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Face aux nouvelles mutations technologiques mondiales, les micros unités de production de voitures en Algérie seront-elles rentables ?

09-01-2016 15:56  Contribution

Les contraintes internationales sont là et face aux mutations mondiales, la filière automobile hautement oligopolistique, s’internationalise, connaissant des restructurations, des fusions et des délocalisations des grands groupes, avec des capacités de production élevées au niveau mondial. Des ententes entre grands groupes s’opèrent pour les parts de marché. Il semble bien que certains des responsables algériens vivent sur une autre planète oubliant que la mondialisation est bien là avec des incidences politiques et économiques voulant perpétuer un modèle de politique industrielle dépassé des années 1970. Se pose cette question, face aux mutations mondiales, quel est le seuil de rentabilité de tous ces mini -projets de voitures ?

1 Quel avenir pour le marché de voitures en Algérie ?

La presse algérienne s’est fait l’écho récemment de la volonté de plusieurs opérateurs algériens de vouloir se lancer dans des projets de construction de voitures d’une capacité variant entre 1000 à 10.000 unités par an. L’Algérie fabriquerait ainsi des voitures françaises, italiennes, iraniennes, turques, indiennes, chinoises, sud coréennes et allemandes. La majorité de ces promoteurs avec en majorité des assemblages (donc des sorties de devises) promettent au gouvernement algérien des exportations horizon 2020/2025, misant uniquement sur un micro-marché intérieur, lui même fonction du pouvoir d’achat en détérioration avec la baisse de la rente des hydrocarbures.

Or, le constat est que le marché de voitures est un marché oligopolistique, fonction du pouvoir d’achat, des infrastructures et de la possibilité de substitution d’autres modes de transport notamment le collectif spécifique à chaque pays selon sa politique de transport, ayant connu depuis la crise d’octobre 2008 d’importants bouleversements. Les fusions se succèdent avec des prises de participation diverses.

Selon l’ONS le parc automobile en Algérie a atteint en 2014 plus de 5.425.000 unités, Par catégorie de véhicules, le PNA est constitué essentiellement des véhicules de tourisme avec 3.483.047 unités (64,2% de la totalité), des camionnettes avec 1.083.990 (près de 20%), des camions avec 396.277 (7,3%), des tracteurs agricoles avec 146.041 (2,7%), des remorques avec 134.019 (2,47%), des autocars et autobus avec 82.376 (1,52%), des motos avec 20.380 (0,38%) et des véhicules spéciaux avec 4.756 (0,1%).

La répartition du PNA selon les tranches d'âge des véhicules montre que le nombre des moins de 5 ans a atteint 1.253.731 unités (23,11% de la totalité du parc à fin 2014), des 5 à 9 ans à 933.006 véhicules (17,2%), des 10 à 14 ans à 346.788 (6,4%), des 15 à 19 ans à 214.287 unités (3,95%), des 20 ans et plus à 2.677.746 (49,35%). Concernant la répartition, la wilaya d’Alger concentre 1.427.800 unités ( 26,32%) suivie de Blida 301.076 (5,55%), Oran 280.627 (5,17%)-Constantine 198.175(3,65%) et Tizi Ouzou 189.080(3,45%).Pour le type de carburant utilisé l’essence représente 65% et le gasoil 34%, l’utilisation du GPLc étant marginal.

Le montant des importations des véhicules a atteint plus de 7,33 milliards de dollars (mds usd) en 2013 contre 7,60 mds usd en 2012,(cours du dollar de l’époque) .Selon le Ministre de l’industrie ( déclaration du 04 janvier 2015 forum d’El Moudjahid), en 2014, les importations des véhicules s’étaient chiffrées à 6,34 milliards de dollars pour 439.637 unités et en 2015, la facture des importations des véhicules s’est établie à 3,781 milliards de dollars, soit une baisse de 40,3% par rapport à 2014, tandis que le nombre de véhicules importés a baissé de 32%. C’est un signe également de la détérioration du pouvoir d’achat des ménages. Aussi, les responsables algériens doivent éviter, quitte à nous conduire à une impasse, le prestige, l’Algérie étant une petite nation.

