Lors de différentes visites tant à Alger qu’à Bruxelles, les parties algériennes et européennes ont réaffirmé la détermination commune à rehausser les relations à la hauteur des ambitions proclamées. L’Algérie est un acteur de stabilité de la région méditerranéenne et africaine et par exemple à travers les canalisations Medgaz et Transmed un acteur stratégique pour l’approvisionnement en énergie de l’Europe ayant toujours respecté ses engagements commerciaux. La volonté serait de « densifier » cette coopération, selon le ministre algérien des Affaires étrangères algérien, pour qui « la démarche d’évaluation réclamée par l’Algérie ne vise nullement à remettre en cause l’Accord, mais, bien au contraire, à l’utiliser pleinement dans le sens d’une interprétation positive de ses dispositions permettant un rééquilibrage des liens de coopération, Du côté européen, on évoque des discussions « constructives ». Selon la partie européenne, la relation bilatérale, prometteuse aussi bien dans le domaine de l’énergie que dans l’activité des entreprises et du commerce, a un potentiel inexploré, même si grevé par des lourdeurs administratives et de décisions politiques persistantes. C’est que la partie européenne doit regarder l’Algérie comme un partenaire et non comme un immense marché destiné à recevoir tous les produits «made in Europe». Comme l’Algérie doit comprendre qu’ en ce XXIème sicle, les relations en réseaux ont remplacé les relations personnalisées entre chefs Etats ou ministres dans le domaine économique devant avoir des réseaux crédibles loin des slogans populistes qui n’ont aucune influence sur les décisions internationale et que l’Europe ne peut contraindre des entrepreneurs privés, mus par la seule logique de profit, qui ont de larges opportunités à travers le monde , à investir dans un pays donnée, ce qui renvoie à la levée de contraintes du milieu des affaires. Or actuellement, nous assistons actuellement à un dialogue de sourd entre la partie algérienne et la partie européenne devant dépassionner les débats et s’orienter vers un partenariat gagnant-gagnant objet de cette présente contribution.
1.-Régler les différents Algérie/Europe : pour une prospérité partagée
Devant l’Assemblée nationale française, la Commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, avait affirmé, mardi 10 avril, que les limitations aux importations instaurées par l’Algérie n’étaient « pas en conformité avec les accords de libre-échange » contenus dans l’accord d’association entre l’Union européenne (UE) et l’Algérie et qu’en cas d’échec du dialogue engagé entre les deux parties à ce sujet, « il faudra évoquer les clauses de règlement de différends » de cet accord. Or, selon le gouvernement algérien sur la période 2005-2015, les exportations hors hydrocarbures de l’Algérie vers l’UE se sont établies à 14 milliards de dollars tandis que l’Algérie a importé pour 220 milliards de dollars de l’UE. En termes de recettes douanières, le gouvernement algérien estimait en 2015 le manque à gagner occasionné sur la même période, à plus de 700 milliards de DA soit plus de 6,7 milliards d’euros (au taux de 2015), soit 670 millions de dollars/an. Pour la partie européenne , il appartient à l’Algérie de comptabiliser ses exportations d’hydrocarbures vers l’Europe pour dresser la balance et pas seulement les produits hors hydrocarbures ayant une structure économique peu compétitives la structure du tissu économique, composée à 97% de très petites entreprises (TPE), est quant à elle peu orientée vers la performance économique en termes de production et d’exportation et donc d’aller vers les réformes en retard qui sont de la seule responsabilité du gouvernement algérien invoquant une législation bureaucratique en matière d’investissement et peu lisible pour les investisseurs étrangers, notamment européens, qui évoquent souvent pour les PMI-PME l’application de la règle 51/49% à tous les secteurs d’activité confondus, comme étant un obstacle à l’investissement. J’ai été destinataire , grâce à mes réseaux au niveau de la CEE à Bruxelles, fin décembre 2016 de la nouvelle monture de la révision partielle proposée par l’Union européenne suite aux propositions algériennes de l’Accord qui lie l’Algérie à l’Union européenne qui réconforte certaines propositions algériennes mais n’étant nullement question de modifier l’Accord cadre. Cela confirme la déclaration récente de responsables du Ministère des affaires étrangères pour qui le document contenant 21 recommandations permettrait de relancer la coopération entre l’Algérie et l’UE dans le but de mettre les relations économiques au centre de cette coopération, de donner à cet accord toute son importance et d’utiliser tout son énorme potentiel dans ses trois composantes: politique, économique et