Le ministre des finances vient d’annoncer le 05 octobre 2017 comme ses prédécesseurs depuis 2010, officiellement, qu’il n y a pas de dévaluation du dinar, que le financement non conventionnel (planche à billets) aura un impact limité sur le taux d’inflation et pas d’impact sur la valeur du dinar. Or, cette brève synthèse, d’une longue contribution internationale montre clairement qu’il n’ y a pas de corrélation entre la cotation de l’euro, du dollar, celle du dinar algérien et le taux d’inflation mondiale, surtout depuis la baisse du cours des hydrocarbures la mi 2014. Ce glissement du dinar à la baisse pour ne pas dire dévaluation périodique répond plus un souci d’équilibre budgétaire. Aussi je m’en tiendrai dans cette brève contribution à la cotation du dinar, pour l’inflation, nouvelle trouvaille, le ministre du commerce annonçant qu’un décret va protéger les consommateurs, vision bureaucratique du passé. Je laisse pour ce sujet la réponse aux meilleurs économistes, les ménagères, nos femmes qui font quotidiennement le marché. Comment ne pas me rappeler, il y a bien longtemps le secrétaire d’Etat adjoint au Trésor US à Washington à qui je disais que l’Algérie était dominée par des trabendistes me corrigea par une leçon magistrale d’économie : « monsieur Mebtoul vous êtes économiste, vous ne devez jamais employer ce terme vulgaire. Ce que vous appelez trabendistes, ce sont les meilleurs économistes et les USA ont connu par le passé ce phénomène que nous avons réussi à intégrer par des mécanismes économiques transparents. Ce sont de véritables entrepreneurs : ils font l’analyse du marché national et international, le cours de la devise, analyse les coûts et les prix de leurs concurrents, les coûts de la corruption aux ports et aéroports, et ils arrivent à écouler leurs marchandises. Pour les cambistes informels, ils donnent des leçons à certains responsables déconnectés des réalités, le cours de la devise qu’ils écoulent (achat/vente) reflète une loi universelle, la loi de l’offre et de la demande.
1.- Evolution de la cotation de l’euro, du dollar et du dinar algérien entre 2002/2017
Il est intéressant de rappeler que la cotation du dinar algérien en 1970 (cours administré) en référence au franc français nous avions un(1) DZD = 1FRF en 1971 et 1DZD = 0,84 FRF en 1985, que la cotation du dollar était en 1970 de 4,94 dinars un dollar, 12,02 dinars en 1990. Suie aux accords avec le FMI, le cours est passé de 36,32 dinars en 1993, 47,68 dinars en 1994 pour atteindre 58,76 dinars en 1998 et 66,64 dinars en 1999. Afin que le lecteur comprennent l’évolution de 2002 à octobre 2017 nous avons mis en relief les cotations respectives de l’euro par rapport au dollar ainsi que la cotation du dinar algérien par rapport à l’euro et au dollar.
