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Face à une demande sociale en croissance, comment éviter en Algérie le divorce État/citoyens ?

09-06-2015 19:55  Contribution

Être au rendez-vous de ce troisième millénaire est la nature du défi que doit relever notre société, en améliorant sa productivité, à partir de la promotion des innovations technologiques, de leur adaptation au contexte socio-économique et culturel algérien, et de leur traduction en valeur ajoutée, au bénéfice d'un développement global, source de richesses et de cohésion sociale. Cette présente contribution renvoie à une société plus participative  et citoyenne...

1.-  Comment donner une image positive de la société, c'est aspirer au statut d'une nation émancipée, clairvoyante dans son devenir, pertinente dans ses choix et acquise aux valeurs universelles du travail, source unique et pérenne de la vraie richesse. Cela suppose que toutes les composantes de la société et les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle, soient impliqués, sans exclusive, dans le processus décisionnel qui engage la configuration de l'image de l'Algérie de demain qui devra progressivement s'éloigner du spectre de l'exclusion, de la marginalisation et de toutes les attitudes négatives qui hypothèquent la cohésion sociale. L'implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l'avenir des générations futures, est une manière pour l'Etat, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d'arbitre de la demande sociale. L'Etat soucieux du regain de sa crédibilité, devra se manifester par sa présence et sa disponibilité d'écoute au niveau des ministères, des  wilayas, des APC, voire des quartiers et centres ruraux, où ses actions doivent être les plus perceptibles. La commune devra donc assurer sa mutation profonde, pour devenir un espace de convivialité qui intègre dans sa démarche l'action citoyenne du mouvement associatif. L'implication de la société civile dans les affaires de la cité est un acte éminemment civilisationnel, qui intègre les changements d'une société en pleine mutation, et une manière d'aboutir à un projet de progrès. Après la "commune providence " du tout-Etat, l'heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l'ingénierie territoriale. C'est dans ce contexte que la commune doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les bonnes volontés et initiatives qui participent. Il n'y aurait donc plus de place pour le gaspillage et le droit à l'erreur, ce qui exclut obligatoirement le pilotage à vue, au profit des actions fiabilisées par des perspectives de long terme d'une part, et les arbitrages cohérents d'autre part, qu'implique la rigueur de l'acte de gestion. On peut dire que le débat non clos sur les fonctions essentielles de la commune, est en fait un débat sur la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités et que quelles que soient les limites de ce partage de prérogatives, la commune-providence devra nécessairement laisser place à la commune-entreprise, dont l'efficacité se mesurera à ses capacités d'ingénierie territoriale et d'audit social. La maîtrise des finances locales et le développement économique doivent être placés au cœur des préoccupations des communes. Pour répondre à cet enjeu majeur, on doit miser sur la valorisation du territoire et l'organisation du développement autour d'espaces cohérents afin  de  satisfaire la demande sociale.  Agir juste, c'est chercher à comprendre : ce qui motive l'angoisse et le désarroi de la jeunesse ; ce que vivent les gens dans leur quotidien quand ils prennent le transport public ou quand ils vont chercher de l'eau, ramasser du bois pour se chauffer en milieu rural ; les appréhensions des parents quand ils envoient leurs enfants à l'école, souvent éloignée de leurs domiciles en zones rurales et particulièrement de montagne, steppique ou saharienne ; enfin le quotidien des personnes âgées, des handicapés et tous ceux qui sombrent progressivement dans un état de détresse. L'inventaire non exhaustif de la morosité du quotidien du citoyen, donne toute sa signification stratégique à la connaissance scientifique du milieu social sur lequel on se doit d'agir, pour tendre vers l'idéal à la fois d'efficacité économique par une meilleure gestion et de cohésion sociale. Pour ce faire, il faut d'abord avoir l'humilité nécessaire pour reconnaître nos limites dans ce domaine et considérer que la " radioscopie sociale " est le premier élément d'une action pérenne qui tend vers cet objectif. C'est pourquoi l'élu devra inscrire sa nouvelle démarche dans une rupture totale par rapport à l'empirisme qui ne peut conduire qu'à l'injustice et par conséquent à la contestation. Il faut pour cela donner la primauté aux études de cas et aux enquêtes pour établir une véritable " cartographie sociale " qui devra faire ressortir la spécificité dans la nature des problèmes de chaque quartier, en milieu urbain, et de chaque agglomération ou centre de vie, en milieu rural. C'est ainsi que l'on saura comment se distribuent géographiquement la demande de l'emploi, la pauvreté, la précarité des conditions de vie, les populations à risques etc., et que l'on pourra disposer de connaissances et de données pour la mise en œuvre des stratégies adéquates.

