La crise actuelle s'annonce plus sévère que celle de 2008 car elle touche cette fois non pas seulement le système financier mais l'ensemble de l'économie réelle, avec un effondrement en quelques semaines de la production et donc de l'offre, et aussi de la demande, à cause de milliards de personnes en confinement. L’économie mondiale connait, trois chocs, un choc de l’offre avec la récession de l’économie mondiale, un choc de la demande du fait de la psychose des ménages, et un choc de liquidité où la majorité des banques centrales abaissent leur taux directeurs. D'après Moody's, les pays du G20 devraient subir collectivement une contraction de 0,5% de leur Produit intérieur brut (PIB) en 2020. Aux Etats-Unis, elle sera de -2% (Goldman Sachs prévoit -3,8%) et dans la zone euro de -2,2% et la Chine devrait croître de 3,3%, un rythme très faible pour ce pays. La crise actuelle s'annonce plus sévère que celle de 2008 car elle touche cette fois non pas seulement le système financier mais l'ensemble de l'économie réelle, avec un effondrement en quelques semaines de la production et donc de l'offre, et aussi de la demande, à cause de milliards de personnes en confinement. Cela ne va sans rappeler les scénarios de la crise de 1929 et celle de 2008, il y a incontestablement retour à la théorie keynésienne et l’Etat providence avec des adaptations du fait de l’interdépendance des économies. L’objet de cette contribution est de rappeler les fondements du modèle keynésien qui repose sur une économie de marché productive , pour ensuite voir s’il s‘applique à l’expérience récente algérienne notamment à travers la dépense publique via le financement non conventionnel, puisque le fondement de sa réussite repose sur la relance de la demande globale ( consommation et investissement ) à travers l’émission monétaire. Le FMI prévoit de mettre sur la table plus de 1000 milliards de dollars ; les dirigeants du G20 ont annoncé le 27 mars 2020 , lors d’un sommer virtuel , leur intention d’injecter plus de 5000 milliards de dollars pour contrer les répercussions négatives de l’épidémie et seulement pour l’économie américaine, il est prévu plus de 2000 milliards de dollars. Qu'en sera t-il pour l'Afrique, si l'épidémie se propageait au sein du continent n’ayant pas de véritables systèmes de santé, beaucoup de compétences individuelles brillantes dans tous les domaines que je rencontre au cours de séminaires internationaux, mais étant soit marginalisées ou à l’étranger ?
1.- Le fondement de la théorie keynésienne
Les stratégies politiques de relance keynésienne se fondent sur l'importance du rôle de l'Etat régulateur et non Etat-gestionnaire dans l'économie. Pour Keynes, en période de récession l’Etat est en mesure de stimuler la demande lorsque celle-ci est insuffisante à travers l'injection monétaire anticipant la relance de la demande globale (investissement et consommation). Le sous-emploi des facteurs de production est selon Keynes dû au fait que les entrepreneurs ont des anticipations pessimistes et sous-estiment la demande effective, le salaire n’étant pas seulement un coût mais un déterminant important de la demande. L'investissement ne peut donc "repartir" que si les anticipations des entreprises sont positives. Il s'agit de redonner confiance aux consommateurs ; de mettre en œuvre des moyens de répartition des richesses permettant aux agents économiques qui ont la propension moyenne à consommer la plus élevée (c'est-à-dire les catégories sociales les plus "défavorisées") de dépenser pour mieux relancer la machine économique ; de baisser les taux d'intérêts pour stimuler le crédit à la consommation et aux investissements et enfin d'engager une politique de grands travaux publics qui provoqueront un effet multiplicateur de revenus et accélérateur d'investissements. La reprise de la consommation entraînera une augmentation des investissements donc la situation de l'emploi s'en trouvera améliorée, et ce grâce au multiplicateur de revenus. L'Etat intervient transitoirement en période de crise donc se situant dans le cadre d’actions conjoncturelles postulant l’élasticité des facteurs de production, équipement, travail qualité disponibles. Aussi la théorie keynésienne, de court terme et se fondant sur des hypothèses raisonnant d'une économie fermée, encore que récemment elle a été combinée avec la théorie tant néo-classique ( théorie de la thermodynamique) que marxiste ( théories de la régulation), les théories , de Karl Marx ou de Joseph Schumpeter intériorisant la dynamique des institutions et la dynamique des groupes sociaux. Car, avec la crise actuelle nous avons besoin d'un modèle dynamique à moyen et long terme tenant compte de l'interdépendance des économies, du nouveau défi écologique et de cette dualité insupportable entre le Nord et le Sud, la responsabilité étant partagée, la gouvernance de bon nombre de dirigeants du tiers monde étant la plus discutable.
