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Cours du Pétrole à l’horizon 2025 : l’urgence de rationaliser les dépenses

03-03-2018 09:18  Pr Abderrahmane Mebtoul

Malgré un froid inégalé àtravers le monde, le cours du pétrole naviguant au gré des stocks américains etdu cours du dollar, a été coté le 1er mars 2018 à 64,11 dollars le Brent et61,23 dollars le Wit, et le gaz naturel sur le marché libre  à 2,70 dollars le MBTU  contre 3,5 dollars le 1er  janvier 2018 ; 33% des recettes de Sonatrach provenant du gaz. 

Pour faire face à l’actuelle situationde tensions budgétaires, conséquence d’un cours relativement bas du pétrole, en fonction  de la nouvelle configuration des mutationsénergétiques mondiales, le gouvernement doit résoudre cette difficileéquation:  une allocation ciblée  des ressources financières,  unerationalisation des dépenses afin  nepas  porter préjudice aux couches lesplus défavorisées.

 1.- Le monde devraitconnaitre un profond bouleversement de son modèle de consommation énergétiqueentre 2018/2030, avec des incidences géostratégiques.

Quelles sont donc lesdéterminants futurs du prix du pétrole/gaz ? Premièrement, l’élément central dela détermination du prix du pétrole entre 2018/2020/2025 est la croissance del’économie mondiale. Entre 2020/2030, aucun expert ne peut prévoir au- delà, dufait des importantes nouvelles mutations.

Mais le plus inquiétant,reste le prix de cession du gaz traditionnel représentant un tiers des recettesde Sonatrach avec une prévision de 50% en 2020/2025. Or les investissements sontlourds, à maturation lente et nous assistons à l’entrée de nouveaux producteurset à l’extension du marché spot ; la majorité des contrats à moyen et longterme expirant pour l’Algérie entre 2018/2020.

 Selon le FMI, le gaz a atteint son cours leplus bas en douze ans en raison, certes, de la chute des cours du pétrole, maiségalement de la vigueur de l’offre russe en gaz naturel et parl’affaiblissement de la demande asiatique. Deuxièmement, du côté de l’offre,nous assistons à une hausse plus rapide que prévue de la production de pétrole(non conventionnel) des USA qui bouleverse toute la carte énergique mondiale.

Elle est passée de 5 millionsde barils/jour de pétrole à un niveau fluctuant entre  8,5  et9,5 millions de barils jour  entre2014/2017. L’AIE prévoit que la production américaine dépassera celle del’Arabie Saoudite en 2018. Troisièmement, les rivalités au niveau de l’OPEP,encore qu’il y a lieu de souligner le respect relatif des membres des quotas,mais devant tenir compte à l’avenir de la rivalité Iran-Arabie Saoudite (dedernier plus de 33% de la production OPEP).

 L’Arabie Saoudite est le seul pays producteurau monde actuellement qui est en mesure de peser sur l’offre mondiale, et doncsur les prix, aussi. La détermination du prix du pétrole plancher (le prix dugaz lui étant indexé), dépendra d’une entente entre l’Arabie Saoudite et lesUSA, L’Arabie Saoudite et la Russie et l’Arabie Saoudite et l’Iran.

 2.-Quelles perspectivesfutures du cours du pétrole à votre avis ?

Des rapportsinternationaux   notent   que les énergies renouvelables représenteront entre 2017/2020/2025  plus de 30%de la capacité totale de production électrique installée dans le monde et 23%de la production totale d’électricité.

Le financement des EnR estd’environ 286 milliards de dollars en 2015, représentant 154 GW de nouvellescapacités, dépassant de loin l’investissement dans la productionconventionnelle (+97 GW).

Ainsi, ces rapports mettenten relief trois facteurs essentiels.

Premièrement : ladéfinition de règles du marché assurant un système d’énergie durable en accordavec les objectifs du trilemme , y compris les règlementations clairementdéfinies en matière d’émission de CO2.

Deuxièmement :  l’instauration des marchés de capacité pouvantpermettre d’assurer la sécurité en termes d’approvisionnement en complément demarchés basés uniquement sur les énergies qui se révèlent souvent insuffisantspour garantir un approvisionnement fiable.

Troisièmement : ledéveloppement plus poussé des méthodologies en matière de prévisionsmétéorologiques pour garantir une meilleure fiabilité et faire rapidement faceà la variabilité du vent et du soleil.

Quant aux perspectives pourle marché pétrolier, elles sont aléatoires. Aussi,   le monde est à l’aube d’une nouvellerévolution industrielle qui modifiera les rapports de force au niveau mondialet une recomposition du pouvoir énergétique mondial.