-2002- 15 juillet 2002 :1 euro = 1 dollar et 2002…75,35 dinars algériens un euro -69,20 dinars un dollar
-2004- 28 décembre 2004 : 1 euro = 1,3633 dollar et 89,64 dinars un euro 72,06 dinars un dollar
2006--2 janvier 2006 : 1 euro = 1,18210 dollar et …91,24 dinars un euro 72,64 dinars un dollar
2007--20 septembre 2007 : 1 euro = 1,4051 dollar /27 novembre 2007, 1 euro = 1,4874 dollar et 95,00 dinars un euro 69,36 dinars un dollar
2008--23 avril 2008 : 1 euro = 1,5940 dollar /18 décembre 2008, , 1 euro = 1,4659 dollar et 94,85 dinars un euro 64,58 dinars un dollar
2009--13 février 2009 : : 1 euro = 1,2823 dollar /3 décembre 2009, 1 euro = 1,5120 dollar et 101,29 dinars un euro 72,64 dinars un dollar
2010--3 février 2010 : 1 euro = 1,3726 dollar / 7 novembre 2010, 1 euro = 1,4044 dollar et 103,49 dinars un euro 74,31 dinars un dollar
2011-1 janvier 2011: 1 euro = 1,3387 dollar / 31 décembre 2011: 1 euro = 1,2939 dollar et
.102,21 dinars un euro 72,85 dinars un dollar
-2012 - 31 décembre - 1,319 dollar un euro et 102,16 dinars un euro 77,55 dinars un dollar
-2013 - au 31 décembre - 1,379 dollar un euro et nous avons 79,38 dinars un dollar et 105,44 dinars un euro
-2014 - au 31 décembre 1,214 dollar un euro et 80,56 dinars un dollar et 106,91 dinars un euro
2015- 9 mars : 1 euro = 1,0853 dollar / 31 juillet 2015, 1 euro = 1,0970 dollar et..111,44 dinars un euro et 106,46 dinars un dollar
2016 -01 janvier un euro 1,091 dollar - 31 décembre 2016 un euro = 1,052 dollar et un euro = 121, 18dinars et un dollar 109,47 dinars
2017-19 mars 2017 : 1€ = $1,07535 dollar américain -06 octobre 2017 un euro = 1,173 dollar et le 06 octobre 2017-un euro 133,36 dinars et un dollar 113,64 dinars.
Le cours de la devise sur le marché parallèle a suivi cette dévaluation, étant coté le 06 octobre 2017 à plus de 200 dinars un euro, le dinar ayant perdu durant les dix dernières années environ 50% de sa valeur. Celui qui avait reconverti 100 milliards de centimes a gagné une plus value spéculative de 50 milliards de centimes.
2.- Dévaluation ou glissement du dinar : quelle différence ?
. Selon la banque d’Algérie le taux de change du dinar vis-à-vis des principales devises est déterminé de manière flexible sur le marché interbancaire des changes, en fonction des conditions de l'offre et de la demande » et de préciser que «la valeur externe du dinar est fixée au taux du marché inter-bancaire des changes où la dépréciation de la valeur du dinar, par rapport à l'euro et le dollar, est le résultat du différentiel entre le taux d'inflation enregistré en Algérie et celui constaté dans le reste du monde». Cela est vrai en termes en droit puisque toute dévaluation doit faire l’objet d’une annonce officielle en conseil des ministres comme en 1994. Mais la réalité est tout autre puisque officiellement il n y a jamais eu dévaluation depuis 1994 ou le cours était de 36,31 dinars un dollars et le 06 octobre 2017, il est coté à 113,64 dinars un dollar soit une dépréciation de 313%. et uniquement pour une période récente 2011/2017, l’euro était coté en 2011 à 102,21 dinars et ce cote le 06 octobre 2017 à 133,36 dinars un euro et le dollar ce cotait 72,85 dinars un dollar en 2011 et le 06 octobre 2017 à 113,64 dinars un dollar soit une dépréciation en 6 ans de 31%.pour l’euro et de 56% pour le dollar. Par ailleurs comment expliquer que le dérapage du dinar n’a pas suivi la même évolution que les cotations respectives du dollar/euro ? Comment expliquer également que le taux d’inflation dans les pays développés entre 2013/2017 est inférieur à 2%, le dérapage du dinar continue et le prix des produits importés ne connaissent pas de baisses sensibles.