humaine. Comme rappelé dans mes contributions et reprenant certaines idées lors de ma conférence à l’invitation du parlement européen, après une réelle inquiétude de la communauté internationale où certains médias algériens ont supputé sur la rupture de l’Accord qui lie l’Algérie à l’Union européenne, les responsables algériens ont été clairs. L’Algérie qui a toujours respecté ses engagements internationaux, il n’est pas question de rompre l’Accord d’Association qui la lie à l’Europe, étant en négociation pour un partenariat gagnant/gagnant, l’Europe ne devant plus considérer l’Algérie uniquement du point de vue d’un marché. La situation du pays reste toutefois tributaire de l’évolution des marchés d’hydrocarbures, des ventes dont le pays tire l’essentiel de ses revenus, en rappelant que la coopération énergétique, basée sur un protocole spécifique, est au centre de la coopération avec l’UE. C’est à ce titre, que le Conseil des Ministres en date du 06 octobre 2015 a considéré nécessaire de réévaluer les volets économique et commercial de l’accord d’association avec l’Union européenne (UE) qui n’a pas réalisé les objectifs attendus en matière d’investissements européens en Algérie. Que stipule l’Accord ? L’article 32 pour la présence commerciale stipule que l’Algérie réserve à l’établissement de sociétés communautaires sur son territoire un traitement non moins favorable que celui accordé aux sociétés de pays tiers, qu’elle réserve aux filiales et succursales de sociétés communautaires établies sur son territoire, conformément à sa législation, un traitement non moins favorable, en ce qui concerne leur exploitation que celui accordé à ses propres sociétés ou succursales ou à des filiales ou succursales algériennes de sociétés de pays tiers, si celui-ci est meilleur. Les dispositions générales de l’article 37 stipulent que les parties évitent de prendre des mesures ou d’engager des actions rendant les conditions d’établissement et d’exploitation de leurs sociétés plus restrictives qu’elles ne l’étaient le jour précédant la date de signature du présent accord.. Quant à l’article 39, il stipule que la Communauté et l’Algérie assurent, à partir de l’entrée en vigueur du présent accord, la libre circulation des capitaux concernant les investissements directs en Algérie, effectués dans des sociétés constituées selon la législation en vigueur à la législation ainsi que la liquidation et le rapatriement du produit de ces investissements et de tout bénéfice en découlant. Enfin, l’article 54 pour la promotion et protection des investissements stipule que la coopération vise la création d’un climat favorable aux flux d’investissements et se réalise notamment à travers l’établissement de procédures harmonisées et simplifiées des mécanismes de co-investissement (en particulier entre les petites et moyennes entreprises) ainsi que des dispositifs d’identification et d’information sur les opportunités d’investissements, favorables aux flux d’investissements , l’établissement d’un cadre juridique favorisant l’investissement , la conclusion entre l‘Algérie et les Etats membres, des accords de protection des investissements et d’accords destinés à éviter la double imposition et l’assistance technique aux actions de promotion et de garantie des investissements nationaux et étrangers.
2.-L’évolution des échanges commerciaux entre l’Algérie et l’Europe
Durant le premier trimestre 2018, le déficit commercial de l`Algérie a atteint 490 millions contre un déficit de 2,98 milliards de dollars durant la même période de 2017, soit une baisse du déficit de 83,6%, .selon les statistiques douanières. Les exportations ont augmenté à 10,71 milliards de dollars (mds usd) de janvier à fin mars 2018 contre 8,93 mds usd à la même période de 2017, soit une hausse de près de 20%, Mais les hydrocarbures favorisées par la hausse des prix au niveau mondial , ont représenté l'essentiel des ventes algériennes à l'étranger (93,6% du montant global des exportations) en s'établissant à 10,03 mds usd contre 8,388 mds usd de janvier à mars 2017, soit une hausse de 1,64 mds usd (+19,6%), les exportations hors hydrocarbures composées des demi-produits (70% de dérivées d’hydrocarbures) ont représentées 533 millions usd. Par contre les importations, ont légèrement reculé à 11,2 mds usd contre 11,92 mds usd à la même période de l`année écoulée, soit une baisse de seulement de 6%. Les exportations ont assuré la couverture des importations à hauteur de 96% durant les trois premiers mois de 2018 contre 75% à la même période de l`année 2017. Pour le bilan 2017, Les exportations ont nettement augmenté à 34,76 milliards de dollars contre 30,02 milliards en 2016, en hausse de 4,74 milliards. Les hydrocarbures ont continué de représenter l’essentiel des exportations (94,54%), à 