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Face aux tensions budgétaires, quelle politique de subventions pour le gouvernement ?

02-02-2018 20:47  Pr Abderrahmane Mebtoul

Le  dossier des subventions traine depuis au moins  2008 où bon  nombre d’études  ont été réalisées à ce sujet entre 2008/2016.  Voilà que le ministre du commerce vient d’annoncer  le 31 janvier  2018  qu’une  nouvelle commission interministérielle sous l’autorité du premier ministre a été installée pour réfléchir  à des subventions ciblées. Comme je viens de le faire savoir dans une interview à Radio Algérie Internationale  le 01 février 2018 (1) rien de nouveau, puisque un  comité  de réflexion  avait été installé  par l’ex premier ministre Abdelmalek Sellal  et il serait intéressant  de connaitre ses conclusions afin d ‘éviter à la fois des pertes d’énergie et de temps. J’ai tenu à rappeler  dans cette interview que j’ai eu  à diriger pour le compte du gouvernement  l’audit sur les carburants entre 2007/2008 assisté des cadres dirigeants de Sonatrach, des experts algériens  et du bureau  d’études américain Ernest Young où nous avons proposé pour ce segment  la généralisation des carburants à  partir  du gaz , le GPLc  pour les véhicules ,  le  Bupro pour les gros transporteurs  et des subventions ciblées fondées sur  une nouvelle politique des prix. Déjà 10 ans et que de perte de temps et d’argent. Par la suite   j’avais transmis  un rapport  au gouvernement  le 14 septembre 2012 avec des propositions concrètes, point de vue que j’ai développé par la suite dans la presse nationale et internationale,

1.-L'État algérien et la  généralisation  des subventions

Grâce à l’aisance financière générée par les hydrocarbures, les différents gouvernements successifs  depuis l’indépendance politique, au nom de la paix sociale, ont  généralisé les subventions. L’Etat algérien dépensait  sans compter, subventionnait  un grand nombre de produits de première nécessité, comme les céréales, l'eau et le lait, l'électricité et le carburant. En Algérie  celui qui gagne le SNMG au chef d'entreprise national ou étranger, bénéficient des prix subventionnés, n’existant pas de système ciblé de subventions. Dans son rapport en date du 18 avril 2012, la Banque mondiale faisait  remarquer qu’en moyenne dans le monde, 20% des plus riches bénéficient six fois plus que 20% des plus pauvres des subventions recommandant que les programmes d'aide sociale doivent être ciblés de manière à aider les ménages pauvres et vulnérables à y faire face. Pour l’Algérie, la même institution notait  pour  cette période  que les montants des subventions sous forme de comptes spéciaux du Trésor, recensant sous différentes appellations 14 fonds, allouées au soutien de services productifs, à l’accès à l’habitat et aux activités économiques sont successivement de 40,83, 520,11 et 581,78 milliards de dinars, soit un total d’environ 1.143 milliards de dinars (équivalent à 16 milliards de dollars ), représentant 14% du total des dépenses de l’État en dehors des dépenses de fonctionnement. Pour la BM, 277 milliards de dinars  ont été réservés aux produits de large consommation (blé, lait en poudre, etc.), soit l’équivalent du quart des subventions accordées au budget d’équipement. A cela s’ajoutent les assainissements répétés aux entreprises publiques qui ont couté au trésor public plus de 60 milliards de dollars entre 1971 et 2016, les exonérations fiscales et de TVA accordées par les différents organismes d’investissement (ANDI ANSEJ) y compris pour les entreprises étrangères, dont il conviendrait de quantifier les résultats par rapport à ces avantages à coup de dizaines de milliards de dinars. Dans la loi de finances 2018, le niveau des transferts sociaux est en hausse de 8% par rapport à l’année budgétaire 2017. Nous avons   les emplois d’attente d’activité d’insertion sociale (DAIS), l’insertion des jeunes diplômés , la quote part patronale de la sécurité sociale liée au dispositif de l’Agence nationale de l’emploi, le financement du dispositif d’aide à l’insertion professionnelle, les pensions des moudjahidine, le différentiel de retraite servi aux moudjahidine, aux militaires et le déficit de la CNR aux cotés du soutien aux prix du sucre blanc et des huiles alimentaires ou du dessalement de l’eau de mer, à l’office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) et de la dotation pour le Fonds d’indemnisation des victimes du terrorisme. A titre d’exemple sans les subventions aux carburants dont l’Algérie importe entre 2016/2017 pour plus de 2 milliards de dollars au prix international, la  subvention pour les huiles alimentaires et le sucre est de 1 milliard de dinars pendant que le fond de soutien public aux clubs professionnels de football dépasse 2 milliards de dinars. La quote part patronale de la sécurité sociale est d’environ  8 milliards de dinars et le « comblage » des trous des caisses de retraites dépasse 600 milliards de dinars et  le soutien aux prix des céréales (OAIC) est de 160 milliards de dinars. Ainsi, le  pouvoir algérien ne voulant pas de remous sociaux, surtout avant l’échéance présidentielle, a maintenu les   subventions comme  tampon pour juguler  avec ce retour à l’inflation qui selon l’ONS entre 2016/20107  fluctue entre 5/6%. Ce taux  est sous estimé incluant  dans le panier  les  produits subventionnés et en  dehors des subventions le taux d’inflation réel dépasserait  10%. Ainsi, les différentes lois de finances  depuis près de 10 ans  proposent des mesures qui ont pour finalité de pérenniser la politique de l'Etat en matière de subvention des prix des produits de large consommation. Or, comme je l’ai noté  dans une contribution notamment au quotidien français la Tribune FR en février 2012, « bien qu'exceptionnellement important, le montant des subventions et transferts sociaux  est d’un impact peu perceptible au niveau de la population. Il n’est peut-être pas juste que tout le monde puisse bénéficier de certaines subventions, quelle que soit leur situation financière.

