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Evitez de vendre des utopies : quelle est la rentabilité de l’exploitation des gisements du fer de Gara Djebilet, du phosphate de Tébessa et de l’exploitation de l'or ?

23-10-2021 22:15  Pr Abderrahmane Mebtoul

 

Certains vivent  encore de l’illusion de la  rente éternelle  misant essentiellement sur les exportations de matières premières brutes où tant pour le fer que le phosphate  procurant juste un profit moyen, à moins de descendre  en bas de l’arbre généalogique forte consommatrice de gaz  naturel, mais qui demande de lourds investissements et dont la rentabilité,  à partir du lancement du projet, est dans 5/7 ans ,  fonction   par ailleurs de leur teneur physique dont   une   grande partie  de la matière est rejetée dans l’atmosphère et nécessitant  des investissements additionnels de recyclage pour éviter la pollution.  L’ex ministre de l’industrie fin décembre 2020 avait annoncé que pour ces deux projets le montant  de l’investissement devrait dépasser les 15 milliards de dollars ,sans préciser l’apport du partenaire étranger( source APS) L’objet de cette brève contribution est d’éclairer, objectivement, loin des utopies néfastes,  l’opinion publique sur la rentabilité de ces deux projets

1.- Le prix mondial du phosphate brut a été coté en mars 2021 à 96,25 dollars la tonne, en juin 125 et en aout 2021,  137 dollars la tonne.  Pour le phosphate de Tébessa , les réserves sont estimées entre  2,2 et 2,6 milliards de tonnes dont seulement  24 % de pentoxyde de phosphate.  Ainsi si l’on exporte trente millions de tonnes brut,  à 100 dollars la tonne , nous aurons un chiffre d’affaire de 3 milliards de dollars.. Comme dans cette filière les charges sont très élevées (amortissement et charges salariales notamment) minimum de 40%, le profit net serait pour trente missions de tonnes environ 1,8 milliard de dollars. En cas d’association avec un partenaire étranger selon la règle des 49/51%, le profit net restant à l’Algérie serait légèrement supérieur à 900 millions de dollars . Pour accroître le profit net, il faut donc se lancer dans des unités de transformation hautement capitalistiques avec des investissements très lourds. Avec la récente flambée du prix du gaz , début octobre 2021, le produit phosphaté  DAP  a dépassé la barre  des 820 dollars la tonne, soit  près de cinq fois le prix du phosphate brut avec un impact inflationniste  sur les  produits alimentaires utilisant les engrais, contre des prévisions avant la hausse brutale du prix  du gaz où  la Banque mondiale en 2020 avait prévu  que le phosphate brut se négocierait  autour de 80-85 dollars U.S la tonne métrique, celui du DAP autour de 377,5 dollars US la tonne métrique et le TSP à près de 300.Pour une importante quantité exportable, cela passe par un partenariat du fait du contrôle de cette filière par quelques firmes au niveau mondial.. 

2.-  Pour le fer de la mine de Gar Djebilet, ses réserves sont estimées à 3,5 milliards de tonnes, dont 1,7 milliard de tonnes sont exploitables et devant distinguer pour les importations actuelles le fer brut de ses dérivées.   Entre janvier  et octobre 2021, le cours   a connu une forte hausse par rapport aux années  précédentes 100/115 dollars la tonne étant coté fin  septembre 2021 à 214 dollars la tonne . A un  cours de 200 dollars la tonne , pour une exportation brute de 3 millions de tonnes /an, nous aurons un chiffre d’affaire de 600 millions de dollars et pour 30 millions de tonnes  6 milliards de dollars auquel il faudra retirer 50% de charges ( les coûts  d'exploitations est très élevé) restant  pour 30 millions de tonnes 3 milliard de dollars. Ce montant est  à se partager selon la règle des 49/51%, avec le partenaire étranger restant à l’Algérie  en cas de 30 millions de tonnes environ 1,5/-1,6 milliards  de dollars. Il faut donc descendre à l’aval de la filière où  , le prix de l’acier sur le marché mondial est coté début octobre 2021 entre 900 et 1000 dollars la tonne variant selon les aciers, presque cinq fois par rapport au fer brut ,  mais nécessitant  des investissements lourds et à rentabilité à moyen terme.  C’est que l’exploitation du fer de Gara Djebilet dont les études datent depuis 1970/1974 au moment où j’étais jeune conseiller du Ministre de l’industrie et de l’Energie de 1973/1979, nécessitera de grands investissements dans les centrales électriques, des réseaux de transport, une utilisation rationnelle de l’eau, des réseaux de distribution  qui fait défaut du fait  l’éloignement des sources d’approvisionnement, tout en évitant  la détérioration de l’environnement, les unités comme pour le phosphate étant très polluantes ainsi qu’ une formation pointue. Et là on revient à la ressource humaine et à un bon management stratégique , pilier de tout processus de développement. Donc comme pour le phosphate, seule la transformation en produits nobles peut procurer une valeur ajoutée plus importante à l’exportation.

