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De la dérogation d’âge dans l’exercice des hautes fonctions de la hiérarchie militaire

12-06-2021 17:27  Contribution

Par ZERROUK  Ahmed

L’ordonnance 21-06 du 30 mai 2021 modifiant et complétant l’ordonnance 06-02 du 28 février 2006 portant statut général des personnels militaires, publiée au Journal Officiel 39 du 30 mai 2021, prévoit dans son article 20 les limites d’âge et de durée de services applicables aux militaires de carrière, pour l’admission d’office à la retraite. 

Pour les officiers, les limites d’âge et de durée de services sont ainsi qu’il suit :

 

Grades

Limites d’âge dans le grade

Limites de durée des services

Général d’armée

68

48

Général de corps d’armée

64

42

Général-major

60

38

Général

56

36

Colonel

53

32

Lieutenant-colonel

48

28

Commandant

45

25

Capitaine

42

22

Lieutenant

37

18

Sous-lieutenant

32

15

 

En conséquence, les dispositions de cet article 2, au cas où elles venaient à être mises en application, conduiraient à une véritable hécatombe dans les hautes fonctions de la hiérarchie militaire, étant donné que les officiers généraux ont dépassé, pour la plupart d’entre eux, aussi bien la limite d’âge que celle de la durée de services.

Et, ce d’autant plus que les dispositions de l’article 21/1er alinéa de la loi 06-02 du 28 février 2006 sont claires et ne souffrent d’aucune ambigüité : « En temps de paix, nul ne peut servir au-delà de la limite d’âge de son grade ».

Cependant, cet article 21, dans son deuxième alinéa, offre  une sortie de secours.  En effet, il accorde la possibilité pour le Président de la République d’accorder une dérogation d’âge aux officiers généraux et supérieurs occupant de hautes fonctions de la hiérarchie militaire. Il est à préciser que cette dérogation n’est ni  renouvelable, ni systématique, ni implicite, ni ad vitam aeternam.

Ce pourquoi,  il appartient au Président de la République de décider, après étude du dossier argumenté de la demande individuelle de dérogation d’âge, de l’accorder ou non et de fixer sa durée, d'une (1) à deux (2) années, au plus, par exemple. La dérogation d’âge ne devrait en aucun cas être ouverte, sans durée, de manière à permettre au bénéficiaire de transgresser indéfiniment la disposition légale de la limite d’âge et violer, ainsi, la loi.

Le Président de la République devrait signer pour chacun des officiers généraux et supérieurs occupant de hautes fonctions de la hiérarchie militaire, ayant dépassé la limite d’âge de leur grade, telle que fixée par l’article 20 de l’ordonnance 21-06 du 30 mai 2021, une dérogation individuelle de maintien pour une durée déterminée (1 à 2 ans).

Pour les autres officiers généraux et supérieurs, autrement dit ceux qui ne vont pas bénéficier de cette dérogation d’âge, ils doivent faire l’objet, d’office, d’une cessation définitive d’activité  pour être admis à faire valoir leurs droits à une retraite bien méritée.

Cette procédure va permettre de renouveler, voire de régénérer, la haute hiérarchie militaire et à court terme, les dérogations d’âge,  limitées dans le temps  (une -1- seule année) devraient se compter sur les doigts d’une seule main.

Ceci dit, tous les autres militaires, officiers et sous-officiers de carrière, atteints aussi bien par la limite d’âge que la limite de durée de services doivent faire l’objet, d’office, d’une cessation  définitive de servir dans les rangs de l’Armée nationale populaire, par admission à la retraite, conformément à l’article 20 de l’ordonnance 21-06 du 31 mai 2021 suscitée et des articles 117 et 118 de l’ordonnance 06-02 du 28 février 2006, citée ci-dessus.

Force doit rester à la loi et nul n’est au-dessus de la loi,  font partie de l’état de droit, un des fondements de la bonne gouvernance. L’Algérie nouvelle, la nouvelle  République, tant voulue par le Président de la République doit être concrétisée à tous les niveaux et à tous les échelons, « dans le cadre d’un Etat de droit républicain et démocratique », d’autant plus que  « Le peuple entend consacrer plus solennellement que jamais la primauté du droit ». 

Digne héritière de l’Armée de Libération Nationale, l’Armée Nationale Populaire qui assume ses missions constitutionnelles  avec un engagement exemplaire, ne peut que s’inscrire et se soumettre à la loi, notamment aux dispositions des articles 20, 21, 117 et 118 de l’ordonnance 06-02 du 28 février 2006, modifiée et complétée, portant statut général des personnels militaires.

Et, le Président de la République, Chef suprême des Forces Armées, devrait exercer pleinement la mission qui lui a été dévolue par la loi : la possibilité d’accorder une dérogation d’âge aux officiers généraux et supérieurs occupant  de hautes fonctions de la hiérarchie militaire. Donc, la dérogation d’âge n’est pas un droit, c’est une exception laissée à la seule discrétion du Président de la République.  Elle ne peut, en aucun cas, être érigée en règle, ce qui serait une violation  flagrante de la loi.

ZERROUK  Ahmed, ex-magistrat militaire.



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