Certaines anecdotes renseignent plus que des ouvrages sur la mentalité d’une époque et prennent parfois, avec le recul, une tournure tragi-comique.
L’été 1968, un journaliste du bureau de l’APS (Algérie Presse Service) de Tlemcen a interviewé, pendant plus d’une heure, l’écrivain Mohammed Dib qui effectuait une visite privée dans sa ville natale. L’auteur de la trilogie « Algérie » s’est contenté de parler de littérature avec le correspondant de presse, a évoqué ses différents projets, ses romans en chantier.
Après plusieurs jours d’attente et ne voyant toujours pas son entretien paraître, le journaliste en question appela sa rédaction générale, dans la capitale, pour s’enquérir du sort réservé à son travail. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’on lui répondit que l’interview qu’il avait réalisée ne sera pas publiée car « Mohammed Dib avait la nationalité française! ».
Que faut-il penser aujourd’hui de cette histoire abracadabrantesque lorsqu’on sait que Mohammed Dib, durant toute sa vie, a voyagé uniquement avec un passeport algérien et qu’il a vécu en France, de 1958 jusqu’à sa mort en 2003, avec une carte de résident renouvelable tous les dix ans ? Qu’en faut-il aussi en déduire lorsqu’il est de notoriété publique que des cadres ayant exercé, ces dernières années, des responsabilités de haut niveau à Alger, étaient soit des bi-nationaux soit ont acquis, par la suite, une nationalité étrangère ?