Par Dr. BACHIR BOUIADJRA Abderrazak
Dans un pays immensément riche en ressources (diverses et variées) comme l’Algérie, qui a connu
ces dernières années, une période faste en progrès technologiques dans le domaine des TIC ; il est
tout de même consternant, de constater la répétition d’une année sur l’autre, d’un scénario devenu
classique avec le temps, celui relatif à la privation d’autorité, des citoyens, de l’utilisation des services
d’Internet, à l’occasion du déroulement des épreuves du BAC, pour (dit-on) éviter la fraude ou en
limiter l’impact décisif sur la crédibilité de cet examen.
Les mesures prises à cet effet, ont suscité le légitime courroux des citoyens, des entreprises
économiques, et l’étonnement remarqué des médias nationaux et surtout internationaux, qui ont
consacré plusieurs articles et pages sur le sujet, dont : The New York Times, The Guardian, Daily
Nation, Independent, CNN, Aljazeera, BBC NEWS, ABC News, SKY News, Arab News, Yahoo
News, Google News, India Today, Iran Press, Kurdish News Network, etc. Ce qui a tout
naturellement entrainé une sérieuse dégradation de l’image de l’Algérie sur au moins trois plans selon
ce qui se dégage de la lecture et de l’analyse des commentaires des médias précités :
- « Les autorités algériennes semblent n’avoir trouvé aucune solution à l’exception d’un choix
par trop exagéré » (sic) comme si notre pays était incapable de résoudre par lui-même une telle
problématique.
- La ressource humaine Algérienne spécialisée ne serait pas suffisamment qualifiée, en raison de
la faiblesse de ses connaissances, de ses compétences et donc de son expérience sur le terrain.
Cependant, l’Algérie et plus particulièrement Algérie Télécom (en tant qu’entité directement
concernée par le présent problème) compte parmi ses employés des personnes connues comme
étant très qualifiés, et disposant de compétences internationalement reconnues.
- La crédibilité des épreuves du BAC Algérien serait donc (sur la foi de l’analyse de ces médias) ;
sérieusement entamée, et partant l’image de nos bacheliers à l’étranger, fortement affectée.
C’est pour toutes ces raisons et bien d’autres, qu’il serait fastidieux d’énumérer dans le détail, je me
suis senti le devoir, en ma qualité de maitre de conférences et chercheur spécialisé dans le domaine
des réseaux, de contribuer humblement mais utilement au débat non officiellement engagé sur les
modalités les plus efficientes pour éradiquer sinon réduire à sa plus simple expression le problème de
la fraude aux épreuves de cet important examen (le BAC).
L’objet de la présente contribution est d’attirer l’attention des responsables directement ou
indirectement concernés par le problème sus-évoqué, sur l’importance de quelques éléments
essentiels de réflexion, en rapport avec les difficultés techniques relatives à la mise en œuvre des
solutions appropriées au problème, et de formuler surtout des préconisations susceptibles d’améliorer
grandement l’exploitation des TIC au niveau national.
Pour cela, j’aimerais d’abord rappeler deux vérités essentielles, qui n’échappent sans doute pas à la
sagacité de nos responsables :
- La première : « l’épidémie de triche » nécessite un traitement continu et profond, devant
commencer lors des premières années de l’éducation des élèves, et en tout état de cause, dès le
premier palier du système éducatif.
- La seconde : la fuite des sujets du BAC peut être effectuée dès la proposition des exercices, et
jusqu’au dernier transport du sujet à la classe des examens.
C’est pourquoi la décision d’interrompre la connexion à Internet, des heures durant, au début de
chaque épreuve de l’examen du BAC, ne concerne en réalité que la dernière possibilité : où le candidat
pourra prendre une photo du sujet et la transmettre ailleurs afin de recevoir par la suite la solution.
C’est donc, sur l’examen et l’analyse de cette situation que sera focalisée la présente contribution, ce
qui nous conduit à formuler d’emblée quelques remarques préjudicielles, pour présenter ensuite les
trois recommandations principales qui nous paraissent, les mieux à même de cerner la problématique
de la fraude aux épreuves du BAC ; dans le but de réduire à la portion congrue, les risques de
survenance de ce phénomène et surtout d’en atténuer l’impact sur les autres utilisateurs des services
d’Internet.
(1) Jouissant d’une expérience de plus de 13 ans sur le terrain, ayant dispensé des formations professionnelles avancées, et participé à la réalisation de plusieurs projets de déploiement de solutions et d’audit, au profit de différentes institutions publiques et privées (différents ministères, et sociétés nationales et multinationales de renommées telles que : Sonatrach, Sonelgaz, Algérie Télécom, Ooredoo, Schlumberger, Pertamina, etc.)
La première remarque : il est sage de commencer par reconnaitre qu’il est très difficile de nos jours,
de localiser le composant jouant le rôle de l’appareil photo du candidat, sachant qu’il peut être intégré
« d’une manière très discrète » dans des montres, dans des lunettes, ou même dans des stylos.
L’énorme révolution technologique dans le domaine de l’électronique, a conduit au recours à la
miniaturisation de l’appareil auquel est intégré (ensemble ou séparés mais interconnectés) : une
mémoire, une puce de communication, et une batterie pour l’alimentation électrique.