32,86 milliards contre 28,22 milliards en 2016, soit une hausse de 16,45%, dans le sillage d’un redressement des cours mondiaux de pétrole. Toujours marginales, les exportations hors hydrocarbures se sont établies à 1,89 milliard de dollars, soit une hausse de 5,21% par rapport à l’année 2016. En 2017, les importations se sont établies à 45,95 milliards de dollars contre 47,08 milliards en 2016, en diminution de 1,13 milliard (-2,4%). Cette faible baisse illustre le résultat mitigé des différentes politiques menées par le gouvernement : introduction des licences, blocage des importations de plusieurs produits – dont l’automobile-, renforcement des contrôles bancaires et douaniers. Sans compter la sortie importante de devises par les services dont le montant a fluctué entre 2010/2017 entre 10 et 11milliards de dollars par an Pour 2017, les cinq premiers clients de l'Algérie, ont été l'Italie avec 5,55 mds usd (16% des exportations globales algériennes) suivie de la France avec 4,5 mds usd (13%), de l'Espagne avec 4,14 mds usd (12%), des Etats-Unis avec 3,4 mds usd (9,7%) et du Brésil avec 2,08 mds usd (6%). Quant aux principaux fournisseurs de l'Algérie, la Chine est en tête pour la cinquième année consécutive avec 8,31 mds usd (18,1% des importations globales algériennes), suivie de la France avec 4,3 mds usd (9,35%), de l'Italie avec 3,75 mds usd (8,2%) ,de l'Allemagne avec 3,21 mds usd (7%) et de l'Espagne avec 3,13 mds usd (6,8%). Rappelons que pour 2016, les exportations ont reculé à 28,88 mds usd en 2016 contre 34,66 mds usd en 2015, soit une chute de 16,7%, les exportations hors hydrocarbures, marginales, ayant baissé à 2,063 mds usd en 2016 contre 2,582 mds usd en 2015 (-20,1%), plus de 50% étant constituées de dérivées d’hydrocarbures. Quant aux importations, elles ont également baissé mais à un moindre rythme pour se chiffrer à 46,72 mds usd en 2016 contre 51,7 mds usd en 2015, en baisse de 9,62% donnant un déficit de la balance commerciale de près de 18 milliards de dollars ,montant auquel il faudra ajouter celui des services et des transferts légaux de capitaux, la balance des paiements étant la référence unique avec entre 2014/2016 comme principaux partenaires de l’Algérie, les pays de l’Union Européenne avec environ 50,67% des importations et 64,21% des exportations inclus les hydrocarbures.
3.- Approfondir les réformes
L’Algérie sera ce que els algériens voudront qu’elle soit. L’Algérie afin de négocier en rapport de forces, implique changement de la mentalité bureaucratique, en ce XXIème siècle ce ne sont pas les Etats qui investissent, jouant le rôle de régulateur, devant concilier efficacité économique et une profonde justice sociale, mais les opérateurs qui sont mus par la logique du profit. Personne ne pouvant se targuer d’être plus nationaliste qu’un autre, la facilité et la fuite en avant est de vouloir imputer les causes du blocage seulement à l’extérieur (ce discours anti-impérialiste chauviniste pour faire oublier les problèmes intérieurs, ce chat noir dans un tunnel sombre que l’on ne voit jamais) alors que le mal essentiel est en nous. L’extérieur est-il responsable de la montée en puissance de la bureaucratie destructrice et de la corruption dominante; l’extérieur est-il responsable de notre mauvaise gestion et du gaspillage de nos ressources. Certes, les inquiétudes étant légitimes car les baisses tarifaires sont un manque à gagner à court terme du fait du dégrèvement tarifaire, mais devant raisonner en termes d’avantages comparatifs dynamiques à moyen terme. Invoquer la situation mono exportatrice de l’Algérie, ne tient pas la route, la majorité des pays de l’OPEP étant membres de l’OMC (97% du commerce mondial et 85% de la population mondiale). Le grand défi pour l’Algérie est d’accélérer la réforme globale pour tirer les avantages comparatifs de l’insertion dans la division internationale du travail. Pour bénéficier des effets positifs de l’Accord avec l’Europe que d’une éventuelle adhésion à l’OMC, ( sinon les effets pervers l’emporteront) qu’il faille faire d’abord le ménage au sein de l’économie algérienne et que ce sont les freins à la réforme globale du fait de déplacements des segments de pouvoir (les gagnants de demain n’étant pas ceux d’aujourd’hui) qui explique le dépérissement du tissu productif. Toute analyse opérationnelle devra relier l’avancée ou le frein aux réformes en analysant les stratégies des différentes forces sociales en présence, la politique gouvernementale se trouvant ballottée entre deux forces sociales antagoniques, la logique rentière épaulé par les tenants de l’import (en réalité seulement 100 contrôlant plus de 80% du total) et de la sphère informelle malheureusement dominante et la logique entrepreneuriale minoritaire. Cela explique que l’Algérie est