompagné de son harem et nanti de sa fortune personnelle, s’élevait, avant le débarquement, à environ 150 millions francs, en or et argent (les Consuls US et de GB l’estimaient au double).
L’inventaire établi, quelques jours après le débarquement, indiquait le montant de 48 millions de francs seulement. Plus de 100 millions de francs (des milliards d’Euros d’aujourd’hui) furent dérobés par des fonctionnaires français, dénoncés par l’intendant militaire Baptiste Flandin, qui n’avait pas admis la «clôture précipitée du dossier par les enquêteurs.» Si Napoléon ne parvint pas à ses fins, de financer, avec le trésor de la Régence, son armée empêtrée dans des guerres interminables (Europe, Egypte, etc.), Talleyrand, calculateur autant habile qu’avare, atteindra son objectif, en s’emparant d’une partie du magot. L’historien français Michel Habart, auteur du livre «l’histoire d’un parjure», indiquera, qu’«au lendemain de l’invasion française, une partie de la fortune prit la mer pour Londres, où l’attendait Talleyrand et l’autre partie parviendra aux coffres du roi Louis Philippe…» Cf., également l’enquête du journaliste d’investigation, Pierre Péan, sous le titre: «Main basse sur Alger». Ce hold-up devrait être inscrit, par honnêteté intellectuelle et respect de l’histoire, comme première cause de l’invasion de l’Algérie dont l’Etat français restera comptable devant la postérité, les Français et les Algériens.
Des hommes de lettres illustres au service du colonialisme
Toutes les autres raisons invoquées, pour justifier la colonisation, constituent de viles affabulations politiciennes et de vaines falsifications de l’histoire… Comme tout colonialisme, sa marque de fabrique est attestée par la fourberie, le mépris, l’esprit de supériorité, l’autoritarisme se traduisant par l’humiliation permanente du colonisé, de l’indigène. Que dire alors de la sauvagerie avérée, jusqu’à la nausée, exercée lors de l’invasion du pays, sous formes d’enfumades, d’emmurements, de transplantations d’Algériens jusqu’en Nouvelle Calédonie, etc.; «exploits» déclamés en vers lyriques, envers des peuples traités de «barbares, sans culture ni civilisation», par des écrivains illustres, tel le poète, Victor Hugo. Cf., la contribution d’Y. Girard, intitulée: «le passé génocidaire de la France en Algérie», www.ism-france.org/org/analyses/.
Le sénateur-poète, Victor Hugo, coutumier du fait, considérait en 1879, dans son discours sur l’Afrique, que «Dieu a offert l’Afrique à l’Europe. Prenez-là, dit-il, elle n’appartient à personne» (…) Et d’ajouter dans le livre Actes et paroles: «au XIXème siècle, le blanc a fait du noir un homme ; au XXème, l’Europe fera de l’Afrique un monde…» Ironie de l’histoire, les Paroles éclairées du poète mèneront les puissances européennes à se déchirer sur «le vieux continent». Le sang coulera à flot, notamment lors de la Grande Guerre, faute d’entente sur le partage de la carcasse de l’Afrique (c’est la principale cause et non l’assassinat de l’Archiduc d’Autriche…), entre pays colonisateurs rivaux : la GB et la France coalisées contre le pangermanisme renaissant (Allemagne, Autriche...)
Ainsi, la littérature fut utilisée comme arme de guerre, avec laquelle on tenta d’anesthésier les peuples et d’occulter l’histoire. Les œuvres de Victor Hugo (Supra) et son humeur va-t-en-guerre, destinée à élever le moral des troupes, constituent le pire des exemples de racisme littéraire. Jugeons-en : «C’est la civilisation qui marche sur la barbarie. (…) C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit» (…) «Nous sommes les Grecs du monde, c’est à nous d’illuminer le monde…» Si le poète, loin des champs de bataille, s’excite ainsi, inutile de demander avec quelle éloquente férocité le général Bugeaud fit parler la poudre, lors des opérations militaires, avec sa cavalerie sabres au clair.
