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Débats entre quelques experts algériens sur le rendement des réserves de change en Algérie

30-08-2011 11:24  Contribution

Débats entre quelques experts algériens sur le rendement des réserves de change en Algérie : transformer cette richesse virtuelle en richesse réelle

Suite à mes contributions sur le rendement des réserves de change de l’Algérie, j’ai reçu de nombreuses correspondances sur mon Mail. Le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir , j’ai demandé également l’avis de bon nombre d’amis qui ont dans le cœur l’Algérie privilégiant uniquement ses intérêts supérieurs dont je ne citerai que le Professeur émérite Taieb Hafsi directeur de recherche à HEC Montréal, les professeurs de renom Boualem Baliouat , Bachir Maazouz , Nadji Safir et Farid Yaici , les docteurs Camille Sari , Attou Abbou et Omar Berkouk experts internationaux en finances . Qu’ils soient infiniment remerciés. Pour faciliter le débat national, je rappellerai brièvement mes conclusions avant d’aborder les aspects abordés par les experts que j’ai synthétisés en trois remarques à la fois techniques et d’ordre général.

1. Le gouverneur de la Banque d’Algérie a affirmé que le rendement des réserves de change a été de 4,60 milliards de dollars pour un taux d’intérêt de 3% ( tout juste le taux d’inflation mondial actuel 2010/2011 soit un rendement presque négatif ). Il s’ensuit que mathématiquement j’ai mis en relief que l’Algérie a placé non pas à court terme mais à moyen et certainement une grande part à long terme en 2010 un montant de 153,33 milliards de dollars sur 162,2 y compris les réserves d’or soit 94,65% de ses réserves de change.

Pour les taux de court terme ils ne peuvent être supérieurs au taux d’escompte des banques centrales. Les taux directeurs sont depuis 2009/2010 pour la FED ente 0-0,25%, 1,25% en 2010 avec un relèvement de la BCE de 1,5% depuis avril 2011, ceux de la banque d’Angleterre 0,5% ainsi que celui du Japon qui tend vers zéro. D’une manière générale si le stock en principe, à moins d’une faillite généralisée de toute l’économie mondiale ou d’une grave crise politique en Algérie ce qui entrainerait le gel des avoirs algériens à l’étranger, est garanti par les Etats ne risquent rien, cela pose le problème des rendements, le taux d’intérêt étant de plus en plus élevé si les placements se font à moyen et long terme afin de couvrir le taux d’inflation mondial.

Comme se pose le problème de la transition au moment où 20% étaient déposés dans les banques privées avant que ce taux passe selon le gouverneur à 2%. Que s’est il passé entre temps et y a-t-il eu perte comme cela a été le cas pour la majorité des pays du Golfe? Des banques privées dites AAA ont été décotées et en cas de difficultés bancaires, si elles ne sont pas soutenues par leurs Etats, il ya perte sèche pour l’Algérie. Pour ceux à moyen terme le retrait avant terme entraine une perte pour l’Algérie du fait de la décote et sur le marché libre et de la perte des intérêts pour non respect du contrat et il est préférable d’attendre le terme actuellement avant de prendre une décision hâtive. Mettons maintenant en relief les trois principales remarques des experts.

 

2. Première remarque.

Pour ce qui concerne les valeurs du trésor, les taux de rendement annoncés (3%) suppose que les fonds sont investis dans les bons du trésor à plus long terme (plus de 10 ans vraisemblablement). Les rendements aujourd’hui des obligations du Trésor US sont de 0,94% pour les 5 ans, 2,19% pour les 10 ans et 3,53% pour les 30 ans. En réalité la gestion prudente de nos réserves de change ne devrait pas seulement s’atteler à les placer dans les titres « sur » mais aussi sur des échéances qui correspondent à nos besoins.

Si nous pensons avoir besoin de ces fonds dans un horizon de 5 ans, nous devons avoir une échéance moyenne de cet ordre. Le raisonnement d’acheter des titres long seulement par ce qu’ils rapportent plus est erroné. Les échéances sont importantes. Tous les pays s’assurent que leurs investissements sont faits sur des titres dont les échéances correspondent avec leurs obligations. Dans ce cadre, il faut différencier le mode de placement de la banque d’Algérie (BA) pour l'acquisition des bons de trésors car cela a un impact direct sur le rendement des titres.