2.-Pour des subventions ciblées

On peut lister les subventions accordés par l’Etat, sans être exhaustif. 

-Les subventions du prix du pain, de la semoule et du lait

-Les subventions des carburants, de l’électricité et de l’eau

-Les subventions à  la santé( hôpitaux et médicaments) , au  transport  et  au logement social

-Les subventions pour le soutien à l’emploi

-Les subventions aux écoles primaires, Cem, Lycées, Universités

-Les assainissements des entreprises publiques et les avantages  financiers et fiscaux aux entreprises  

-les surcouts de gestion  des projets  et les surfacturations illicites  qui sont des subventions indirectes

 La mise en place de subventions ciblées suppose à la fois  une large concertation politise, économique et  sociale loin de la pression des couches rentières  et un système d’information fiable  au temps réel mettant en relief  la répartition du revenu national et du modèle de consommation par couches sociales  posant la  problématique  de l’intégration  de la sphère informelle (revenus informels). Car cette situation est intenable avec les tensions budgétaires. Les subventions généralisées faussent l’allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d’avoir une transparence des comptes, fausse les normes de gestion élémentaires et les prévisions tant au niveau micro que macroéconomique, aboutissant au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Ils découragent, non ciblées, la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays. Comme se pose cette question stratégique : qu’en sera-t-il avec après les trois années dégrèvement tarifaire avec l’Europe horizon 2020 et son éventuelle adhésion à l’OMC où les produits énergétiques sont également concernés notamment par la suppression de la dualité du prix du gaz ? Se pose cette question stratégique pour l’Algérie : a quel niveau de cours de pétrole ( la loi de finances 2018 l’établissant à 50 dollars) le pays peut  -il continuer  à fonctionner , tant  pour le budget de fonctionnement  que celui du  budget d’équipement constitué en majorité par les infrastructures avec des surcoûts exorbitants qui ne sont qu’un moyen de développement ? La véritable richesse provient  des entreprises concurrentielles et  l’Etat pourrait ne pas avoir les moyens de continuer à subventionner certains produits  en cas où le baril descendrait en dessous de 60 dollars le baril en n’oubliant jamais que 33% ds recettes de Sonatrach proviennent du gaz qui connait un prix relativement bas.  L’instauration d’une chambre nationale de compensation indépendante, permettant des subventions ciblées, par un système de péréquation intra  soco- professionnelle et inter régionale, implique, comme rappelé précédemment,  forcément un système d’information en temps réel avec des réseaux internes et internationaux et  une analyse objective de la sphère informelle qui permet des transferts de revenus non déclarés, afin de savoir  qui est pauvre et qui est riche,. Cela suppose un Etat régulateur fort, reposant  sur les  compétences, la ressource humaine richesse pérenne et la démocratisation des décisions. Cela implique forcément un réaménagement profond de la logique de la politique actuelle assise  sur la rente  où des  couches rentières tissent des relations dialectiques avec la sphère informelle spéculative. Cette nouvelle vision doit reposer sur la gestion  et non sur  la logique de la dépense sans compter,  pour une paix sociale fictive grâce aux hydrocarbures traditionnels qui avec la forte consommation intérieure (due en partie aux  subventions)   s’épuiseront  horizon 2030   au moment où la population algérienne sera d’environ 50 millions d’habitants. . Car le niveau des  réserves  en termes de rentabilité financière,   est  fonction de l’évolution des  vecteurs prix international- cout,   pouvant découvrir des milliers de gisement mais non rentables.