Pourtant ce poète, héritier des Lumières et représentant du romantisme français, ne déclarait-il pas : «Ne nous lassons pas, nous les philosophes, de déclarer la paix au monde…» ; voilà Victor Hugo devenu schizophrène, se mélangeant les pinceaux et confondant l’emploi de la plume, de l’encre et de la feuille blanche, moyens grâce auxquels le poète nourrit sa verve romantique, avec le sabre, le sang et les champs de bataille, symboles de mort et de désolation ; ignorant sans doute qu’après le passage ravageur des Généraux français, dans les douars et mechtas, les braises continuèrent longtemps à se consumer, dans le feu des conquêtes, nullement éteintes par les larmes de douleur, tout autant que le sang de civils innocents fut versé en pure perte.
Apparemment le terme latin bellicus (guerre) est ancré dans la culture des souverains de la vieille Europe et ceux de l’Occident impérial en général, d’autant plus que les croisades furent toujours motivés et rythmés par des seigneurs de l’argent, imposant au monde, de siècle en siècle, leur capital et les intérêts générés sur leurs prêts... Voilà que les poètes épousent les travers belliqueux de princes bellicistes, les armuriers et les marchands de canons, qui firent connaitre à nombre de contrées européennes les siècles obscurs et moyenâgeux. La «guerre de cent ans», entre Anglais et Français, illustre bien le degré de sauvagerie ayant caractérisé cette région du monde, déplorant des millions de victimes des deux côtés. Et ça prétend enseigner la civilisation aux autres peuples, au nom de laquelle des pays sont envahis et meurtris!
Les bénéfices tirés des guerres par les banksters
L’écrasante majorité de la noblesse européenne, de sang et de rang, fut à la longue décimée en raison notamment des guerres de religion. Ainsi, de «preux chevaliers», acceptant d’être livrés, pieds et poings liés, à une engeance de préteurs sur gages, qui les envoyèrent, à Jérusalem faire le pèlerinage, sans se douter que ce fut pour leur faire faire pénitence. Ces expéditions deviendront des croisades récursives, contre les musulmans, tandis que les usuriers avides de butins, et de guerres faites par d’autres, s’emparaient sans scrupule des titres et des biens de la bourgeoisie européenne : celle-ci fut à la longue désargentée et remplacée par de nouvelles fortunes de banksters sévissant à ce jour sur le « vieux continent » et ailleurs de par ce vaste monde. Du reste, les dettes et les prêts des banksters ne sont pas étrangers à l’occupation de : l’Algérie ; l’Egypte ; la Tunisie… (Cf. Eric Toussaint, Pr à l’université de Lièges ; lire ses articles sur le blog « Réseau International ».)
Ainsi, à la faveur de théories économiques, d’idéologies politiques, de révolutions sociales, le pouvoir financier reconfigura-t-il, à sa guise des contrées et des continents, où certains seront des nantis du ciel et d’autres des damnés de la terre ; le pouvoir de l’argent fut le moteur véritable de la colonisation et son corollaire l’esclavage à grande échelle ; en dépit du Code noir français, d’une duplicité sans nulle autre pareille, décrété en fait pour légaliser l’esclavage et non pour l’abolir (?!) Ces actes politiques, accompagnés de «hauts faits» de barbarie, ne sont pas reconnus à ce jour par l’histoire universelle, comme tels, sauf une fois lorsque les fils d’Israël furent victimes d’holocauste, pendant la Seconde guerre mondiale. Ainsi, feront-ils payer chèrement leurs repentances aux nations européennes belliqueuses, leurs complices et autres auxiliaires, dont ils devinrent à la longue, et tout à la fois, «la plaie et le couteau, la victime et le bourreau»; poésie de Baudelaire (les «fleurs du mal») ; un cas d’école à méditer et à dupliquer.
A propos de construction d’infrastructures en Algérie
Là aussi, il faut savoir de quoi on parle. Voilà une autre affabulation prononcée, non par un général français en mal de conquêtes, de gloire et de victoires, mais par Zemmour (Supra), toujours en quête de nouvelles provocations. Un type qui aboie à longueur de temps contre les Arabes et crache son venin sur l’Islam et les musulmans dans les studios de radios et les plateaux TV, à l’effet de faire l’intéressant, et partant caresser dans le sens du poil l’Establishment, faiseur de rois. Zemmour sait pertinemment que ceux-ci peuvent servir ses desseins d’influence, ses ambitions politico-médiatiques et dans la foulée la réalisation de son rêve présidentiel. La « France a construit en Algérie…», disent-ils en chœur, des infrastructures : villes, routes, ports, gares, hôpitaux, écoles, etc. Mais à quelles fins et pour quels besoins?