La FED généralement travaille étroitement avec des banques intermédiaires dont la majorité des investisseurs utilisent ces "financial pipelines" alors ils agissent comme intermédiaires et aussi judiciaires. Si la BA a un compte avec la FED ou la BIS ( banque of international settelments) alors l'opération est moins couteuse et plus flexible. Dans la majorité des établissements bancaires internationaux ( qu’en est-il pour l’Algérie ) existe un logiciel d’analyse de portefeuille qui donne les informations suivantes :

-date d’achat,

- prix d’achat,

-nominal,

- coupon,

- maturité

Les informations importantes sont :

-la Duration du portefeuille (Durée de vie moyenne basée sur les flux futurs actualisés de chaque obligation, pour le portefeuille on a une moyenne pondérée des durations de chaque obligation)

-Un fois la Duration calculée, nous pouvions aisément déterminer la sensibilité du portefeuille à une variation +/-des taux d’intérêt (c’est-à-dire le risque de perte potentielle en capital).

L’horizon de placement se fait en fonction des besoins prévisionnels au niveau des Banques Centrales mais surtout leur gestion est dynamique .C’est à dire qu’elle est fonction des anticipations des besoins et surtout de l’évolution de la courbe des taux .Chez les professionnels de la gestion obligataire on appelle cela la « gestion de la convexité ». Or le gouverneur de la banque d’Algérie n’a rien précisé de ces données fondamentales qui permettraient d’avoir une appréciation et un débat objectif restant toujours dans l’opacité.

Ce manque de clarté est corroborée par un spécialiste Mourad Ouazzi, un conseiller financier algérien installé à New York qui dans une contribution au quotidien Liberté note que les chiffres de gestion des avoirs algériens incluent les réserves d’or qui ont eu un rendement de plus de 40% en 2010, avec une valeur fin 2010 près de 7,75 milliards de dollars contre 5,97 milliards de dollars début 2010, soit un gain de 1,88 milliards de dollars. Aussi le véritable rendement du portefeuille d'obligations sans la réserve d'or serait donc de 4,7 moins 1,88, soit 2,72 milliards de gains/rendement pour un portefeuille de 161,6 milliards d’obligations (court et long terme), c'est-à-dire un rendement/intérêt de 1,6% et non pas un intérêt de 3% annoncés par le gouverneur de la Banque d’Algérie.

Pour un autre expert je le cite « Je ne suis pas un spécialiste de la question. Je suis plutôt allergique aux taux d’intérêt, y compris des produits dérivés. Cela pourrait paraitre naïf mais je ne crois pas aux options de placements pour enrichir les nations. Considérant les liquidités générées par le pétrole, pour un pays en voie de développement comme l’Algérie les possibilités d’investissement sont quasi illimitées. Autrement dit, aucune option de placements ne pourrait générer de réelles retombées sur l’économie et la société. Pourquoi ne pas investir dans l’immobilier institutionnel à l’échelle internationale ? Sur une échéance de cinq ans, malgré la récession économique la croissance nette des valeurs immobilières à l’échelle mondiale ont atteint les 11.5 %, avec une prise de risques modérée ».

3.-Deuxième remarque.

L’évaluation du niveau approprié de réserves accumulées par un pays nécessite la prise en compte des motivations initiales de détention de ces réserves, pour élaborer une norme quantitative. Les directives du FMI pour la gestion des avoirs extérieurs de réserve stipulent que « les réserves de changes sont détenues pour satisfaire plusieurs objectifs », notamment :« susciter et maintenir la confiance » dans la politique monétaire et de change ;« limiter la vulnérabilité externe en maintenant des réserves liquides de change afin d’absorber les chocs en temps de crise ou lorsque l’accès au crédit est restreint et « donner aux marchés l’assurance que le pays est en mesure de remplir ses obligations extérieures ».

Récemment encore, le niveau requis d’avoirs de réserve était estimé empiriquement selon la « règle des trois mois d’importations ». Lorsque les crises financières avaient été déclenchées, dans les années quatre-vingt-dix, par un tarissement des entrées de capitaux, la capacité des économies ayant recours à l’endettement extérieur à assurer le service de leur dette est devenue un critère primordial.

La règle « Greenspan-Guidotti » recommande, par conséquent, que les réserves puissent couvrir entièrement la dette extérieure à court terme afin d’être en mesure de rembourser celle-ci dans l’éventualité d’interruptions soudaines des entrées de capitaux, c'est-à-dire au cas où les prêteurs étrangers ne renouvelleraient pas leurs prêts. Les normes de référence rappelées ci-haut s’appliquent-elles pour l’économie algérienne ? Rappelons d’abord que cette dernière est une économie dépendante de ses hydrocarbures, qu’elle est mono-exportatrice et qu’elle importe la plupart de ses besoins. Si on devait appliquer ces normes, et en l’état actuel de notre économie, l’Algérie serait en danger à cause de ses recettes en devises erratiques.