2.- L'expérience dans la conduite du développement local, a montré que l'effort consenti par l'Etat, pour l'amélioration du cadre de vie de la population et la satisfaction de ses besoins essentiels, n'a été que très faiblement perçu par le citoyen. Ceci s'explique par le fait que la détermination des besoins par les centres décisionnels (Wilaya, Daïra, Commune) s'élabore souvent sans l'implication des représentants de la société civile et tout particulièrement des associations de quartiers. Cette attitude, à la fois empirique dans l'évaluation des besoins et dirigiste dans l'initiation des programmes, a privé l'Etat des réseaux de communication qui lui auraient permis de porter son message et a induit une forme d'opacité pour ses actions. Il s'en est suivi des formes de divorce que symbolise le peu d'intérêt pour la chose publique et des attitudes laxistes chez bon nombre d'élus, quant au respect des règles et principes de l'Etat républicain. D'où l'importance d'un changement des méthodes d'intervention à l'échelle locale. Dans sa recherche d'une meilleure cohésion sociale, l'Etat se doit de se renforcer dans les plus brefs délais possibles, sa crédibilité, son autorité morale et son efficacité administrative. Il doit donc développer des approches imaginatives pour s'adapter à la structure sociale établie et reconnue par la commune, plutôt que de s'y opposer, par des schémas d'une administration mal inspirée, dont l'attitude routinière nuit considérablement à ses actions. L'absence d'une politique contenue et cohérente pour la ville a induit des formes d'inventions anarchiques, au point où les actions à caractères social et de réhabilitation du cadre bâti jusque là entreprises, n'ont eu qu'un impact limité, eu égard à l'ampleur dans la concentration des problèmes au niveau des établissements humains de nos villes. Les zones d'habitat sans aménagements, à l'intérieur et autour des villes, offrent aujourd'hui l'image de centres d'exclusion en rupture sociale où la mal vie a pour corollaire l'habitat insalubre, la dégradation de l'environnement, le chômage, la délinquance et l'insécurité qui menacent à terme la cohésion sociale. D'où l'importance d'une approche de proximité. A ce titre, l'initiative que devront développer les collectivités locales, pour asseoir définitivement leur autorité morale, leur crédibilité et leur ancrage dans la société - autrement dit, la " stratégie de pénétration sociale " qu'elles devront adopter pour la reconquête des territoires d'exclusion et de mal vie devra s'articuler autour de la concertation avec le mouvement associatif, pour la définition de la demande sociale des quartiers et la hiérarchisation des préoccupations de la population ; de l'amélioration dans l'encadrement des programmes de réhabilitation des quartiers, par des équipes pluridisciplinaires de conception et de suivi des programmes ;de la communication permanente avec les représentants des associations de quartiers et d'un encadrement adéquat des populations à risques par des équipes pluridisciplinaires ;de la prévention de l'échec scolaire par l'initiative en cours du soir, de programme de rattrapage pour les jeunes qui ne disposent pas de toutes les commodités pour l'évolution normale de leur scolarité  et d'un encadrement spécifique des catégories de jeunes disposant d'aptitudes artistiques, culturelles et scientifiques à encourager au sein d'une politique promotionnelle de jeunes talents. Globalement je trace   quelques   axes directeurs. Premièrement,  favoriser l’émergence  d'une administration centrale et locale communale responsable. Avec la nouvelle conjoncture économique et politique, il est indispensable et urgent de restituer les rôles et responsabilités des différents niveaux d'administration de notre territoire. Parallèlement au nouveau rôle d'animation et de régulation de la vie économique et sociale du pays que se fixe l'Etat, il s'agit conformément aux principes de la démocratie et de la décentralisation, de redonner à l'administration communale toutes les prérogatives et les moyens d'action d'une autorité locale pleinement responsable. Deuxièmement, l’Etat doit promouvoir une décentralisation responsable. Dans le processus de décentralisation, l'Etat moderne doit veiller à accorder aux collectivités locales, toutes les prérogatives et tous les moyens qui leur permettront d'assurer la totale responsabilité de gestion de leurs territoires respectifs, tout en sauvegardant l'unicité des politiques et stratégies nationales qui doivent, dans l'intérêt général, transcender les conjonctures locales. Chaque collectivité locale doit ainsi disposer d'un budget propre et de l'autonomie de son utilisation, devant également imaginer un système de péréquation fiscal entre les villes riches et les villes pauvres, afin que le citoyen puisse juger de la capacité de son administration communale à gérer son territoire de résidence et à améliorer ses conditions de vie. L'anarchie dont témoigne actuellement la croissance et les extensions désordonnées de nos villes, et notamment les plus grandes d'entre elles, sans vsion strne pourra que s'accentuer, si l'on continue à accepter que les autorités communales demeurent livrées à elles mêmes pour répondre, sous la contrainte, à la demande sociale, nécessitant souvent le recours aux services  de sécurité.

