Ahmed Ouyahia était jeudi soir l’invité de la télévision communautaire Berbère Télévision. Pendant deux heures, toutes les questions possibles et imaginables ont été abordées. Face un animateur sans complaisance et parfois même agressif, le nouveau Directeur de cabinet de Bouteflika s’est fait l’avocat du système.
Usant parfois d’esquives et souvent de langue de bois, dans un très châtié kabyle, héritage de sa mère, défendra bec et ongles la candidature de Bouteflika. « Si comme on dit, il inconscient et aphasique, comment peut-il recevoir chez lui des invités étrangers » a-t-il répondu sans toutefois démentir les informations récurrentes le donnant comme paralysé des deux membres inférieurs.
Ouyahia , parlant de la candidature de Bouteflika pour un quatrième mandat a d’abord tenu à faire une mise au point en indiquant qu’il n’avait jamais dit qu’il était opposé à un quatrième mandat de Bouteflika « C’était, lors d’une conférence de presse en 2011, un journalistes dont il est inutile de citer le nom m’a posé la question suivante +êtes–vous pour un quatrième mandat de Bouteflika+, je lui ai répondu + et vous quel est votre avis+ il m’avait rétorqué que lui y est opposé et pour ma part je lui avait répondu +c’est votre avis et je le respecte+ ».
Tout ce détour historique pour dire que sa position actuelle au sujet du quatrième mandat est en totale cohérence avec sa ligne de conduite. Ouyahia, empruntant l’argumentaire des supporters du chef de l’Etat considère que Bouteflika est un candidat « rassembleur », mais pour autant il reconnait aux algériens le droit de « ne pas être d’accord avec sa candidature, après tout nous sommes en démocratie et l’urne tranchera le soir du 17 avril ».
L’ex chef du Gouvernement avance que Bouteflika « a un bilan à défendre et un programme à présenter » et recommande aux autres candidats de privilégier durant la compagne électorale le débat sur les programmes et éviter les attaques ad hominem. Il restera également très évasif, malgré l’instance du journaliste, sur la possibilité pour les algériens de voir Bouteflika battre la campagne. « Le plus important à mon avis, ce n’est pas tant le visage, mais le programme, ce que le candidat proposera aux algériens ».
« Viré », selon le mot du journaliste, puis rappelé récemment comme Directeur de cabinet et membre de l’équipe de campagne, Ouyahia ressort son éternel refrain en disant qu’il est « un soldat au service de l’Algérie à qui je dois tout ». Et de confier à l’animateur qu’il (ouyahia) est le fils d’un chauffeur qui a réussi grâce à l’école gratuite. Au passage il révélera aussi que son départ du Gouvernement s’est passé sans heurts avec le président. Façon de démentir les rumeurs d’une rupture orageuse.
Un autre moment fort de son intervention : l’Armée et le pouvoir. Il s’est attaché à démentir que c’est l’Armée qui fait les rois en Algérie. Néanmoins, il admettra que l’institution militaire, pour des raisons historiques, a voix au chapitre mais qu’en dernière instance c’est le peuple souverain qui décide. Sans convaincre. Ouayhia s’est montré aussi vent debout contre une nouvelle phase de transition politique.
« En Algérie, on pose une pierre, puis une deuxième pierre, et au lieu de mettre une autre pierre, celui qui arrive propose d’enlever la première pierre et tout s’écroule » dit –il en empruntant la métaphore de l’édifice. « C’est pour cette raison que la maison Algérie en est toujours aux fondations ».
A propos de la corruption, il a cherché à relativiser en disant que le phénomène n’est pas une spécificité algérienne. Il citera en exemple certaines affaires qui ont secoué la France, comme le scandale Cahuzac. Ouyahia demande de donner à la Justice le temps. « Khalifa a bien fini par être extradé après des années de procédure ; eh bien Chakib Khélil finira par être rattrapé par la justice ».
Sur l’officialisation de la langue Tamazight, Ouyahia rappellera que « ce n’est pas Massinissa qui a fait de Tamazight une langue nationale mais bien Abdelaziz Bouteflika ». Puis d’ajouter sans donner son point de vue personnel que cette officialisation doit faire l’objet de concertation et que Bouteflika ne peut pas décider seul.
Enfin, à propos de ce qui se passe à Ghardaia, il ressort les mêmes arguments officiels, à savoir les problèmes de chômage, les rivalités de bandes, les narco-trafiquants et surtout la main étrangère. Il admet toutefois que les autorités n’ont pas toujours fait preuve de réactivité pour prévenir les explosions. Mais à aucun moment il n'évoque la thèse d’une confrontation communautaire ou confessionnelle entre Mozabites et arabes.
Au bout de cette entretien de deux heures, avec quelques petites digressions sur son destin personnel, on retrouve Ahmed Ouyahia tel qu’en lui-même, c'est-à-dire un avocat du système qui veut faire croire que tout va bien dans l'Algérie de Bouteflika.