A titre d’illustration, les recettes d’exportation du pays ont été divisées par 1,5 entre 2008 et 2009 avant d’être multipliées par 1,2 entre 2009 et 2010. En 1986, elles avaient carrément chuté de moitié par rapport à 1985 pour ne remonter substantiellement qu’au début des années 2000. Cependant, en 2010, les réserves de change couvrent 38,75 mois d’importations, soit environ 13 fois la norme (si on applique le premier critère), et environ 81 fois la dette extérieure à court (l’Algérie ayant décidé, en 2006, de rembourser par anticipation l’essentiel de sa dette extérieure), soit autant de fois la norme (si on applique le second critère).

Quelle est alors la solution ? Avoir autant de réserves de change et ne les placer quasiment (98 %) que dans des obligations d’Etat, avec des rendements faibles, même supposées plus sûres (la crise actuelle de la dette des Etats vient de nous démontrer que plus rien n’est sûr) équivaut à du gaspillage. Prendre quelques risques en diversifiant les placements, y compris en créant un fonds souverain, serait probablement plus rentable. D’autres utilisations dans le pays, sous la forme d’investissements par exemple, seraient encore plus souhaitables.

Mais, la faiblesse des capacités d’absorption de l’économie algérienne ne le permet pas. A titre d’illustration, sur les 286 milliards de dollars d’investissements prévus dans le programme quinquennal 2010-2014, 130 milliards de dollars sont des restes à réaliser (programmes en cours selon le jargon officiel) du programme quinquennal 2005-2009. Une autre solution consisterait enfin à n’extraire du sous-sol que ce dont le pays a besoin, en rapport avec ses capacités d’absorption, la conservation des hydrocarbures non seulement éviterait le gaspillage, mais servirait aux générations futures tout en incitant à la revalorisation du travail.

4.-Troisième remarque

Cependant pour les experts, l’Algérie possède d’importantes potentialités dont les effets positifs sont fonction de profondes réformes politiques et économiques. Ainsi, il faut éviter la sinistrose car tout ce qui a été accompli depuis l’indépendance politique n’est pas totalement négatif mais également toute autosatisfaction source de névrose collective. Faire un bon diagnostic, tenant compte certes des facteurs économiques mais également culturels et sociaux déterminants ,l’économie étant avant tout politique comme nous l’ont enseigné les grands classiques de l’économie , une cohérence et visibilité dans la démarche de toue politique socio-économique permet des corrections nécessaires pour le redressement national. Dans ce cadre, il faut se féliciter que les autorités algériennes réagissent afin d’éviter une certaine désinformation nuisible aux intérêts supérieurs du pays.

La démocratisation de la décision économique et politique est devenu une urgence de l‘heure afin d’éviter une certaines désinformation nuisible aux intérêts supérieurs du pays. Le débat sur les réserves de change qui n’est pas un secret défense comme veulent nous le faire entendre certains technocrates ou politiques cultivant le culte du secret qui n’ont pas fait leur mutation intellectuelle ,vivant encore à l’ère du parti unique, des années 1970, feignant d’ignorer la révolution du monde des télécommunications.

Ce débat engage l’avenir de toute la population algérienne et renvoie forcément au débat sur la durée des réserves des hydrocarbures puisque ce montant est fonction à plus de 98% de ce segment et d’une manière générale à la trajectoire future du développement national au sein d ‘un espace de plus en plus mondialisé. Le vrai débat pour le devenir de l’Algérie qui dépasse largement l’aspect monétaire, est de relancer la sphère réelle afin de créer des emplois créateurs de valeur ajoutée afin de diminuer les tensions sociales pour une population qui passera de 36 millions d’habitants en 2011 à 50 millions dans 25 ans sans hydrocarbures-entendu en termes de rentabilité financière-.

Et ce afin de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales renvoyant à de profondes réformes politiques, économiques et sociales se fondant dans le cadre d’une intégration régionale (maghrébine et africaine) , une meilleure gouvernance et un Etat de droit . C’est le débat essentiel et stratégique pour le devenir de l’Algérie afin de transformer cette richesse virtuelle que sont les réserves de change en richesse réelle pour une croissance réelle afin d’atténuer les tensions sociales et s’inscrire dans le cadre des défis de la mondialisation.

Professeur Dr Abderrahmane MEBTOUL Expert International Le 30 août 2011

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