Professeur des Universités, expert international DrAbderrahmane MEBTOUL expert international
Cette présente contribution fait suite à mes contributionset conférences à l'Institut français des relations internationales (IfriParis-France)’’la coopération Maghreb-Europe face aux enjeux géostratégique’’(novembre 2011)- chapitre III-‘’la stratégie de l'Otan face aux enjeux géostratégiquesen Méditerranée», ‘’le développement et les enjeux géostratégiques enMéditerranée et en Afriqu’’ à Malte 2012 à l'invitation de la Commissioneuropéenne, sur le même thème àl'invitation devant le Parlement européen-Bruxelles- 2013 et ‘’le Maghreb faceaux enjeux géostratégique’’ deux ouvrages (1050 pages) sous la direction duprofesseur Mebtoul Abderrahmane et le docteur Camille Sari (36 expertseuropéens et maghrébins)- Edition Harmattan Paris 2015- La régionméditerranéenne et africaine devrait connaître entre 2018/2020/2025, deprofondes reconfigurations socio-économiques, technologiques, mais égalementsécuritaires.
1.-Face au crime organisé transnational, la police algérienne a décidé de renforcer lesdomaines de coopération avec les organes de la police du continent africain enmettant son expérience professionnelle à la disposition de ses pairs afin defaire face à la criminalité sous toutes ses formes.
La police algérienne est devenue une référenceinternationale, suite à la réunion consultative tenue le 12 décembre 2016 àAlger en présence de nombreux responsables de police africains, visant àpermettre le partage d'expériences en matière de coopération.
A cet effet, suite à la signature en 2001 d'un mémorandumentre l'Union africaine et Interpol, visant à définir les canaux idoines decommunication, d'échange d'informations et de vues entre les deux parties, lamise en place d'un Mécanisme africain de police (Afripol), dont le siège est àAlger depuis fin 2015, relevant de l'Union africaine, a pour but d'œuvrer à lacoordination des efforts et au soutien de l'action des missions de paix et desécurité de l'Union africaine déployées en Afrique sur les plans militaire etsécuritaire.
Aussi, face au crimeorganisé transnational, l'Afripol constitue une base continentale decommunication, de concertation, de coopération et de coordination.
Durant l’année 2017, le directeur général de la Sûreténationale de l’Algérie a été élu à la tête du mécanisme de l’Union africaine decoopération policière (AFRIPOL), comme nous avons assisté à la désignation d’un responsable de la DGSN pourprésider le groupe des experts d’Interpol de lutte contre la cybercriminalité.
De fait, lacybercriminalité sera un enjeu du XXIe siècle. Cela est posé pour tout le restede l'économie, des cyber-attaques car les services électroniques (e-commerce,e-santé et e-administration) sont appelés à se développer.
La cybercriminalité est liée à la révolution dans le domainedes systèmes d’information qui peut déstabiliser tout un pays tant sur le planmilitaire, sécuritaire qu’économique. Il englobe plusieurs domaines exploitantnotamment de plus en plus l'Internet pour dérober des données privées, accéderà des comptes bancaires et obtenir frauduleusement parfois des donnéesstratégiques pour le pays.
Selon Steve Grobman, expert de la société McAfee,spécialisée dans la protection contre les attaques informatiques, dans unrapport paru en février 2018, la cybercriminalité coûte en 2017 environ 600milliards de dollars par an à travers le monde, un chiffre en augmentation enraison de la compétence grandissante des pirates et l’essor des cryptomonnaies.Selon ce rapport, le vol de propriété intellectuelle a représenté environ unquart du coût total de la cybercriminalité en 2017. Le numérique a transformé àpeu près tous les aspects de notre vie, notamment la notion de risque et lacriminalité, de sorte que l’activité criminelle est plus efficace, moinsrisquée, plus rentable et plus facile que jamais.
L’étude, réalisée parMcAfee et le think tank Center for Strategic and International Studies (CSIS), avaientévalué ce coût à 445 milliards en 2014.
