Des êtres parfois s'attardent dans notre vie mais lorsqu'ils nous quittent, c'est comme s'ils n'avaient jamais existé ! Et d'autres, par contre, nous les croisons même brièvement et lorsqu'ils meurent, ils laissent en nous une peine incommensurable.
Nous nous connaissions, Abderrahim et moi, certes depuis des années, mais comme deux troncs d'arbres plantés fortuitement l'un en face de l'autre, sans jamais avoir eu l'occasion d'avoir un dialogue profond ou un partage véritable. Derrière une façade trompeuse ou une erreur d'appréciation, se cache parfois un trésor que nous ne voyons pas !
Abderrahim avait fait naguère des études de droit, mais il n'a jamais souhaité être admis au barreau de sa ville, parce qu'il considérait que sa conscience lui interdisait d'être un défenseur du Mal, dans n'importe quel prétoire au monde ! Le seul fait de considérer, sous cet angle, un chapitre important de la justice des hommes, a dû surprendre beaucoup de ses amis !
Jeune homme, Abderrahim avait étudié les idéologies communistes puis avait découvert les grands maîtres de l'Islam caché et sublime ! Une sorte de passion, de nature presque christique, de la connaissance spirituelle s'était alors saisie de son âme et a incendié son regard intérieur, derrière une attitude de réserve naturelle et de grande gentillesse !
Dans sa quête humble et solitaire de la Vérité, combien de pépites de lumière cet homme a peut-être amassées, et quel chant secret a bercé son coeur que nous n'entendrons jamais !
Récemment, Abderrahim avait sollicité l'aide du ministère de la Culture pour publier un ouvrage sur lequel il avait longtemps travaillé, et s'il n'a pas construit des usines ni élevé des buildings dans son pays, il l'a, par contre, servi d'une autre manière, par sa droiture, son exigence quotidienne vis-à-vis de lui-même et la petite lueur anonyme qu'il a allumée dans la nuit !
À Alger, Il y a 3 ou 4 ans, un conseiller de l'ambassade iranienne, après avoir assisté à l'une de ses conférences sur le "cheikh El Akbar", Ibn Arabi, l'a invité à visiter son pays dans lequel il a passé environ un mois à essayer de dénicher, comme d'habitude, une aiguille d'or dans une botte de foin !
A son retour, il avait fait un premier infarctus, et je lui avais alors rendu visite à l'hôpital. Il semblait ne pas craindre d'affronter la mort. Comment pouvait-il avoir peur, lui si proche de la lumière ?