Pourquoi les patients atteints de Covid-19 ont-ils tendance à se dégrader alors qu'ils ont encore, pour certains, 75% de capacité respiratoire ? Personne ne le savait jusqu'à ce que l'équipe du Pr Éric Delabrousse propose une réponse. Des patients à Besançon ont pu déjà bénéficier de cette découverte. D'autres hôpitaux dans le monde vont reprendre les résultats de ce travail depuis sa validation par une revue scientifique américaine.
Publiée jeudi 23 avril par la revue scientifique américaine "Radiology" (https://pubs.rsna.org/doi/10.1148/radiol.2020201544), référence mondiale dans le domaine médical, l'étude menée par l'équipe du Pr Éric Delabrousse au CHU de Besançon est considérée comme un "tournant" dans la lutte contre le coronavirus. Elle a été validée dans une revue scientifique de très haut niveau.
Si le professeur bisontin reçoit de nombreux messages de félicitations de la part de ses collègues à travers la France dont ceux du très réputé hôpital de la Pitié- Salpétrière à Paris, il a pris le temps de nous vulgariser la contenu de cette publication princeps (la première du genre).
"C'est une étude "en mode commando" menée avec mes confrères les Dr Franck Grillet, Julien Behr, Paul Calame et le Pr Sébastien Aubry. Le scanner sans injection n'est pas la pierre angulaire. Il faut réaliser un angioscanner pulmonaire ! Nous ne comprenions pas pourquoi des patients se dégradaient sur le plan respiratoire alors que leur atteinte pulmonaire était modérée et parfois stable. Maintenant, on comprend mieux" expose le Pr Éric Delabrousse, au service radiologie de l'hôpital de Besançon.
Sur 100 patients au CHU Minjoz, 23 font une embolie
Entre le 16 mars et le 4 avril, 100 patients au CHU de Besançon ont été explorés par angioscanner, un examen d'imagerie médicale avec injection de produit de contraste qui consiste à explorer les veines et les artères. Jusque-là, les médecins utilisaient le scanner sans injection. Pas suffisant visiblement. Car après quelques jours, des patients que l'on croyait dans un état stable avec 75% de capacité respiratoire présentaient une embolie pulmonaire, non décelée sur le scanner, et mortelle dans certains cas.
Les cardiologues ou réanimateurs ne pouvaient d'ailleurs pas la déceler sachant que l'hypoxie étaient due à des caillots présents au sein de tout petits vaisseaux, que seul l’angioscanner parvient à détecter. Parmi les patients explorés par angioscanner pulmonaire dans cette étude, 23 (23%) avaient une embolie pulmonaire. "Notre recommandation est donc claire : il faut dorénavant proposer la réalisation d'un angioscanner pulmonaire au lieu du scanner thoracique sans injection aux patients Covid-19 ayant des signes de gravité" indique le professeur. Une technique qui a sauvé des patients à Besançon et qui en sauvera d’autres.
Le CHU de Strasbourg s'y met
L'hôpital universitaire de Strasbourg partage cette recommandation. D'autres vont emboîter le pas. La conclusion des Dr Paul Calame (praticien hospitalier), Franck Grillet (chef de clinique), Julien Behr (radiologue spécialiste du poumon) et des professeurs Sébastien Aubry et Éric Delabrousse est la suivante : injecter tous les patients Covid-19 sévère pour analyser leurs vaisseaux pulmonaires en même temps que leurs poumons, puis en cas d’embolie pulmonaire les décoaguler, car même une pneumonie Covid-19 modérée peut conduire à une embolie pulmonaire. L'hôpital de Besançon prouve, une nouvelle fois, qu'il est à la pointe de la médecine dans de nombreux domaines.(Avec la Presse du Doubs)
Source : https://www.lapressedudoubs.fr/decouverte-medicale-besancon/
Le professeur Delabrousse (assis) et Paul Calame.