Lié à ce facteur stratégique enjeu du XXIème siècle nous avonsle blanchiment d’argent,qui est décrit comme un processus durant lequel l'argent gagné parun crime ou par un acte illégal est lavé. Il s'agit en fait de voiler l'originede l'argent pour s'en servir après légalement (investissement, achats, etc.).
Les multiples paradis fiscaux, des sociétés de clearing(aussi Off Shore) permettent de cacher l'origine de l'argent.
L’Afrique voit s’échapper chaque année 192 milliards dedollars causés par des flux illicites contre seulement 30/40 milliards dedollars d’aide au développement avait révélé le 30 novembre 2016 à Dakar AmathSoumare, président fondateur de Sopel International et président du centreafricain de la Nouvelle économie Cane Executive, renvoyant à la gouvernance decertains dirigeants d’Afrique.
2.-Les tensions dans la région, notamment pour la protectionde ses frontières, la situation en Libye, au Mali et accessoirement les actionsterroristes à sa frontière en Tunisie ont imposé à l'Algérie des dépensessupplémentaires. (1)
En effet, face aux tensions régionales, les frontièresAlgérie-Mali est de 1 376 km, celle entre l'Algérie et la Libye de 982 km,entre l'Algérie et le Niger de 956 km, entre l'Algérie et la Tunisie de 965 kmsont à surveiller avec un coût croissant.
C’est ainsi que l’Algérie a déployé une véritable task-forcepour sécuriser ses frontières afin de faire face à l'instabilité chronique del'autre côté des frontières et dont les événements récents confirment lacontinuelle aggravation.
Privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques propres,partie prenante du Dialogue méditerranéen (DM), l'Algérie agit en fonction d'uncertain nombre de principes et à partir d'une volonté avérée de contribuer à lapromotion de la sécurité et de stabilité dans la région.
C'est que la fin dela Guerre froide, marquée par l'effondrement du bloc soviétique et lesattentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 représentent un tournantcapital dans l'histoire contemporaine.
Le premier événement marque la fin d'un monde, né undemi-siècle plus tôt, et la dislocation d'une architecture internationale quis'est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et lesguerres que nous savons.
Aujourd'hui, les menaces sur la sécurité ont pour nomterrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales etdélitement de certains Etats. Or, les défis collectifs nouveaux, sont une autresource de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, lesépidémies, l'environnement.
Ils sont d'ordre local, régional et global. Entre lalointaine et très présente Amérique et la proche et bien lointaine Europe,entre une stratégie globale et hégémonique, qui possède tous les moyens de samise en oeuvre et de sa projection, et une stratégie à vocation globale qui seconstruit laborieusement et qui peine à s'autonomiser et à se projeter dans sonenvironnement géopolitique immédiat, quelle attitude adopter et quels choixfaire pour l'Algérie?
Interpellée et sollicitée, l'Algérie s'interrogelégitimement sur le rôle, la place ou l'intérêt que telle option ou tel cadrelui réserve ou lui offre, qu'il s'agisse du dialogue méditerranéen de l'Otan oudu partenariat euro- méditerranéen, dans sa dimension tant économique quesécuritaire. L'adaptation étant la clé de la survie et le pragmatisme un outiléminemment moderne de gestion des relations avec autrui, l'Algérie dont sondevenir segment de l'Afrique du Nord, pont entre l'Europe et l'Afrique doitfaire en sorte d'être commandé par la raison et ses intérêts. Car l'Algérie estconfrontée actuellement à la sécurité dans la zone sahélo-saharienne.
Rappelons que lesrelations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualitésaharienne actuelle interpellent l'Algérie qui doit être attentive aux futursenjeux géostratégiques qui se dessinent dans la région.
Nous avons assisté dans la région à de profondes mutationsde la géopolitique saharienne après l'effondrement du régime libyen, avec desconséquences pour la région et avant l'intervention française à la sécession duNord-Mali.
