Les deux sociétés françaises, Amesys et Qosmos spécialisées dans la haute technologie, qui sont liées aux services de renseignement, ont vendu des systèmes de surveillance à Tripoli et à Damas.
Elles ont installé le système d’espionnage libyen, avec une filiale de Boeing, Narus, une société chinoise ZTE Corp, et une sud-africaine, VSTech.
Le contrat avait été signé alors que le président français Nicolas Sarkozy rendait visite au colonel Kadhafi en juillet 2007 dans "un contexte international de rapprochement diplomatique avec la Libye qui souhaitait lutter contre le terrorisme et les actes perpétrés par Al-Qaida".
Les révélations ont été faites ce mardi par le quotidien français Le Monde qui poursuit ses investigations autour de l’espionnage de la NSA dont il été également à l'origine de l’éclatement de ce scandale d'écoutes téléphoniques de 35 dirigeants, dont la majorité de l'Europe, par la société américaine.
"Le contrat concernait la mise à disposition d’un matériel d’analyse portant sur une fraction des connexions Internet existantes, soit quelques milliers", assurait modestement Amesys en 2011 mais la réalité est toute autre puisqu'elle apportait de l’aide et de l’assistance au régime libyen dans la traque des opposants au colonel Kadhafi
Selon Le Monde, c’est le patron de la petite Amesys, Philippe Vannier, qui est devenu le PDG de Bull avant de proposer dès décembre2006 un système d’espionnage massif aux autorités libyennes et c'est lui-même qui avait signé le contrat en décembre2007 à Tripoli, sous l’œil bienveillant d’Abdallah Al- Senoussi, beau-frère de Kadhafi et chef des services secrets libyens.
Alors que la société allemande Rohde &Schwarz faisait à l’époque le siège de Tripoli pour les interceptions radio, les Sud-Africains de Saab Grintek, les Allemands de Atis et les Danois de ETI Connect pour les interceptions téléphoniques.
Philippe Vannier obtient le marché du Net : un contrat de 26,5millions d’euros, sur lequel l’incontournable intermédiaire des marchés d’armement de l’ancienne majorité, Ziad Takieddine, a touché 4,5 millions de commission.
En guise de remerciement au régime de Tripoli, Kadhafi avait avait planté sa tente en décembre 2007 dans les jardins de l’hôtel Marigny, la résidence des hôtes de marque, pour sa première visite à Paris depuis34 ans.
Quant à la seconde société française impliquée dans cette affaire, à savoir, Qosmos avait contracté avec les autorités libyennes de l'époque un contrat portant la fourniture de la technologie permettant d'analyser les données comme par exemple d’en extraire les métadonnées (qui communique avec qui, quand, et où, sans avoir le contenu même du message – l’équivalent des fadettes pour les téléphones) ou de bloquer des sites, surveiller les mails et les sites Web, extraire les mots de passe: ce que les informaticiens appellent le DPI, deep packet inspection, ou inspection en profondeur des paquets.
Cosmos avait été fondée en 2000 par cinq chercheurs du Lip6, le laboratoire d’informatique de Paris-VI, rejoint fin 2005 par un manager qui a fait ses armes dans la Silicon Valley, Thibaut Bechetoille.
Il en fait une véritable entreprise, épaulée par l’Etat lorsque le Fonds stratégique d’investissement (FSI), créé par Nicolas Sarkozy pour sécuriser le capital d’entreprises stratégiques, y investit 10millions d’euros en septembre2011.
Selon le ministre de la défense de l’époque, Hervé Morin, le matériel de surveillance livré au dictateur libyen visait à "traquer des pédophiles et des terroristes".
L'assistance française en matière de d'espionnage des opposants aux régimes arabes ne s'est pas limitée à la Libye, selon le journal français qui révèle encore que "l’agence Bloomberg publiait le 4 novembre 2011 une dépêche retentissante, qui explique que, alors que la répression en Syrie avait déjà fait 3.000 morts depuis mars, une compagnie italienne, Area SpA, travaille à Damas pour installer un système d’espionnage du Net. Le système est fourni par une société allemande, Utimaco, avec des sondes du français Qosmos et des unités de stockage du californien Sunnyvale. C’est le projet Asfador, du nom d’un monsieur qui aurait spontanément appelé les Italiens pour leur dire qu’ils auraient intérêt à répondre à l’appel d’offres".
la société italienne avait emporté le marché de 13 millions d’euros. Qosmos avait signé un contrat avec Utimaco Safeware AG le 16 novembre2009.
Les sondes de surveillance et d’interception des communications ixM-Li (Qosmos information extraction machine for legal interception) devaient être opérationnelles en 2011, avec des obligations de maintenance et de mise à jour jusqu’au 16 novembre 2013.
Qosmos assurait, à l'époque, qu’elle peut intercepter 5,3millions de sessions en simultané et stocker deux ans de métadonnées au lieu de six mois auparavant. Quand éclate le scandale de la collaboration avec la Syrie, Thibaut Bechetoille indique que "l’évolution des événements en Syrie à l’été 2011 a amené Qosmos, pour des raisons éthiques et cela avant les publications dans la presse de novembre2011, à se retirer du projet Asfador le 17octobre 2011".
La fédération internationale des droits de l'home (FidH) et la Ligue des droits de l’homme ont déposé une nouvelle plainte, le 25juillet 2012, auprès du parquet de Paris, qui vise Qosmos pour la fourniture de matériel de surveillance au régime de Bachar Al-Assad.
Patrick Baudouin, président d’honneur de la FidH demandait explications sur le fait que pendant que les autorités françaises dénoncent avec fermeté " les exactions perpétrées par Bachar Al-Assad", une société française fournissait du matériel de surveillance au régime syrien.