La surveillance « selon l’ancienne méthode » ne peut en aucun cas faire face au présent défi. La raison
pour laquelle, des systèmes de détection de ce genre de composants (même hors tension) doivent être
mis en place à l’entrée des candidats aux salles d’examens ; ainsi que systèmes de caméra de
surveillance permettant l’enregistrement, l’analyse, et l’étude de tout comportement suspect durant
ou même après le déroulement des épreuves de l’examen. C’est pourquoi il faudrait (et ce sera l’objet
de notre première recommandation) :
« S’assurer qu’aucun appareil de prise de photos et de communication ne soit en la possession du candidat lors de l’examen »
La deuxième remarque : il est également raisonnable de reconnaitre qu’il est techniquement
difficile, surtout de nos jours, d’intercepter et de filtrer la transmission des photos prises par les
candidats, au regard de plusieurs considérations dont les plus importantes d’entre-elles peuvent être
détaillées comme suit :
1) Les photos peuvent être uploadées et partagées sur des sites inconnus (tels que certains réseaux
sociaux chinois ou russes), ou même en passant par des VPNs ou des Proxys ayant différents
principes de fonctionnement, dont il devient de plus en plus difficile de les reconnaitre, sans parler
du contrôle de leur flux d’informations échangés.
L’interdiction des accès à certaines destinations particulières (telles que Facebook) ne nous
parait pas juste d’un point de vue éthique, mais n’est surtout pas suffisante, car elle rend la
solution faible et contournable, même si on utilise des techniques d’inspection profonde des flux
d’informations.
2) Les photos peuvent être envoyées en utilisant des applications de transfert de fichiers du
type « client-serveur » où la destination peut être directement la cible concernée (sans passer par
une tierce partie).
La photo envoyée peut atteindre sa destination sans sortir à l’extérieur du réseau de l’opérateur,
et même sans passer par le mécanisme de filtrage qui peut être mal positionné.
3) Les photos peuvent être envoyées avec des protocoles de communication munis de différentes
fonctionnalités de cryptage, ou complètement à l’intérieur de certains autres protocoles non-
concernés par le filtrage, tel que : ICMP et DNS. L’exemple le plus simple dans cette catégorie
d’applications, est le SFTP dont le transfert des fichiers FTP se ferait à l’intérieur du protocole SSH.
La majorité des mécanismes de filtrage ne pourront cependant pas reconnaitre les détails du
contenu envoyé.
4) Les photos peuvent être envoyées en utilisant des applications ayant des méthodes spécifiques de
présentation des données ; elles peuvent être également envoyées : compressées, fragmentées ou
même sous un autre format (texte par exemple) ; pour être transférées ensuite, via le réseau de
données ou même via des SMS.
La majorité des mécanismes de filtrage, même les plus avancés, ne pourront pas reconnaitre les
détails du contenu envoyé dans le présent scénario.
5) Les photos peuvent être également envoyées en effectuant un appel automatique à la cible
concernée, via le réseau téléphonique, exactement comme cela se faisait pour se connecter à Internet
avant l’introduction de l’ADSL en Algérie.
Bien qu’il soit objectivement difficile de cautionner le recours à la solution radicale de coupure
d’Internet en raison des SLAs et des exigences actuelles en termes de disponibilité et de continuité
des services, il nous parait plus logique d’envisager une coupure partielle du réseau téléphonique
mobile (malgré ses énormes désagréments), que de couper Internet sur tout le territoire national
pour les millions d’abonnés et d’entités, même pour ceux ayant des connexions Internet via
ADSL ou WiMax, et qui représentent la majorité des utilisateurs n’ayant aucun rapport « ni de
près, ni de loin » avec les épreuves du BAC, ce qui nous conduit tout naturellement à la
formulation de notre deuxième recommandation qui consiste à :
« S’assurer qu’aucune transmission sans-fils ne peut être effectuée dans les centres d’examen via des brouilleurs RF »
La troisième remarque : il est très important d’attirer l’attention des responsables, que toute la
complexité qui transparait à première vue, de l’exposé des points évoqués ci-dessus, est de nos jours
quasiment inexistante, en raison de la disponibilité « à grande échelle » des applications permettant
d’automatiser ce genre de tâches, qui ne nécessite généralement aucun niveau technique, et presque
aucune interaction de son utilisateur.
Par ailleurs, il nous parait plus judicieux d’opter pour une étude qualitative favorisant la solution avec
l’architecture et les composants les plus fiables et robustes, afin d’avoir un niveau très élevé de
disponibilité et de continuité du service. Cette étude dont le coût peut s’avérer un peu cher au début
de l’opération, sera vite amorti sur le court terme et plus particulièrement si la solution est exploitée
tout au long de l’année.
Ce qui nous conduit tout naturellement à la formulation de la troisième de nos recommandations
autour desquelles s’articulent notre présente contribution, et qui consiste à :
« S’assurer que la solution proposée présente une capacité, une disponibilité, une fiabilité et une sécurité suffisantes ».
En guise de remarques conclusives à l’exposé du présent constat, il nous parait utile d’inférer à la
réelle difficulté de faire face à la présente problématique de la fraude, dont la solution la plus
adéquate même si sa configuration n’est par ailleurs pas aussi simple que ne le pensent la plupart
d’entre nous, appelle (selon nous), la nécessité de lancer de toute urgence l’idée d’un projet fédérant
les compétences des différents spécialistes concernés par ce problème, afin de revoir de fond en
comble toute la problématique : de la bonne spécification des besoins, jusqu’au déploiement de la
solution.
En espérant que la présente contribution aura été bénéfique à plus d’un titre pour les uns et les autres,
je me mets personnellement à l’entière disposition de toutes celles et ceux qui souhaiteraient obtenir
plus de détails sur les points soulevés dans la présente contribution.
Dr. BACHIR BOUIADJRA
Dr. BACHIR BOUIADJRA Abderrazak est Maitre de conférences et chercheur en informatique à l'Université Djillali Liabes – Sidi Bel Abbes Instructeur Principal Cisco, ,CCSI#32865
Email : [email protected]