Déjà, les rapports entre le Sahel et la Libye d'El Gueddafiétaient complexes. De plus en plus nombreux, des migrants subsaharienss'installent désormais dans les pays du Maghreb avec l'intensification de lacontrebande. Bien avant et surtout depuis la chute du régime d'El Gueddafi leSahel est l'un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sontinstallés des groupes armés et contrebandiers.
El Gueddafi disparu,des armes, dont des milliers de missiles sol-air, étaient dans les entrepôts del'armée libyenne dont une partie a été accaparée par différents groupes quiopèrent au Sahel.
Dès lors la sécurité de l'Algérie est posée à sesfrontières. Le problème est plus grave pour les frontières conjointes avec leMali et la Libye, la coopération étant renforcée avec la Tunisie. Il ne fautpas oublier que les djihadistes étaient venus depuis cette région lors del'attaque terroriste de Tiguentourine.
3.-Cependant, le défi est régional concernant tout lecontinent, Afrique, le Moyen Orient, dont les tensions en Syrie et en Irakpeuvent avoir des répercussions sur la région sahélienne et, par ricochet, surtoute la région méditerranéenne dont l’Europe.
Pour les responsablestant américains qu'européens de par sa situation géographique stratégique auMaghreb et sa longue histoire de lutte contre le terrorisme et l'extrémismeviolent sur son territoire, grâce aux efforts d l’ANP , de toutes les forces de sécurité et sa diplomatie ,l'Algérie constitue un pilier dans la lutte contre le terrorisme, C’est dans cecadre que rentre l’action du G5, dont celui récemment tenu en janvier 2018 à Alger.
Toutes ces actions sécuritaires ont un coût que supportel’Algérie, d’où l’importance de leur mutualisation et d'une coopération étroiteavec les pays limitrophes maghrébins et africains, assistés des renseignementsde l'Europe dont la France et les Etats-Unis d'Amérique, car la menaceterroriste est une menace planétaire.
Dorénavant, la plupart des dirigeants de l'Afrique du Nord,de l'Afrique noire, de l'Europe et des Etats-Unis d'Amérique, y compris laRussie et la Chine, s'accordent dorénavant sur la nécessité de coopérerdavantage face à la menace de l'insécurité et du crime organisé.
Il s'agit de mettrel'accent sur l'obligation de mettre en application une stratégie interrégionalequi associe l'ensemble des pays de la zone, en plus des partenaires européenset internationaux, du fait que la région soit devenue un espace ouvert pour diversmouvements terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d'armesou la drogue, menaçant la sécurité régionale et, par ricochet, l'Europe et lesUSA.
Cela a été mis en relief lors de différentes conférencesrégionales africaines et internationales sur la sécurité régionale, où lesrésolutions stipulent l'urgence d'une coopération tant africaine que mondialedans la lutte contre la criminalité transnationale, nécessitant uneamélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crimetransfrontalier et le terrorisme.
Il est question, donc,de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale desinstitutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l'application deslois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s'adapter auxnouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé.
La collaborationinter-juridictionnelle est ralentie par l'hétérogénéité des systèmesjuridiques, notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. La porosité desfrontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d'agenceschargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. À terme, lastratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informelvers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux lescibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurslégitimes.
C'est dans ce cadre que rentrent les tentatives pourredynamiser le dialogue euro-méditerranéen avec deux initiatives : d'une part,la politique européenne de voisinage, d'autre part, le partenariat stratégiqueentre l'Union européenne d'un côté et la Méditerranée et le Moyen-Orient del'autre afin de freiner l'émigration massive notamment de l'Afriquesubsaharienne avec comme tampon pilier le Maghreb.
Mais pour avoir une efficacité réelle, il s’agira de résoudre les problèmes de développementinterne lié à la bonne gouvernance adaptée aux nouvelles mutations mondiales età la moralité, tant de l’Algérie que du continent Afrique, existant un liendialectique entre sécurité et développement, devant concilier efficacité économique et uneprofonde justice sociale.
(1)-Voir nos deux contributions en arabe sur ce sujet ‘’l’Algérie acteur stratégique au sein de la région méditerranéenne- sécurité et développement’’dans le quotidien gouvernemental Echaâb.