3.- Le siège de la commune est le premier repère pour le citoyen dans son jugement sur la grandeur de l'Etat républicain. Il est bien évident que l'état de délabrement de la bâtisse, l'absence d'entretien des espaces ouverts, la tenue des fonctionnaires, le mauvais accueil, comme c'est souvent le cas, ne peuvent que renvoyer à une image négative de la perception de la notion d'Etat. Dans la pratique quotidienne, que ce soit pour un extrait de naissance ou tout autre document, le citoyen mal renseigné sur ses droits et livré à lui-même dans le labyrinthe de l'administration est ballotté de service en service. Quand ce type d'attitude devient répétitif, cela génère une forme de divorce entre le citoyen et l'Etat et souvent une perte de confiance. Dans ce cas, la réhabilitation de l'autorité et de la crédibilité de l'Etat prend le sens d'une mutation profonde des centres d'accueil du public. Pour réaliser cet objectif, l'action devra porter sur trois éléments essentiels qui sont : l'homme, les moyens de travail et le cadre d'accueil. Pour ce qui concerne le premier élément, les préposés au guichet d'accueil doivent être sélectionnés sur la base de critères rigoureux qui font référence à la loyauté, à la disponibilité d'écoute, à la qualité et à la célérité dans l'exécution d'un service. Ces fonctionnaires, dont la situation matérielle doit être nécessairement améliorée, devraient se sentir impliqués dans le combat que l'Etat aura à mener contre l'injustice et le peu de considération accordée au service public. Il y a donc nécessité d'une formation spécifique de ce personnel qui doit apprendre à écouter, à communiquer, à convaincre, à considérer autrui avec courtoisie. Le deuxième aspect a trait aux conditions de travail des fonctionnaires de la commune, à la pénibilité du travail manuel, à son caractère routinier, à la lassitude qui prend forme au fil de l'exercice de cette fonction et à la pression du public au niveau des guichets qui fait perdre aux fonctionnaires le sens des relations humaines. Dans ce cas, l'informatisation des services et l'amélioration du confort prend l'allure d'une action prioritaire, dont la finalité sera l'émergence d'un cadre convivial d'accueil propice à la sérénité dans les relations humaines. Le troisième point relève du souci de transmission d'une image positive d'un Etat rigoureux dans la gestion de la chose publique, respectueux de sa population et soucieux de mieux la servir. Cette image doit trouver sa traduction dans l'état des lieux, le traitement des espaces extérieurs, la propreté des services, le service d'accueil et l'orientation du public, la tenue du personnel et dans tous les éléments qui permettent au citoyen de mesurer le degré de considération qu'on lui accorde. Cette politique prend le caractère d'un investissement pour la réalisation d'un cadre convivial, qui facilite le rapprochement de l'Etat/ citoyen et les prédispose à engager ensemble des actions " partenariales " de nature multiforme, dont la finalité serait une meilleure cohésion sociale.

En résumé,  l'ensemble des actions citées précédemment implique la restructuration du système partisan ainsi que la société civile comme puissant réseau de mobilisation devant s'insérer dans le cadre d'une réorganisation territoriale assis sur un Etat de Droit tenant compte de l’influence de l’internationalisation et de la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle .

Professeur des Universités Expert International Dr Abderrahmane MEBTOUL

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