Le 28 novembre 1958, Maître Alphonse Auguste Thuveny, membre du collectif des avocats du FLN, a été assassiné dans l'explosion de sa voiture piégée à Rabat, au Maroc. L'organisation terroriste pro Algérie-française, la sinistre "Main Rouge" a revendiqué cet attentat.
Ce juste parmi les justes, né en Algérie et qui a fait ses études de droit à Alger, faisait partie du conseil d'avocats qui a défendu les 47 membres de l'Organisation spéciale (l'OS), le bras armé clandestin du parti de Messali Hadj (le PPA-MTLD) lors de leur procès devant le tribunal correctionnel d'Oran, les 12 et 13 février 1951.
Il a été également en 1956, le défenseur devant ce même tribunal, du moudjahid Hadj Ben alla, responsable de la wilaya 5, pendant la guerre de Libération nationale. Pour rappel, ce dernier, devint après 1962, le président de l'Assemblée nationale sous le gouvernement du Président Ben Bella.
Au tout début de l'année 1957, Maître Thuveny a été arrêté puis détenu pendant 11 mois, par la police du préfet socialiste d'Oran de l'époque, Pierre Lambert. Après sa mise en liberté provisoire, Maitre Thuveny a été expulsé vers la France. Et quelques mois plus tard, en mars 1958, Il se réfugia au Maroc où il pensait, à tort, être en sécurité.
Apres l'indépendance de l'Algérie, sa veuve ainsi que sa fille unique, Roberte-Jacqueline, alors âgée d'une vingtaine d'années, se sont installées à Alger où le Président Ben Bella mit à leur disposition une coquette villa dans le village côtier de Rais Hamidou (ex Pointe-Pescade) dans la banlieue nord-ouest d'Alger, et leur accorda une subvention mensuelle de 100.000 anciens francs (la moitié de ce que le Président touchait lui-même !) allouée par l'Etat algérien afin qu'elles puissent subvenir à leurs besoins.
La jeune fille s'était inscrite à la faculté de droit d'Alger, peut-être pour reprendre le flambeau de son père disparu.
Elle partait à ses cours, au volant d'une Volkswagen "coccinelle" bleue, en essayant de cacher ses horribles souvenirs, derrière une discrétion un peu taciturne, la beauté de ses yeux et la longue fumée de sa cigarette !
À cette époque, environ 10% des étudiants inscrits à l'université d'Alger étaient constitués de jeunes français restés avec leur famille en Algérie après 1962, et d'étudiants africains bénéficiants de bourses d'études de la part des autorités algériennes.
En 1964, les cendres de Maître Thuveny ont été transférées à Alger et inhumées dans le carré des martyrs, au cimetière d'El Alia, lors d'une cérémonie officielle à laquelle assista le Président Ben Bella en personne. Le square abritant le siège de la cour d'Oran a été aussi baptisé de son nom.
Un jour, au milieu de l'année 1965, la petite famille Thuveny passa quelques coups de téléphone, fit ses bagages tranquillement, puis quitta Alger pour le Canada d'où elle ne donna plus jamais signe de vie !