2.-.-Le fondement du financement non conventionnel
Le financement non conventionnel qui est une recette néo-keynésienne anticipant sur l'accroissement de la demande à terme (investissement et consommation) , en cas de rigidités structurelles et en, cas de non dynamisation du tissu productif, accélère le processus inflationniste. Le financement non-conventionnel a été utilisé mais dans une économie de marché structurée ayant un potentiel de création de valeur ajoutée envisageable dans le cas d'entreprises en croissance ou d'entreprises en restructuration, utilisé lorsque le financement traditionnel ne permet pas à l'entreprise de pleinement se développer, ou lorsque le financement n'est simplement pas disponible. En fait, lorsqu'une entreprise a des actifs et/ou génère un flux monétaire (cash-flow), des options de financement non-conventionnel s'ouvrent à elle, en complément au financement traditionnel. Les banques centrales occidentales ont utilisé ces mesures non conventionnelles qui peuvent prennent la forme de mesures d'assouplissement de certaines normes de la politique monétaire conventionnelle ou d'injections massives de liquidités dans le système financier dans des circonstances qui les justifient, notamment lors d' apparition d'un risque de déflation, un krach boursier ou obligataire, faillite d'un établissement de crédit de taille importante et crise de confiance du secteur financier.. Plus précisément, les mesures non-conventionnelles sont des mesures de politique monétaire temporaires dont l'objectif est le rétablissement des canaux de transmission de la politique monétaire et in fine un soutien au crédit bancaire et à la liquidité sur le marché monétaire. Les mesures non-conventionnelles se regroupent en trois catégories.
-Premièrement, les mesures d'assouplissement quantitatif (ou quantitative easing, QE) sont des mesures par laquelle la banque centrale propose une quantité illimitée de monnaie aux banques commerciales. La saturation de la demande de monnaie de celles-ci doit conduire à ce qu'elles dépensent les encaisses excédentaires, c'est-à-dire qu'elles octroient à nouveau des prêts bancaires aux ménages et aux entreprises.
-Deuxièmement, les mesures d'orientation des anticipations des taux futurs consistent pour la banque centrale à s'engager sur la trajectoire future de ses taux directeurs contribuant à abaisser les taux d'intérêt à moyen et long termes et à les rapprocher du taux directeur de la banque centrale. Elles prennent la forme d'engagements explicites en faveur du maintien à un niveau très faible ou nul le taux directeur pendant une période de temps significative. -Troisièmement, des mesures d'assouplissement du crédit (ou credit easing). Celles-ci tendent de contourner le blocage du canal du crédit provoqué soit par le phénomène de "trappe à liquidité", soit de tensions sur certains segments-clefs des marchés financiers. La banque centrale agit alors comme un "intermédiaire de dernier ressort" en finançant directement l'économie. De facto, un assouplissement des critères d'éligibilité conduira les banques à moins hésiter dans leur prise de risques, et donc à accorder davantage de prêts à des entreprises de taille moyenne ou petites.