Tout simplement pour la satisfaction des besoins des 10% d’habitants pieds-noirs, et autant d’indigènes agglutinés autour, enrôlés comme hommes de peine (portefaix, maçons, manœuvres, travailleurs de la terre), outre quelques petits bourgeois locaux (fabriqués comme traits d’union intercommunautaires) ; en sorte de permettre aux colons d’implanter, d’entretenir et de développer une économie, destinée à extraire des matières premières, à la faveur de la révolution industrielle, pour faire tourner en métropole des usines de produits élaborés ; et ce faisant consolider la puissance militaire de l’hexagone, la richesse de nouvelles catégories d’aristocrates, le petit confort des Gaulois, sans oublier l’accroissement exponentiel du Capital… Pendant ce temps, la population algérienne connaissait l’analphabétisme à 97% et le dénuement complet.
En regardant de près les infrastructures réalisée en Algérie, traversant le pays d’Est en Ouest, on observe que celles-ci furent conçues spécialement pour les exportations de masse (minerais de fer, aluminium, céréales, hangars d’agrumes, chênes-lièges, peaux de moutons, bétails, etc.), destinées à la transformation, en produits finis dans l’hexagone. L’appellation «route moutonnière» à Alger, représentait l’axe emprunté, du Sud d’Alger vers le port, pour expédier à destination de la métropole, le cheptel de moutons, se comptant en milliers de têtes, à chaque voyage.
La France inventa la « détérioration des termes de l’échange » en Algérie, où la matière première est vendue à 1 sou et revendue en métropole 10 fois plus, à l’état de produits finis ; provoquant par conséquent un effondrement du pouvoir d’achat des autochtones. Beaucoup, parmi les plus ou moins nantis algériens trouveront refuges dans des pays arabes (Tunisie, Maroc, Lybie, Syrie, Liban, etc.), comme seules espaces de fuites et de salut. D’après des études tunisiennes, un tunisien sur cinq déclare avoir des racines algériennes, en raison des différents exodes, dont 7 au moins sont connus : provoqués par la circonscription obligatoire, à chaque guerre de la France, par les massacres de masses en 1945, (Sétif, Kherrata, Guelma, etc.), pendant la guerre de libération, etc.
Pendant ce temps, les Algériens laissés pour compte au pays, n’ayant plus de ressources pour vivre, accepteront d’être relégués dans l’arrière-bled, dans des espaces appelés «territoire militaire» ; prêts à s’engager dans l’armée française d’Afrique, à certaines conditions, notamment de naturalisation, lorsqu’ils sont consentants. Sinon ils seront déportés dans de lointaines colonies françaises (Guadeloupe) ou bien tout simplement exterminés. Les crimes d’environ 5 millions d’Algériens, tombés en martyrs, en 130 ans de colonisation, sont à ce jour reniés (par l’histoire officielle française). Ainsi les «Grecs du monde» plongèrent-ils en série, dans les profondeurs de l’horreur et de l’histoire, des millions de victimes, composées de personnes âgées, passées au fil de l’épée, de femmes enceintes éventrées et de corps de jeunes enfants mutilés, avant d’être exécutés…
Serait-là l’œuvre civilisatrice de l’Occident chrétien et de ses «valeurs universelles», sans cesse vantées ? Décidemment parmi les élites occidentales, certaines gens en leur sein sont vraiment étonnantes. Il me revient, en effet un autre exemple de poète, britannique celui-là, rendu célèbre grâce à son livre à succès «tu seras un homme mon fils»: Rudyard Kipling (1865-1936), poussa le génie de la narration jusqu’à devenir le «prophète de l’impérialisme britannique» ; qualificatif collé à son dos par l’écrivain Georges Orwell, tandis que l’historiographie officielle le présente comme le chantre de l’humanisme européen, avec son fameux «fardeau de l’humanité porté par l’homme blanc»... Rien que ça!