dans cette interminable transition, ni économie de marché concurrentielle à vocation sociale, ni économie administrée, l’avancée des réformes étant inversement proportionnelle au cours du pétrole et du cours du dollar, les réformes étant timidement faites avec incohérence lorsque le cours baisse. Cela explique également que malgré des dévaluations successives du dinar, 5 dinars un dollar en 1974 à 115 dinars un dollar en avril 2018 au cours officiel e tà plus de 140 dinars un euro, il a été impossible de dynamiser les exportations hors hydrocarbures montrant que le blocage est d’ordre systémique. C’est que 80% directement et indirectement du taux de croissance du PIB (via le BTPH) et donc du taux d’emploi, est tiré par la dépense publique via les hydrocarbures ce qui donne aux entreprises créatrices de richesses publiques ou privées (souvent endettées vis à des banques publiques) une part négligeable. Les infrastructures n’étant qu’un moyen, l’expérience récente malheureuse de l’Espagne qui a misé sur ce segment doit être méditée attentivement par les autorités algériennes. Aussi, pour pouvoir attirer les investissements porteurs, le gouvernement algérien devrait donc mettre en place des mécanismes de régulation afin d‘attirer des investisseurs porteurs, évitant des changements périodiques de cadres juridiques, des actions administratives bureaucratiques non transparentes source de démobilisation et qui risquent de faire fuir les investisseurs qu’ils soient locaux ou étrangers. Sans chauvinisme, l’Algérie recèle des potentialités pour sortir de la crise.
L’Algérie un acteur déterminant de la stabilité régionale et de la sécurité énergétique de l’Europe
Contrairement à certaines prévisions pessimistes prédisant un scénario catastrophe pour l’Algérie horizon 2020, l’Algérie, sous réserve d’une bonne gouvernance et d’une réorientation de sa politique économique, a l’ambition de ses choix. L’Algérie par exemple à travers les canalisations Medgaz et Transmed est un acteur stratégique pour l’approvisionnement en énergie de l’Europe ayant toujours respecté ses engagements commerciaux. Selon le plan de la compagnie nationale des hydrocarbures, Sonatrach, il est prévu un investissement de 73 milliards de dollars entre l’année 2016 et 2020, dédié au domaine de l’exploration. Considérée comme le 2e fournisseur en gaz pour l’Europe après la Russie, l’Algérie prévoit une augmentation de sa production de gaz de l’ordre de 141,3 milliards de m3 cube pour cette année, en vue d’atteindre 143, 9 milliard en 2018, et 165 milliards pour l’année 2020, la production de gaz algérien, affichant une augmentation de 90 milliards de m3 annuellement, dont 50 milliards acheminés a travers les gazoducs vers l’Europe. Ainsi, l’Algérie peut devenir un acteur déterminant de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, conditionnée par son développement économique et social au sein de grands espaces régionaux, analyse soutenue dans mes interviews internationales notamment à Radio France Internationale RFI France le 27/02/2016/, à l’American Herald Tribune du 28 décembre 2016 et au quotidien financier français la tribune.fr en février 2017. Réussir les réformes structurelles permettant le redressement national est possible. Pour cela, des réformes de structures doivent avoir pour finalité d’encourager l’investissement créateur de valeur ajoutée passant la refonte du système foncier, financier, douanier, fiscal, l’administration et une nouvelle régulation sociale au profit des plus démunis. Il y a urgence d’objectifs précis et une nouvelle organisation institutionnelle afin de donner plus de cohérence au management. Les débats contradictoires en association avec toutes les composantes de la société, tolérant les différentes sensibilités et la nécessaire cohésion sociale me semblent être la seule voie pour dépasser la crise multidimensionnelle actuelle, car les ajustements sociaux seront douloureux. Le cadre macro-économique relativement stabilisé en Algérie est éphémère sans de profondes réformes structurelles avec la baisse du cours des hydrocarbures, et le risque après l’épuisement du fonds de régulation des recettes, celui des réserves de change (2018/2019) afin d’éviter un retour au FMI. Evitons le nationalisme chauvinisme source de tensions, de haine et de guerre et méditons cette citation que l’on impute tantôt au président français Charles de Gaulle, sous le titre « « le patriotisme, c'est aimer son pays. Le nationalisme, c'est détester celui des autres » et tantôt à Romain Garyn dans son ouvrage « éducation européenne » publié en 1945 sous le titre « le patriotisme c'est l'amour des siens. Le nationalisme c'est la haine des autres » en espérant un dialogue fructueux et un partenariat gagnant/gagnant entre l’Algérie et l’Europe.