3.-Le modèle néo-keynésien et la réalité de l'économie algérienne
A la lumière de la situation économique algérienne, les politiques actuelles des pays développés par l’injection massive de liquidités sont difficilement transposables. Pour l'Algérie, qui souffre de rigidités structurelles et non conjoncturelles, environ 97/98% des recettes en devises proviennent directement et indirectement des hydrocarbures brut et semi -brut, 83% du tissu productif est constitué de petits commerce/services, le secteur productif étant marginal, le secteur industriel moins de 6% du PIB et sur ces 6%, plus de 95% de PMI/PME peu innovantes. Donc existe une part incompressible, des importations nécessaires à la population et aux segments productifs, plus de 85% des entreprises publiques et privées -taux d'intégration inférieur à 15%, fonctionnant avec des inputs importés. En cas de non dynamisation du secteur productif, en s'en tenant au financement interne par nos propres moyens, pour la période actuelle où le monde traverse une crise de liquidité et surtout de confiance , ne devant pas être utopique, pas d’emprunt extérieur ni d’investissement direct étranger même si on élabore les meilleures lois du monde, l'on ira forcément vers l’utilisation des réserves de change pour les importations en devises, le dinar étant une monnaie non convertible. Comme les réserves de change tiennent la valeur du dinar déjà coté officiellement le 28/03/2020 ( cours achat)135, 3522, 123, 8772 un dollar un euro et avec la crise entre 180/190 dinars un euro , très conjoncturel, sur le marché parallèle, un montant de réserves de change de 10/20 milliards de dollars entraînera forcément une dévaluation du dinar s’orientant vers cotation vers 200 dinars un euro, entrainant un processus inflationniste les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques avec forcément le relèvement des taux d'intérêt. Comment avec une entrée de devises de plus de 1000 milliards de dollars et une importation de biens et services sortie de plus 935 milliards de dollars au 31/12/2019 n’a- t-on pas le problème du développement hors hydrocarbures et comment faire avec moins de 60 milliards de dollars en mars 2020 ? ( voir www.google .com Pr Abderrahmane Mebtoul- « face à la baisse drastique du cours des hydrocarbures, les 11 actions pour atténuer le déficit budgétaire et la baisse des réserves de change »). Car entre 2000/2019 , on avons pu constater à une mauvaise programmation, à la surestimation des dépenses et à de longs retards dans l'exécution des projets, de très importants dépassements de budget au niveau de différents projets dont l'existence d'un décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles, l'absence d'interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d'investissement et le budget de fonctionnement , des passifs éventuels potentiellement importants, de longs retards et des surcoûts pendant l'exécution des projets. Ceci, témoigne de la faiblesse de la capacité d'exécution des organismes d'exécution et que ni les ministères d'exécution, ni le ministère des Finances n'ont suffisamment de capacités techniques pour superviser la qualité de ces études, se bornant au contrôle financier, le suivi technique (ou physique) exercé par les entités d'exécution étant inconnu ou au mieux insuffisant. De nombreuses faiblesses trouvent leur origine dans l'urgence qui accompagne la préparation des projets notamment la myriade de demandes spécifiques auxquelles les projets sont supposés répondre avec des chevauchements des responsabilités entre les diverses autorités et parties prenantes (des dizaines de commissions ministérielles et commissions de wilaya) ce que les économistes appellent les couts de transactions et ce faute d'une organisation institutionnelle non optimale. Dès lors, nous aurons (04) impacts de l'inefficacité de la dépense publique : -a- sur la valeur des importations car le gonflement est du essentiellement à la dépense publique; -b- sur le processus inflationniste qui est à l'origine pour partie de l'inflation et très accessoirement les salaires qui représentent moins de 25% rapportés au PIB -c- sur la balance des paiements du fait que le doublement de la valeur des services entre 2002/2018, 10/11 milliards de dollars/an (assistance étrangère) renvoyant à la dévalorisation du savoir ;-d- sur le taux de croissance global et sectoriel et donc sur le taux de chômage . Là aussi il faut replacer les chiffres dans leurs véritables contextes car que les hydrocarbures irriguent l'ensemble de l'économie et le segment hors hydrocarbures l'est à plus de 80% sur le