Deux pays, qui ont pourtantles plus importantes réserves, la Russie, qui a investi dans lesnanotechnologies et l’Arabie Saoudite, qui a prévu plusieurs centaines demilliards de dollars d‘investissement pour préparer l’après pétrole.

Car si le monde   est passé de l’ère du charbon à l’ère dupétrole, cela ne signifiait pas que n’existait plus de réserves de charbon (200ans de réserves contre 40/50 ans pour le pétrole) mais que des  nouvelles technologies  ont été mis en placerenvoyant toujours au fondement du développement l’économie de la connaissance.

Les réserves sont fonction duvecteur prix international- coût, pouvant découvrir des milliers de gisementsnon rentables au vu des mutations énergétiques mondiales. Aussi c’est une  erreur stratégique de raisonner sur un modèlede consommation énergétique linéaire, en misant sur la rigidité de l’offre, qui provoquerait à moyen terme, fauted’investissement, une montée inexorable des prix vers des sommets, 100,voire  150/200 dollars le baril.

 3.- C’est que l’analyse desnouvelles mutations énergétiques va à contre-pied de tous ces raisonnementsmécaniques qui sont démenties par la dure réalité économique.

Les pays de l’OPEPreprésentant 33% de la production commercialisée mondiale, 67% se faisant horsOPEP, ne doivent plus vivre de l’illusion de la rente éternelle, cohabitantavec d’autres acteurs et ne pouvant jouer un rôle déterminant comme dans lesannées 1974.

Aussi, attention à l’euphorieet aux faux calculs ! Même avec une augmentation de 10  dollars en moyenne ,fluctuantactuellement  entre 60/65 dollars, (laloi de finances algérienne l’établissant à 50 dollars), en moyenne annuelle, cela  donne un gain net pour un pays commel’Algérie de seulement 5/6 milliards de dollars contre 50/60 milliards dedollars pour la Russie et l’Arabie Saoudite (dix fois plus de production).

Comme il ne faut pas exclure la  perte financière du fait de la diminution des quotas, pouvant perdre des partsde marché en cas de dynamisation du pétrole-gaz de schiste américain dont lespetits gisements deviennent rentables au-delà de 60 dollars, les grandsgisements étant rentables entre 30/40 dollars, les gisements moyens entre 40/50dollar.

Imaginons, en cas de crise oude croissance faible de l’économie mondiale, que la diminution de la quantité OPEPn’entraine pas une baisse substantielle des prix et que les pays hors OPEPaccaparent des parts de marché.

D’où la difficile équation àrésoudre, d’autant plus que les USA, un des plus grands producteurs, ont jouésur la réduction substantielle de coûts de production où nous avons assisté, dufait de nouvelles technologies, à une réduction des coûts entre 2009/20147entre 30/40% ; étant devenu exportateurs nets.

Les observateurs s’accordentà ce que le prix futur dépendra de trois facteurs : premièrement, d’une ententeentre pays consommateurs et producteurs ; deuxièmement, par une entente paysOPEP non OPEP et  troisièmement, dunouveau Mix énergétique.

 4.-Tout accroissement desdépenses en rapport aux recettes prévues accroitra le déficit budgétaire avecun impact inflationniste qui joue le rôle de vecteur de concentration desrevenus au profit d’une minorité spéculative, surtout en Algérie avec ladominance de la sphère informelle.

Il faudra distinguer la partdes dépenses en dinars (solutions internes) de la part en devises et distinguerles actions conjoncturelles. Les actions structurelles sont la seule réponseappropriée aux défis futurs du pays.

L’on devra tenir compte qu’aurythme des exportations projetées et de la forte consommation intérieure (àhorizon 2030, la population atteindra 50 millions d’habitants), l’Algérietendra vers l’épuisement du pétrole /gaz traditionnel.  Prenons l’hypothèse d’une stabilisation descoûts qui s’accroissent avec l’épuisement des gisements, d’où l’importance d’unnouveau management stratégique de Sonatrach pour les stabiliser, et pourquoipas les réduire, nous pouvons émettre plusieurs scénarios.

Pour 60 dollars, les recettesprévues seraient d’environ 34 milliards de dollars. L’on doit retirer 20% descharges ce qui nous donne 27 milliards de dollars de profit net en précisantque la baisse d’un dollar en moyenne annuelle occasionnant une perte pourl’Algérie d’environ500/ 600 milliards de dollars.

