Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans les déclarations des ministres du gouvernement Sellal.
Alors que Karim Djoudi affichait jeudi un rictus bien visible devant les journalistes sur les risques que provoquerait une éventuelle chute des cours du pétrole, sur les finances publiques, ses collègues annonce de nouvelles revalorisations des retraites.
A bien y regarder, il y a une grave incohérence dans le discours et dans la pratique de ce cabinet ministériel. En bon argentier du pays qui compte ses sous, Karim Djoudi a invité expressément à la prudence face à un marché pétrolier volatile et de plus en plus en décrue. «La prudence nous oblige aujourd’hui à être beaucoup plus nuancés sur les augmentations de salaires», a lâché non sans raison le ministre des finances en marge des travaux de l’APN.
Et comme pour enfoncer encore le clou et attirer l’attention des décideurs sur cette folie dépensière Karim Djoudi avancera des arguments à prendre très au sérieux et sur lesquels, l’Algérie ne pourra pas agir.
«La crise économique mondiale a provoqué une baisse de la demande sur le pétrole, une forte constitution de stocks, principalement américains et une offre additionnelle émanant d’autres sources d’énergie, tel que le gaz de schiste.»
Autrement dit, les cours du brut déjà en baisse sont appelés à rester à ce niveau dans un scénario optimiste voire chuter un peu plus pour un scénario catastrophe.
La prudence en mode algérienne
Ce n’est pas la première fois que le ministre des finances admet que l’économie algérienne est à ce point menacée d’une «avalanche» pétrolière.
L’Algérie qui tire encore 96 % de ses recettes en devises grâce à l’exportation effrénée de son potentiel en hydrocarbures, est à la merci des fluctuations du marché.
Facteur aggravant, elle n’est même plus en mesure d’influer sur la politique des prix au sein du cartel de l’OPEP dont la loi est dictée par l’Arabie Saoudite conformément aux desiderata américains.
Le même constat vaut aussi pour l’exportation du gaz. Notre pays fait face à la réduction de son marché à cause de la politique agressive de l’Emirat du Qatar- premier producteur mondial- qui propose un gaz moins cher au marché spot alors que l’Algérie privilégie les contrats à long terme.
Louh planche sur les retraites
Ces facteurs exogènes (baisses des cours du gaz et du pétrole) rappellent la triste réalité d’un pays qui n’a pas su et pu construire une économie en dehors de la rente des hydrocarbures.
Les augmentations de salaires à tours de bras avec rappels de trois ans, décidées en faveur de l’armée des fonctionnaires, sont exclusivement supportées par l’argent du pétrole.
Ces milliards de dinars qui ont servi pour acheter la paix sociale, n’ont évidemment induit aucune relance économique, bien au contraire.
La mise en garde du ministre des finances, s’interprète comme un signal d’alarme face à une pratique qui pour être populiste, n’en est pas moins dangereuse pour l’Algérie. Il suffirait que les cours du brut dévissent sous la barre de 80 dollars pour que le gouvernement adopte un plan d’austérité aussi terrible que ceux qu’ont connu les économies espagnole et grecque.
Mais Tayeb Louh ne semble pas prêter attention aux paroles de son collègue des finances. Il vient de décider de revaloriser de 11% les pensions de retraites. Le ministère de la défense a lui aussi décidé «d’actualiser» les indemnités de ses vétérans…
Pourquoi pas puisque l'argent du pétrole coule à flot, dirait-on.