Soyons pragmatiques loin de l’activisme. Il y a lieu de tenir compte que l’économie algérienne est irriguée par la rente des hydrocarbures (98% des exportations totales avec les dérivées). L’évolution des cours détermine fondamentalement le pouvoir d’achat des Algériens à 70%. L’inflation qui est de retour induit la détérioration du pouvoir d’achat. Le revenu global doit être corrigé devant tenir compte de la répartition du revenu et du modèle de consommation par couches sociales, un agrégat global ayant peu de significations. Aussi, face à ces choix où on note l’absence de vision stratégique et surtout d’un organe de régulation, l’économie de marché ne signifiant aucunement anarchie, huit questions se posent.

2.- le gouvernement doit répondre à huit questions

-Premièrement, qu’en sera-t-il avec l’épuisement inéluctable des hydrocarbures en termes de rentabilité économique et non de découvertes physiques sur le pouvoir d’achat des Algériens? Dans ce cas par rapport au pouvoir d’achat réel, (alimentaires, habillement notamment plus les frais de loyer et téléphone) et avec le nivellement par le bas des couches moyennes, que reste –il en termes de pouvoir d’achat réel pour acheter une voiture ?

- Deuxièmement, faute d’unités industrielles spécialisées, renvoyant à l’économie de la connaissance afin de favoriser des sous- traitances intégrées, quelle sera le taux d’intégration au départ ? D’autant plus que la majorité des inputs (coûtant plus cher avec le dérapage du dinar) seront presque importés devant inclure le coût de transport, également la formation adaptée aux nouvelles technologies et les coûts salariaux. Ne risque t- on pas de renouveler le expérience négatives du passé (voir Ministère Industrie -Alger-1978- 08 volumes 850 pages –« bilan de l’industrialisation entre 1965/1978 » audit sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul)

-Troisièmement, les normes internationales, du seuil des capacités au niveau mondial se situent entre 300.000 et 500.000/an pour les voitures individuelles, environ 100.000 unités/an pour les camions/ autobus et évolutives avec les grandes concentrations depuis 2009. La carcasse représente moins de 20/30% du coût total ; c’est comme un ordinateur, le coût ce n’est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%. En produisant entre 1000/10.000 voitures les projets seront-ils compétitifs ? A quels coûts hors taxes, l’Algérie produira cette voiture et en tendance lorsque le dégrèvement tarifaire allant vers zéro selon les Accord qui la lie à l’Union européenne seront appliqués et dans ce cas quelle est la valeur ajoutée interne créé par rapport au vecteur prix international, balance devises tenant compte des inputs importés et de l’amortissement tous deux en devises)?

- Quatrièmement, construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local alors que l’objectif du management stratégique de toute entreprise n’est –il pas ou régional, voir mondial afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale et cette filière n’est –elle pas internationalisée des sous segments s’imbriquant au niveau mondial ?

- Cinquièmement, l’industrie automobile étant devenue capitalistique, (les tours à programmation numérique éliminant les emplois intermédiaires) quel est le nombre d’emplois directs et indirects créés, renvoyant à la qualification nécessaire tenant compte des nouvelles technologies appliquées à l’automobile ?

- Sixièmement, quelle sera le coût et la stratégie des réseaux de distribution pour s’adapter à ces mutations technologiques?

- Septièmement, des nouvelles mutations technologiques s’annoncent au niveau mondial, dès 2020, notamment face au réchauffement climatique : ces voitures fonctionneront-ils à l’essence, au diesel, au GPLc, au GNW, hybride ou au solaire ?

- Huitièmement, comment pénétrer le marché mondial à terme avec la règle des 49/51% avec le risque que l’Algérie supporte tous les surcoûts et que ces constructeurs aussitôt les avantages fiscaux et financiers octroyés prennent fin, et en cas de baisse drastique des réserves de change, ne pouvant être payés, laisse l’Algérie à son propre sort tout en accentuant l’endettement? Car dans la pratique des affaires n'existent pas de sentiments.

En conclusion, je ne rappellerai jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside en la recherche développement, que le capital argent n’est qu’un moyen et que sans l’intégration de l’économie de la connaissance aucun projet n’a d’avenir, en ce XXIème siècle , face à un monde turbulent et instable où les innovations technologiques sont en perpétuelle évolution. L'Algérie doit investir dans des segments à avantages comparatifs tant dans l'agriculture, important gisement, les nouvelles technologies que de sous segments de filières industrielles tenant compte des changements dans le monde.

Professeur des Universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL

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(1)- Docteur Abderrahmane MEBTOUL est Professeur d’Université Docteur d’Etat Economie (1974) et Expert comptable diplômé de l’Institut supérieur de gestion de Lille (France 1973)



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