Certains vivent encore de l’illusion de la rente éternelle misant essentiellement sur les exportations de matières premières brutes où tant pour le fer que le phosphate procurant juste un profit moyen, à moins de descendre en bas de l’arbre généalogique forte consommatrice de gaz naturel, mais qui demande de lourds investissements et dont la rentabilité, à partir du lancement du projet, est dans 5/7 ans , fonction par ailleurs de leur teneur physique dont une grande partie de la matière est rejetée dans l’atmosphère et nécessitant des investissements additionnels de recyclage pour éviter la pollution. L’ex ministre de l’industrie fin décembre 2020 avait annoncé que pour ces deux projets le montant de l’investissement devrait dépasser les 15 milliards de dollars ,sans préciser l’apport du partenaire étranger( source APS) L’objet de cette brève contribution est d’éclairer, objectivement, loin des utopies néfastes, l’opinion publique sur la rentabilité de ces deux projets
1.- Le prix mondial du phosphate brut a été coté en mars 2021 à 96,25 dollars la tonne, en juin 125 et en aout 2021, 137 dollars la tonne. Pour le phosphate de Tébessa , les réserves sont estimées entre 2,2 et 2,6 milliards de tonnes dont seulement 24 % de pentoxyde de phosphate. Ainsi si l’on exporte trente millions de tonnes brut, à 100 dollars la tonne , nous aurons un chiffre d’affaire de 3 milliards de dollars.. Comme dans cette filière les charges sont très élevées (amortissement et charges salariales notamment) minimum de 40%, le profit net serait pour trente missions de tonnes environ 1,8 milliard de dollars. En cas d’association avec un partenaire étranger selon la règle des 49/51%, le profit net restant à l’Algérie serait légèrement supérieur à 900 millions de dollars . Pour accroître le profit net, il faut donc se lancer dans des unités de transformation hautement capitalistiques avec des investissements très lourds. Avec la récente flambée du prix du gaz , début octobre 2021, le produit phosphaté DAP a dépassé la barre des 820 dollars la tonne, soit près de cinq fois le prix du phosphate brut avec un impact inflationniste sur les produits alimentaires utilisant les engrais, contre des prévisions avant la hausse brutale du prix du gaz où la Banque mondiale en 2020 avait prévu que le phosphate brut se négocierait autour de 80-85 dollars U.S la tonne métrique, celui du DAP autour de 377,5 dollars US la tonne métrique et le TSP à près de 300.Pour une importante quantité exportable, cela passe par un partenariat du fait du contrôle de cette filière par quelques firmes au niveau mondial..
2.- Pour le fer de la mine de Gar Djebilet, ses réserves sont estimées à 3,5 milliards de tonnes, dont 1,7 milliard de tonnes sont exploitables et devant distinguer pour les importations actuelles le fer brut de ses dérivées. Entre janvier et octobre 2021, le cours a connu une forte hausse par rapport aux années précédentes 100/115 dollars la tonne étant coté fin septembre 2021 à 214 dollars la tonne . A un cours de 200 dollars la tonne , pour une exportation brute de 3 millions de tonnes /an, nous aurons un chiffre d’affaire de 600 millions de dollars et pour 30 millions de tonnes 6 milliards de dollars auquel il faudra retirer 50% de charges ( les coûts d'exploitations est très élevé) restant pour 30 millions de tonnes 3 milliard de dollars. Ce montant est à se partager selon la règle des 49/51%, avec le partenaire étranger restant à l’Algérie en cas de 30 millions de tonnes environ 1,5/-1,6 milliards de dollars. Il faut donc descendre à l’aval de la filière où , le prix de l’acier sur le marché mondial est coté début octobre 2021 entre 900 et 1000 dollars la tonne variant selon les aciers, presque cinq fois par rapport au fer brut , mais nécessitant des investissements lourds et à rentabilité à moyen terme. C’est que l’exploitation du fer de Gara Djebilet dont les études datent depuis 1970/1974 au moment où j’étais jeune conseiller du Ministre de l’industrie et de l’Energie de 1973/1979, nécessitera de grands investissements dans les centrales électriques, des réseaux de transport, une utilisation rationnelle de l’eau, des réseaux de distribution qui fait défaut du fait l’éloignement des sources d’approvisionnement, tout en évitant la détérioration de l’environnement, les unités comme pour le phosphate étant très polluantes ainsi qu’ une formation pointue. Et là on revient à la ressource humaine et à un bon management stratégique , pilier de tout processus de développement. Donc comme pour le phosphate, seule la transformation en produits nobles peut procurer une valeur ajoutée plus importante à l’exportation.
