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En Turquie, des passeurs syriens marchandent de la farine

23-11-2012 15:58  Abbès Zineb

Dans la ville frontalière de Yayladagi, Abou Omar et Ammar, deux Syriens qui soutiennent le soulèvement contre Bachar al-Assad, négocient le prix de deux tonnes de farine pour leurs compatriotes du jebel Akrad avec un marchand turc dur en affaires.

Avec Rami, un étudiant en médecine qui se charge de la distribution du côté syrien, les deux hommes ont établi un système pour livrer de l'aide humanitaire depuis la Turquie vers le jebel Akrad, région montagneuse du nord-ouest de la Syrie en proie à la guerre civile. Et cette aide est très attendue.

"En temps de paix, avant le début de la révolution syrienne, cette région près de Lattaquié était auto-suffisante", explique Rami.

Mais depuis que le soulèvement a débuté il y a 20 mois, les habitants du jebel Akrad, arrière-pays montagneux du port méditerranéen de Lattaquié, n'ont pas pu faire leurs récoltes, à cause des combats et des raids des hélicoptères des forces gouvernementales, dit-il.

Contraints de fuir la Syrie en raison de la guerre civile, Abou Omar et Ammar restent du côté turc de la frontière, demandant de l'aide internationale et achetant des fournitures qui seront passées clandestinement.

Pour mener ces activités, ils ne sont pas en contact avec les autorités turques. Mais une entente avec le Croissant Rouge turc permet que cette organisation assure l'essentiel de la logistique et du transport nécessaires.

"Parfois, (les livraisons) entrent avec le Croissant Rouge, légalement, mais parfois nous ne pouvons pas traverser, à cause des pluies sur les routes" dans cette région au relief accidenté "et nous devons prendre d'autres routes", déclare Abou Omar.

La farine constitue la plus grosse partie de l'aide fournie, qui comprend aussi des fournitures médicales, des produits d'entretien et même des tétines et des couches pour les enfants en bas âge.

La farine est indispensable, "les gens ont besoin de pain pour vivre", dit Ammar. Et bientôt, "des couvertures et des vêtements chauds" seront aussi nécessaires pour survivre au froid hivernal dans les hauteurs du jebel Akrad.

Mais l'aide qui parvient à la population du jebel Akrad est insuffisante, malgré les dons d'organisations australienne, tchèque, saoudienne, turque et syrienne. "Ce que nous recevons ne représente que 25 pour cent des besoins du jebel Akrad", selon Rami.

Et marchander peut être un processus laborieux.

"Avec les moyens limités dont nous disposons, nous essayons d'obtenir les meilleurs accords possibles pour la farine. Alors nous devons discuter et négocier, et mettre la pression sur le négociant", raconte Ammar. Aujourd'hui, deux tonnes de farine ont coûté aux deux hommes plus de 1.000 dollars.

Ils s'efforcent d'acheter à des prix modérés dans de grandes villes turques comme Gaziantep, mais en raison des obstacles logistiques que rencontre leur activité à moitié illégale, ils sont parfois contraints de recourir à des fournisseurs locaux à Yayladagi, qui ne se trouve qu'à trois kilomètres de la frontière.

Un réseau de plus de 60 volontaires

Les produits achetés en Turquie par Abou Omar et Ammar sont transportés en territoire syrien, où Rami les fait distribuer à un total de 25.000 personnes dans 56 villages, sur la base des besoins exprimés par un représentant de chacun de ces villages.

Côté turc, Yayladagi héberge quelque 400 familles syriennes, une petite partie des quelque 120.000 Syriens qui, selon des estimations, se sont réfugiés en Turquie pour fuir la guerre civile.

Abou Omar et Ammar, tous les deux quadragénaires, ont quitté leur patrie il y a sept mois à cause du conflit intercommunautaire dans la région de la Syrie dominée par les alaouites, branche du chiisme à laquelle appartiennent le président Assad et son entourage.

Abou Omar, un professeur de physique, ne cache pas son animosité envers les alaouites.

"Les sunnites ont commencé la révolution parce que tout le pouvoir et tout l'argent sont dans les mains de deux millions de personnes", dit-il.

Ammar, un avocat dont le bureau a été détruit par un bombardement dans sa ville de la province de Lattaquié, est parti avec sa femme et ses cinq enfants.

Rami, pour sa part, a étudié la médecine à l'université d'Alep et a passé près d'une décennie à l'étranger, en Arabie saoudite et en Grande-Bretagne, avant de rentrer en Syrie. Il a décidé de rester quand le soulèvement a éclaté.

"C'était le rêve de tout le monde qu'une révolution commence, alors nous sommes restés pour aider autant que possible", déclare Rami, qui travaille dans le seul hôpital de campagne de la région.

Les trois hommes expliquent qu'ils avaient accepté de parler aux journalistes et d'être identifiés parce qu'ils ne craignent pas pour la sécurité de leurs familles, qui ont fui la Turquie.

Ils assurent qu'ils vont continuer à fournir de l'aide humanitaire à une population qui en a désespérément besoin. Et ils reçoivent sans cesse des appels venus de Syrie, leur demandant plus d'aide.(Afp)



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