3.-.Concernant l’or, existant généralement, deux principales techniques utilisées, avec des coûts différents, la mine souterraine ou la mine à ciel ouvert  dont l’extraction selon la profondeur et la situation géographique,  nécessite des techniques appropriées  et non des techniques artisanales,  selon  les sources internationales, la Banque d’Algérie possède  fin  2020,  un stock d’environ 173,6 tonnes d’or. Au cours d’octobre 2021, 1750 dollars l’once ,  le montant des réserves d’or de l’Algérie peut être évalué à 10,90 milliards,   n’ayant  pas  eu d’augmentation en volume depuis 2005/2006. Lors de son allocution, le 13 février 2021 , au forum du quotidien Echaab le ministre des Mines a révélé l’existence d’un stock national d’or souterrain  estimé à 124 tonnes se trouvant  particulièrement dans les wilayas de Tamanrasset et d’Illizi pour une valeur eau cours d’octobre 2021 de 6,57 milliards de dollars mais comme dans le pétrole, les réserves se calculent par rapport au coût, la concurrence internationale, et au vecteur prix international pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, , le Ministre des  mines reconnaissant  que pour  la mine d’Amesmessa, dont les réserves en or dépassent 45 tonnes,  des problèmes techniques empêchent d’atteindre la profondeur exigée.  L’objectif est  d’atteindre une production de 500 kg d'or/an, ce qui donnerait un chiffre d'affaires, au cours d’octobre 2021, environ  25 millions de dollars.  Or comme dans la sidérurgie  ou le phosphate, les charges sont très lourdes, sous réserve de la maîtrise des coûts, les normes internationales étant de 50% ce qui resterait comme profit net  environ 12,5 millions de dollars. Quant aux 218 permis d’exploitation d’or, le Ministère de l’Energie  annonce  une production de 58kg en 2020, dont 17 kg  récupérés dans le cadre des opérations menées par l’Armée nationale populaire (ANP) ce qui donne un chiffre d’affaire de 300.000   dollars et un profit net de 150.000   dollars. Selon la  déclaration officielle du  PDG de l’ENAOR, le 30 janvier 2010, l’Algérie  a exporté fin 2019, 848 kg d’or  et le marché local a consommé 208,78 kg. La stagnation des réserves d 'or peut s'expliquer par le fait que la Banque d’Algérie ne s’est pas portée acquéreur. Mais là aussi ,comme dans le phosphate  et le fer brut , on peut découvrir des milliers de gisements, dont la rentabilité  est fonction du coût  d’exploitation et de l’évolution du prix international sachant que pour l’or le cours est très volatil ,  fluctuant depuis  deux à trois  décennies entre  800 à plus de 2000 dollars l’once. L’augmentation ou la diminution de sa valeur au niveau de la bourse est fonction d’actions spéculatives déterminées par les conjonctures internationales reposant sur la confiance ou pas étant une action de précaution pour se prémunir de la  crise   économique, de la dépréciation des monnaies  et  de l’ inflation 

4.- Pour l’or,  l’on devra éviter l’illusion monétaire car la monnaie, qui est avant tout un rapport social, traduisant le rapport confiance Etat/citoyens, est un signe permettant les échanges ne créant pas de richesses. Au contraire, la thésaurisation et la spéculation dans les valeurs refuges comme l’or, certaines devises ou certaines matières premières sont nocifs à toute économie, n’existant pas de corrélation entre les pays les plus riches et le niveau des réserves de change . Pour les unités  sidérurgiques et de phosphate,  il faudra résoudre le problème du prix de cession du gaz qui est cédé au niveau local à environ 10% du prix international, constituant une rente,  devant   être aligné sur celui du marché pour  éviter les nombreux litiges concernant la dualité des prix contraires aux règles du commerce international avec les nouvelles technologies, tours à programmation numériques, ces deux projets, son on veut être concurrentiels,  créent peu d’emplois.  Du fait des tensions budgétaires ( baisse drastique des réserves de change ayant clôturé à 48 milliards de dollars fin 2020 contre 194 en janvier 2014, estimation 44 milliards de dollars  fin mai  2021, et de  la structure oligopolistique des   filières  fer et phosphate  au niveau mondial, la seule solution est un partenariat gagnant/ gagnant avec les firmes de renom qui contrôlent les segments du marché international qui n’accepteront pas , la règle restrictive des 49/51% avec les lourdeurs bureaucratiques, la souplesse et les décisions au temps réel régissant le commerce international. 

En résumé,  il y a lieu  d’éviter les erreurs du passé qui se sont chiffrées en dizaines de milliards de dollars de perte, faute  de bien connaître l’évolution des filières industrielles mondialisées qui connaissent ces dernières années de profondes mutations. Aucun pays ne s’est développé grâce aux matières premières y compris l’or mais grâce au savoir, une diplomatie n’étant forte que si l'économie est forte, ce qui explique le succès au XXIème siècle de la Chine.  Après avoir épuisé ses stocks d’or, avec la découverte de Christophe Colomb, l’Espagne a périclité pendant plusieurs siècles où en 1962, l’Algérie était plus développée. Et c’est ce qui attend les pays producteurs d’hydrocarbures qui ne vivent que grâce à cette rente. En ces moments de grands bouleversements géostratégiques,  c’est par  une nouvelle gouvernance  et  un discours de vérité collant avec la réalité sociale, loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates, que l’on  trouvera les solutions à la crise actuelle qui touche pas seulement l’Algérie mais tous les  pays,   avec l’impact de l’épidémie du coronavirus et du réchauffement climatique  rendant irréversible , la transition numérique et énergétique qui devraient modifier considérablement tant les politiques économiques que les relations internationales.

ademmebtoul@gmail.com

Professeur des universités, expert international -Abderrahmane MEBTOUL Docteur  d’Etat 1974- expert-comptable de l’institut supérieur de gestion de Lille- directeur d’études – expert indépendant- Ministère Energie /Sonatrach 1974/1979-1990/1995- 200/2007-2013-2015- président du conseil national des privatisations 1996/1999-  haut magistrat premier conseiller  et directeur général des études économiques  à la cour des comptes 1980/1983 - auteur de nombreuses contributions internationales sur l’économie algérienne et  les enjeux  économiques mondiaux dont les mutations des filières industrielles

 
 
 
 


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