Il existe en France et en Europe des gens honnêtes, de mérite et de courage,
Cela étant, je ne terminerai pas ce propos, sans ajouter aux Justes européens, certains déjà cités (M. Habard, Y. Girard, P. Péan, E. Toussaint, G. Orwell, etc.,) le philosophe et politique français, Alexis de Tocqueville qui prononça ces mots prophétiques, lors de sa présentation à l’assemblée du rapport parlementaire de 1847, par lequel il résumera d’une sentence la situation générale, prévalant à cette époque en Algérie: «autour de nous les lumières se sont éteintes, le recrutement des hommes de religion et des hommes de loi a cessé; c.-à-d. que nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare, qu’elle n’était avant de nous connaître.» (…) «Dans de telles conditions, la question de vie ou de mort se poserait entre les deux forces; l’Algérie deviendrait, tôt ou tard, croyez-le, un champ clos, une arène murée, où les deux peuples devraient combattre sans merci, et où l’un des deux devraient mourir…»
Ce n’était pas l’avis du directeur des statistiques démographiques et médicales, le Dr Ricoux pour qui: «les Arabes et les Berbères, race inférieure et surtout dégénérée, devraient disparaitre d’une façon régulière et rapide...» Ceci est un plan, mis en œuvre par les généraux français et leur politique de : la terre brulée; de l’élimination systématique des chefs de la résistance; des massacres de masse ; de la chasse à l’homme...
Au plan institutionnel, il est vivement recommandé au lecteur de lire le livret d’Arlette Heymann-Doat, intitulé «Guerre d’Algérie, droit et non-droit», où l’auteure décrit le degré: d’injustice; de barbarie et d’impunité, organisé méthodiquement par la colonisation, notamment dans la Loi du 21/12/1897 sur l’indigénat…
Dans le prolongement de ce propos, en rapport avec l’occupation politico-économique, n’oublions pas non plus le colonialisme culturel français et son corolaire le fait religieux, porteurs de désintégration de la personnalité de l’Algérien. En effet, un des premiers gestes de l’armée française à Alger fut de réquisitionner la grande mosquée Ketchaoua et l’affecter au culte chrétien, en 1832, en dépit des engagements français. Après réaménagement, elle sera baptisée en 1846: «Cathédrale Saint Philippe »... La finalité cultuelle du colonisateur fut de subjuguer l’ancien sujet colonisé (Supra, Jomo Kenyaya), de manière à expurger l’âme de l’«autochtone» qui sommeille en lui et tout ce qui est pour lui sacré : sa terre qu’il peut changer pour un engagement dans l’armée ; sa religion et son islamité devenues un repaire pour faux dévots ; ses us et coutumes ancestraux, remplacés par ceux du colon ; la langue du prophète, dépouillée de son attrait, de son audience et troquée contre une langue française maltraitée du matin jusqu’au soir, par des pasticheurs de Molière, heureusement peu nombreux, mais assez visibles pour se donner de l’importance et la fausse impression de maitriser le baragouin, l’art, le style et le mode de vie hiératique des colons.
Et si le colonialisme est chassé d’un pays, contraint et forcé, dans le sillage de la «décolonisation», il laissera toujours derrière lui dans les coins et recoins, des terres anciennement colonisées, des parasites pour perturber l’existence du colonisé, devenu indépendant ; c’est ce que l’on appelle le néo-colonialisme (« Françafrique », « FrançAlgérie », etc.), toujours tapi quelque part, en tant qu’incarnation (toujours) vivante de l’occupant...
C’est la raison pour laquelle, il devient impératif de revenir à l’esprit et aux ambitions originelles de «Dar El Hikma» (Maison de la Sagesse, du Savoir, de la connaissance…), pour : forger la conscience patriotique, de gens exaltés par le devenir de leurs pays… C’est avec l’esprit, l’ardeur et la conscience de Dar El Hikma que l’Islam a réussi à diffuser ses lumières sur le monde. Cf. l’excellent ouvrage de l’historienne allemande Sigrid Hunke, intitulé: «Le Soleil d’Allah brille sur l’Occident…»
*K.K Journaliste indépendant, auteur-essayiste, expert international