total des 5/6% hors hydrocarbures de taux de croissance invoqué par les officiels ( moyenne 2000/2019) , restant aux seules véritables entreprises une participation réelle inférieure à 10% du total du produit intérieur brut ( PIB) comme le montre depuis plusieurs années les exportations hors hydrocarbures dérisoires. D'une manière générale, la dépense publique a ses propres limites comme le montre la crise mondiale récente, et le problème fondamental stratégique qui se pose à l'Algérie réside en l'urgence d'une bonne gouvernance renouvelée se fondant sur un Etat de droit et la démocratisation des décisions, l'épanouissement de l'entreprise concurrentielle nationale ou internationale et son fondement la valorisation du savoir, richesse bien plus importante que toutes les ressources d'hydrocarbures. Comment ne pas rappeler que lors de la conférence nationale sur le développement économique et sociale le 04 Novembre 2O14 en présence du premier ministre de l'époque et des membres du gouvernement, ( conférence reproduite octobre/novembre 2014 dans la presse nationale et internationale www.google.com) , j'avais proposé d’approfondir les réformes structurelles et favoriser un large front social face à la chute du cours des hydrocarbures. Avons-nous été écoutés depuis? Je ne puis oublier ce jour ou la majorité des ministres- pas tous - et des experts, ( le seul qui m’a défendu a été le professeur Chitour) , affirmant que le cours allait remonter , rejetant cette proposition et que le Pr Mebtoul était un oiseau de mauvaise augure.. Il s'agira d'avoir une vision ciblée et posant l'urgence du passage d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures. Et seules des réformes internes permettront de modifier le régime de croissance pour atteindre une croissance durable condition de la création d'emplois à valeur ajoutée, mettant fin progressivement à cette croissance volatile et soumise aux chocs externes, les dépenses monétaires sans se préoccuper des impacts. . Or, paradoxalement, l'avancé ou l’accélération des réformes en Algérie est inversement proportionnelle au cours du pétrole, paradoxalement étant freinée lorsque les cours s'élèvent. Il faut avoir une vision stratégique avec une quantification précise dans le temps du mode de financement.
En résumé, pour, l’Algérie, contrairement à ce qu’avance le nouveau président du conseil économique et social qui préconise le financement non conventionnel, dans son interview du 23/03/2020, contredisant la position officielle de la présidence , il faut comparer le comparable, non les pays développés qui ont une économie productive performante, mais l’expérience vénézuélienne mono exportatrice d’hydrocarbures (premier réservoir mondial) dont le financement non conventionnel a conduit le pays à la semi-faillite et à une hyperinflation. Quel a été l’évolution du schémas vénézuélien ? Cela a commencé par l’émission monétaire ( planche à billets) du fait que l’économie est extériorisée dépendante de la rente, avec comme incidences accroissement des importations en devises qui permet d’atténuer la faiblesse de l’offre interne , épuisement des réserves de change , émission monétaire hyperinflation interne, (un panier de billets pour acheter une baguette de pain ) , dévaluation croissante de la monnaie , tensions sociales par la détérioration du pouvoir d’achat des couches moyennes et des couches déshéritées l’inflation jouant comme vecteur de redistributions au profit des revenus variables spéculatifs, extension de la sphère informelle tant des biens que de la devise , pénalisant les revenus fixes ( salariés et fonctionnaires) A titre de précision, selon les données officielles, l 'inflation a atteint 9.585,5% en 2019 au Venezuela, le parlement, où l'opposition majoritaire, ayant avancé le chiffre de 7.374,4% pour la même période, une année qui s'est achevée par une dévaluation de 98,6% du bolivar, la cotation du bolivar en dollars le 28/03/2020 étant 248 567.7500 VEF et le cours Euro / Bolívar Fuerté (EUR/VEF) 277 523,4189 Bs.
Pr A.Mebtoul docteur d’Etat (1974) en sciences économiques
Référence-Keynes, John. M. 1936. Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Editions Payot, 1969, 387 pages et rapport du FMI du 24 mars 2020 sur la crise mondiale actuelle et l’action des banques centrales et des gouvernants combinant la politique monétaire et budgétaire pour relancer l’ activité commentaire du Pr Abderrahmane Mebtoul en Algérie sur le site www.algerie1.com et au niveau international sur le site www.alterin,for.net disponible www.google.com
Toute reproduction sans citer l’auteur est interdite