3.-.Concernant l’or, existant généralement, deux principales techniques utilisées, avec des coûts différents, la mine souterraine ou la mine à ciel ouvert dont l’extraction selon la profondeur et la situation géographique, nécessite des techniques appropriées et non des techniques artisanales, selon les sources internationales, la Banque d’Algérie possède fin 2020, un stock d’environ 173,6 tonnes d’or. Au cours d’octobre 2021, 1750 dollars l’once , le montant des réserves d’or de l’Algérie peut être évalué à 10,90 milliards, n’ayant pas eu d’augmentation en volume depuis 2005/2006. Lors de son allocution, le 13 février 2021 , au forum du quotidien Echaab le ministre des Mines a révélé l’existence d’un stock national d’or souterrain estimé à 124 tonnes se trouvant particulièrement dans les wilayas de Tamanrasset et d’Illizi pour une valeur eau cours d’octobre 2021 de 6,57 milliards de dollars mais comme dans le pétrole, les réserves se calculent par rapport au coût, la concurrence internationale, et au vecteur prix international pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, , le Ministre des mines reconnaissant que pour la mine d’Amesmessa, dont les réserves en or dépassent 45 tonnes, des problèmes techniques empêchent d’atteindre la profondeur exigée. L’objectif est d’atteindre une production de 500 kg d'or/an, ce qui donnerait un chiffre d'affaires, au cours d’octobre 2021, environ 25 millions de dollars. Or comme dans la sidérurgie ou le phosphate, les charges sont très lourdes, sous réserve de la maîtrise des coûts, les normes internationales étant de 50% ce qui resterait comme profit net environ 12,5 millions de dollars. Quant aux 218 permis d’exploitation d’or, le Ministère de l’Energie annonce une production de 58kg en 2020, dont 17 kg récupérés dans le cadre des opérations menées par l’Armée nationale populaire (ANP) ce qui donne un chiffre d’affaire de 300.000 dollars et un profit net de 150.000 dollars. Selon la déclaration officielle du PDG de l’ENAOR, le 30 janvier 2010, l’Algérie a exporté fin 2019, 848 kg d’or et le marché local a consommé 208,78 kg. La stagnation des réserves d 'or peut s'expliquer par le fait que la Banque d’Algérie ne s’est pas portée acquéreur. Mais là aussi ,comme dans le phosphate et le fer brut , on peut découvrir des milliers de gisements, dont la rentabilité est fonction du coût d’exploitation et de l’évolution du prix international sachant que pour l’or le cours est très volatil , fluctuant depuis deux à trois décennies entre 800 à plus de 2000 dollars l’once. L’augmentation ou la diminution de sa valeur au niveau de la bourse est fonction d’actions spéculatives déterminées par les conjonctures internationales reposant sur la confiance ou pas étant une action de précaution pour se prémunir de la crise économique, de la dépréciation des monnaies et de l’ inflation
4.- Pour l’or, l’on devra éviter l’illusion monétaire car la monnaie, qui est avant tout un rapport social, traduisant le rapport confiance Etat/citoyens, est un signe permettant les échanges ne créant pas de richesses. Au contraire, la thésaurisation et la spéculation dans les valeurs refuges comme l’or, certaines devises ou certaines matières premières sont nocifs à toute économie, n’existant pas de corrélation entre les pays les plus riches et le niveau des réserves de change . Pour les unités sidérurgiques et de phosphate, il faudra résoudre le problème du prix de cession du gaz qui est cédé au niveau local à environ 10% du prix international, constituant une rente, devant être aligné sur celui du marché pour éviter les nombreux litiges concernant la dualité des prix contraires aux règles du commerce international avec les nouvelles technologies, tours à programmation numériques, ces deux projets, son on veut être concurrentiels, créent peu d’emplois. Du fait des tensions budgétaires ( baisse drastique des réserves de change ayant clôturé à 48 milliards de dollars fin 2020 contre 194 en janvier 2014, estimation 44 milliards de dollars fin mai 2021, et de la structure oligopolistique des filières fer et phosphate au niveau mondial, la seule solution est un partenariat gagnant/ gagnant avec les firmes de renom qui contrôlent les segments du marché international qui n’accepteront pas , la règle restrictive des 49/51% avec les lourdeurs bureaucratiques, la souplesse et les décisions au temps réel régissant le commerce international.
En résumé, il y a lieu d’éviter les erreurs du passé qui se sont chiffrées en dizaines de milliards de dollars de perte, faute de bien connaître l’évolution des filières industrielles mondialisées qui connaissent ces dernières années de profondes mutations. Aucun pays ne s’est développé grâce aux matières premières y compris l’or mais grâce au savoir, une diplomatie n’étant forte que si l'économie est forte, ce qui explique le succès au XXIème siècle de la Chine. Après avoir épuisé ses stocks d’or, avec la découverte de Christophe Colomb, l’Espagne a périclité pendant plusieurs siècles où en 1962, l’Algérie était plus développée. Et c’est ce qui attend les pays producteurs d’hydrocarbures qui ne vivent que grâce à cette rente. En ces moments de grands bouleversements géostratégiques, c’est par une nouvelle gouvernance et un discours de vérité collant avec la réalité sociale, loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates, que l’on trouvera les solutions à la crise actuelle qui touche pas seulement l’Algérie mais tous les pays, avec l’impact de l’épidémie du coronavirus et du réchauffement climatique rendant irréversible , la transition numérique et énergétique qui devraient modifier considérablement tant les politiques économiques que les relations internationales.
Professeur des universités, expert international -Abderrahmane MEBTOUL Docteur d’Etat 1974- expert-comptable de l’institut supérieur de gestion de Lille- directeur d’études – expert indépendant- Ministère Energie /Sonatrach 1974/1979-1990/1995- 200/2007-2013-2015- président du conseil national des privatisations 1996/1999- haut magistrat premier conseiller et directeur général des études économiques à la cour des comptes 1980/1983 - auteur de nombreuses contributions internationales sur l’économie algérienne et les enjeux économiques mondiaux dont les mutations des filières industrielles