En résumé, espérons que cette nième commission, qui n’est pas une nouveauté,  aboutira à des résultats concrets, qu’elle ne se cantonnera pas dans des bureaux loin des réalités, qu’elle tiendra compte des expériences internationales réussies , des travaux antérieurs en Algérie et qu’elle sera surtout  à l’écoute des experts et de  la société(1).  L’objectif stratégique  2018/2025/2030 sera de dépasser le statut quo actuel  pour éviter  l’épuisement progressif  des réserves de change,  étant  passées de 195 milliards de dollars en janvier 2015 à 95/96 milliards de dollars fin 2017, donnant   un répit de  trois ans. Il s’agira forcément  de changer   la  politique socio-économique, selon le couple efficacité/justice sociale,  afin de permettre  l’émergence d’une économie hors hydrocarbures et ce pour le bien être de l’Algérie et des générations futures. Face à la concentration excessive du revenu national au profit d‘une minorité rentière, renforçant le sentiment d’une profonde injustice sociale, l’austérité n’étant pas partagée, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de rente, quitte à conduire l’Algérie au suicide collectif. En bref, il s’agit de lutter contre les surcoûts et le gaspillage et parallèlement  mettre  fin au cancer de l’économie de la rente qui se diffuse dans la société par des subventions généralisées et des versements de traitements sans contreparties productives, subventions qui sont source d’inefficacité économique et d’injustice sociale -[email protected]

-(1)- sur la politique des subventions Pr Abderrahmane Mebtoul

- Voir différentes contributions sur la politique des  subventions du Pr Abderrahmane Mebtoul disponible sur le www.golgle.com ( 2009/2017) et notamment les expériences  de la Malaisie et de l’Iran

Interview du professeur Abderrahmane MEBTOUL  à Radio Algérie Internationale le 01 février 2018 sur la politique des subventions

- Voir nos deux contributions en  langue nationale dans le quotidien gouvernemental Ech Chaab  deux parties suur les réformes 31 janvier et 01 février 2018

تحديات   الإقتصاد   الجزائري

2018/2025/2030

-« Quelle politique pour les subventions en Algérie » – interview du professeur Abderrahmane Mebtoul au quotidien financier français Paris France  la Tribune FR  février 2012, et deux interviews sur els subventions courant 2017 à l’agence française AFP

-Audit sous la  direction du professeur Abderrahmane Mebtoul «  pour une nouvelle politique des carburants dans un système concurrentiel »  ( Ministère Energie 2007/2008)  assisté des cadres dirigeants de Sonatrach- d’experts nationaux et du bureau d ‘études américain Ernest Young ( 8 volumes 780 pages) où un volume a été consacré aux subventions  et à une nouvelle  politique des prix où j’avais fait un exposé sur ce sujet avec un large débat devant   les députés de la commission économique  de l’Assemblée Nationale Populaire APN fin 2007.



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