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Du bon usage de l’argent en diplomatie

01-06-2013 19:51  Rafik Benasseur

Nous apprenons via de laconiques dépêches que l’Algérie a décidé d’éponger successivement les dettes de 14 pays africains membres de l’Union Africaine et celles de deux autres pays membres de la ligue arabe arabes que sont le Yémen et l’Irak. La facture s’élève, mine de rien, à environ un milliard 500 millions de dollars.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani a expliqué hier que ce geste «intervient dans la continuité du soutien de l’Algérie à l’endroit des peuples arabes en particulier, dans les situations qui nécessitent des actions de solidarité immédiates, notamment comme appui à la reconstruction et aux efforts de développement économique et social».

Mais au-delà de ces bons sentiments qu’on pourrait avoir vis-à-vis des pays voisins et amis qui sont dans le besoin, il y a lieu de s’interroger sur le processus de prise de ce genre de décision. Dans un pays démocratique où le parlement exerce réellement sa fonction de contrôle, aucun sou n’est dépensé sans qu’il ne donne son feu vert.

Or, chez nous, l’information tombe aux oreilles de nos honorables députés au même moment qu’elle est apprise par le citoyen lambda.

Il n y a donc strictement aucune consultation du parlement et sans doute aussi du gouvernement par rapport à une décision qui relève apparemment du pouvoir discrétionnaire du président de la république.

 Le parlement n’a pas de voix au chapitre

Effacer les dettes d’un pays tiers, fut-il nécessiteux, devrait théoriquement recevoir l’aval des élus du peuple. C’est tout de même de son argent qu’il s’agit. Il serait d’ailleurs intéressant de poser la question aux jeunes algériens chômeurs pour connaître leur point de vue.

Ils auraient certainement aimé que cet argent serve à leur créer des emplois. Le propos ici n’est évidemment pas de prêcher la radinité. Aider le prochain à subvenir à ses besoins est une grande valeur à laquelle même la religion encourage. Mais le mieux n’est-ce pas de commencer par les siens ?

Cela étant dit, il n’est pas inélégant de s’interroger sur les dividendes politiques que le pays tirerait de cet investissement. L’Algérie qui a pratiquement tourné le dos au continent africain- aucune visite officielle d’un président algérien depuis Boumediene- escompte peut-être gagner à ses positions certains pays à travers ce geste.

 Mieux vaut ouvrir une école à Dakar…

En l’occurrence, le soutien à l’autodétermination du peuple sahraoui constitue le cheval de bataille sur ce terrain de l’humanitaire. Mais, force est de constater que la question n’avance pas, en tout cas pas dans le rythme souhaité.

Les quelques millions de dollars s’avèrent insuffisants au puissant lobbying déployé parle Maroc sur le continent noir. Il y a un peu plus d’un mois le roi Mohamed VI a effectué un deuxième périple qui l’avait mené dans plusieurs pays de l’Afrique de l’ouest. Chemin faisant, il en profite pour ouvrir des agences bancaires, des mosquées et autres structures «battant pavillon» marocains. Et c’est une diplomatie d’affaires d’une redoutable efficacité. Il y a lieu donc de s’interroger sur la portée de ce petit geste d’effacement des dettes. Cet argent épongé aurait pu servir à construire des infrastructures sociales et culturelles dans ces pays avec un fronton algérien…

Ç’aurait été autant de souvenirs ineffaçables dans les mémoires de nos frères africains et arabes. Pas celui d’une dette que ne retiendraient que ceux qui sont aujourd’hui aux commandes de ces pays, qui plus est, assez souvent corrompus et souvent mal élus.

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