A 50 dollars, le baril, , enretirant les charges , nous aurons un profit net de Sonatrach de 21 milliardsde dollars et à 40 dollars, le baril donne un profit net de Sonatrach de 15milliards de dollars, à  30 dollars, lebaril donne un profit net de Sonatrach de 9 milliards de dollars et à  20 dollars, le baril donne un profit net deSonatrach de 3 milliards de dollars  nousrapprochant du seuil presque au seuil de rentabilité pour les gisements moyens.

 5.-Comment dès lors mobiliserles ressources financières suivant ces différents scénarios face aux tensionsbudgétaires et sociales ?

Sans la réforme des systèmesfinancier, douanier, fiscal et domanial, secteurs qui vivent encore à l’ère desannées 1970, enjeux de pouvoir, segments stratégiques considérée à juste titre,comme l’indice le plus probant de la volonté politique des Etats d’ouvrir ounon l’économie nationale à la libre entreprise, aucun développement durablen’est possible.

L’importance pour l’Algérieest d’aller vers plus de rigueur budgétaire mais pas d’une manière aveugle,devant concilier l’efficacité économique et une profonde justice sociale, d’oùl’importance d’un Etat régulateur conciliant les couts sociaux et les coutsprivés et libérant les énergies créatrices.

Face au déficit du trésorentre 2018/2020, il y a urgence donc d’aller vers une allocation ciblée des ressourcesfinancières et une rationalisation des dépenses (économies de gestion) tantpour la partie devises que dinars, supposant de lutter contre les surcoûts etla corruption.

Il faut aussi accroitre lafiscalité ordinaire pour la sphère réelle pour les ménages toutes et lesentreprises, (l’impôt direct étant le signe d’une plus grande citoyenneté, lafacilité pour tout gouvernement étant l’accroissement de l’impôt indirectinjuste par définition), tout en étant conscient que l’impôt peut tuer l’impôt.

Eviter la dérive inflationnistecomme au Venezuela, suppose une régulation forte, conciliant le cadremacro-économique et le cadre macro-social. Et pour éviter le scénariodramatique des impacts de la baisse du cours du pétrole des années 1986, lasolution la plus durable est d’avoir une vision stratégique car il  ne faut plus se faire d’illusions, un coursde pétrole entre 80/100 dollars  est  improbable rendant urgent, pour l’Algérie, sielle  veut éviter samarginalisation,  l’émergence d’uneéconome  diversifiée dans le cadre desvaleurs internationales.

 6.- En résumé, l’Algérie estun grand pays et a toutes les potentialités de relever les nombreux défis,devant éviter à la fois les discours de sinistrose et les discoursd’autosatisfaction, car en ce mois de mars 2018, l'économie est toujoursrentière, Sonatrach c'est l’Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach (97/98%directement et indirectement des ressources en devises).

Dans cette conjoncture detensions budgétaires et sociales s’impose un large front national et ledialogue permanent regroupant toutes les forces politiques, sociales etéconomiques.

Des intermédiationspolitiques et sociales crédibles, loin de ces organisations rentières, entreles citoyens et l’Etat sont indispensables pour trouver des solutions.

Sur le plan interne, du moinsà court terme, l’Algérie contrairement aux discours pessimistesdémobilisateurs, connaissant certes une situation difficile, ne traverse pasune crise financière mais une crise de gouvernance, risquant, si l’on n’y prendpas garde, de se transformer en crise financière horizon 2020. Les différentsmouvements sociaux que connaît l’Algérie actuellement reflètent une dynamiquesociale normale que connaissent maints pays.

A ce titre je salue lesdirectives en date du 27 février 2018  deson Excellence M. le Président de la République, pour le cas des enseignants,d'ouvrir le dialogue entre le Ministère de l'éducation nationale  et les syndicats, les actions autoritaires desdeux côtés, étant une gouvernance  dupassé, afin d'éviter des tensions inutiles, en espérant toujours que ledialogue au niveau du  Ministère de lasanté pour les résidents , qui sont avant tout nos enfants, trouvera unesolution honorable.

Car la solution dernièrereste le dialogue, toujours le dialogue productif, sans démagogie, tenant comptede la situation sécuritaire, économique et sociale du pays.

Méditons ces réflexionspleines de sagesse de John Maynard Keynes, grand économiste du XXe siècle pourqui «il vaut mieux que l’homme exerce son despotisme sur son compte enbanque personnel que sur celui de ses concitoyen», du grand philosopheAristote : «le doute est le commencement de la sagesse» et de ceproverbe amazonien «quand on rêve seul, ce n’est qu’un rêve mais quand onrêve tous ensemble, c’est déjà le commencement de la réalité».

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