C’est que l’Etat dérape (la Banque d’Algérie parle de glissement) le dinar pour voiler l’importance du déficit budgétaire, biaisant les comptes publics. On voit que lorsque le cours du dollar baisse et le cours de l’euro hausse, la Banque d’Algérie dévalue, pour des raisons politiques à la fois le dinar par rapport tant au dollar que de l’euro alors que le dinar, dans une véritable économie de marché, le dinar devrait s’apprécier par rapport à la monnaie internationale qui se déprécie. Pourquoi cet artifice comptable ? La raison essentielle est qu’en dévaluant le dinar par rapport au dollar, nous aurons une augmentation artificielle de la fiscalité des hydrocarbures, et la fiscalité ordinaire à travers la taxes des produits importés, sachant que els besoins des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% sont importés. Car les recettes des hydrocarbures du dollar sont reconverties en dinars, passant, par exemple, de 75 DA un dollar à 113 dinars un dollar. Idem pour les importations libellées en monnaie étrangère, ou le cours est passé de 90/100 dinars un euro à 133 euros actuellement, les taxes douanières se calculant sur la partie en dinars, cette dévaluation accélérant l’inflation intérieure. Tout cela voile l’efficacité réelle du budget de l’Etat à travers la dépense publique, et a gonflé artificiellement par le passé le fonds de régulation des recettes calculé en dinars, épuisé début 2017.. L’inflation étant la résultante, cela renforce la défiance vis-à-vis du dinar où le cours officiel se trouve déconnecté par rapport au cours du marché parallèle traduisant le cours du marché. Cela ne peut que conduire à terme à accélérer le processus inflationniste.
En résumé, les études économétriques montrant qu’il n’ ya pas de corrélation entre la cotation de l’euro, du dollar, celle du dinar algérien et le taux d’inflation mondial, surtout depuis la baisse du cours des hydrocarbures la mi 2014. Ce glissement du dinar à la baisse pour ne pas dire dévaluation périodique qui répond plus un souci d’équilibre budgétaire , a un impact sur la faisabilité des projets créateur de richesses dont les équipements et inputs dépendent à plus de 70% de l’extérieur et sur le pouvoir d’achat des citoyens. En plus certaines règles juridiques comme celle des 49/51% généralisée vivant de l’illusion de l’aisance financière, non adaptée à la conjoncture actuelle et selon la déclaration de la majorité des pays qui veulent investir en Algérie, l’assouplissement de la règle 49/51% est nécessaire si l’on veut attirer des investisseurs potentiels. En maintenant la règle des 49/51% qui convient aux seuls secteurs stratégiques qu'il s'agit de définir, instaurée en 2009 sous le gouvernement Ouyahia plus pour des raisons plus idéologiques qu’économiques n’ayant pas permis la réduction des importations, bien contraire ayant doublé, et ce sans qu’aucun bilan n a été fait à ce jour, cela équivaut, à un endettement extérieur indirect transfert de devises sans risques, en donnant des rentes de situations à certains opérateurs, notamment privés algériens qui n’ont ni les capacités managériales et technologiques.
Aussi certaines mesures techniques ne font que s’attaquer à des aspects conjoncturels alors que le blocage est d’ordre systémique. Pour tant il faut éviter les discours de sinistrose l’Algérie où l’Algérie serait en faillite faisant fuir les capitaux et démobilisant la population. L’Algérie a les capacités de surmonter la crise. Nous ne sommes pas dans la situation de 1986, les réserves de change termineront entre 93/97 milliards de dollars fin 2017 et la dette extérieure est inférieure à 5 milliards de dollars. On ne gouverne pas par la peur mais par la bonne gouvernance et le dialogue productif afin de redonner confiance sans laquelle aucune développement n’est possible.. Selon nos enquêtes, cette démarche a été contre-productive, a créée un large malaise social et une défiance nationale et internationale vis à vis du pouvoir ou certains membres du gouvernement et responsables d’importantes d’institutions comme le CNES racontaient tout le contraire.. Certains responsables méconnaissent les mutations sociologiques profondes du corps social de 2017 qui n’est pas celui de 1995/1997. Le problème central qui se pose à l’Algérie, est de rétablir la confiance, par un langage de vérité sans sombrer dans la sinistrose, d’éviter de se focaliser uniquement sur les hydrocarbures et d’avoir une stratégie claire pour une économie diversifiée. L’objectif est d’avoir une vision stratégique afin d’opérer la transition rapide d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, supposant également une nouvelle transition énergétique en utilisant au mieux cette ressource éphémère..