Combien de bateaux en rade au niveau de tous les ports d’Algérie et combien de sorties de devises ? Mais le phénomène n'est pas nouveau, ayant commencé dans les années 1980 (voir audit réalisé sous ma direction pour la présidence de la république en 1982 lorsque j’étais premier conseiller et directeur des études économiques à la Cour des comptes). Ce problème est récurent depuis des décennies ne s’étant attaqué aux apparences et non à l’essence. Au moment où l’Algérie connait des tensions budgétaires, force est de constater malheureusement des coûts et surcoûts exorbitant pour un seul secteur : le transport maritime renvoyant d’ailleurs à l’urgence d’une coordination avec d’autres secteurs de l’économe nationale, coordination qui fait cruellement défaut.
1.-Le transport maritime est le mode de transport le plus utilisé dans le commerce international (75% du commerce mondial en volume transitent par voie maritime) et selon certaines estimations, le transport maritime étant un moyen de transport peu coûteux (vingt à trente fois moins chère que le transport terrestre). Selon le Ministère des transports, plus de 97% des marchandises destinées à l'Algérie passent par les compagnies de transport étrangères. Devant cette emprise étrangère, les armements nationaux de marchandises générales n’assurent que 1,4% du tonnage global des marchandises solides et 1,75% du trafic conteneurs. Selon un ancien cadre de CNAN-Group, la part du transport maritime tournerait autour de 30% . Comme les importations sont évaluées entre 2000/2015 à plus de 600 milliards de dollars, l’estimation du coût maritime supporté par l’Algérie aurait dépassé 200 milliards de dollars. Je pense que ce ratio est exagéré pouvant prendre une fourchette de 10/15%-normes internationales, (au-delà étant des surcoûts incluant la corruption-) ce qui nous donnerait entre 60 et 75 milliards de dollars soit une moyenne annuelle variant entre 4/5 milliards de dollars, ce qui est le montant donné par le Ministre des transports dans une déclaration de 2014. Que propose le parti des travailleurs qui s ‘oppose à cette libéralisation maîtrisée pour réduire les coûts : en réalité rien que des discours et encore des discours au nom de la préservation des intérêts de la rente sous un faux discours « nationaliste » dépassé. Si l'organisation du commerce extérieur relève de la compétence de l'Etat, une question de souveraineté nationale pourquoi alors la quasi-totalité des échanges extérieurs de l’Algérie sont-ils soumis au diktat des armateurs étrangers qui imposent souvent des prix exorbitants qui pèsent lourdement sur l’économie nationale. D’où des surcoûts du transport maritime accentué par le manque de concurrence qui se répercute amplement sur les prix du transport et rend l'Algérie beaucoup moins compétitive en matière d'exportations que, par exemple, le Maroc et la Tunisie.
2.- Aux couts normaux s’ajoutent les surestaries qui sont des indemnités que l'affréteur doit payer au propriétaire du navire, dans un affrètement au voyage, quand le temps de chargement et/ou déchargement dépassent le temps de planche prévu dans le contrat de voyage. Or pour réduire les surestaries, chaque navire qui arrive doit être traité à la minute qui suit son accostage à quai afin d’éviter que l’armateur étranger applique des surestaries que l'Algérie paye chaque année en centaines de millions de dollars à cause des retards dans le déchargement et les séjours en rade. Selon des études internationales disponibles, un conteneur débarqué dans les ports méditerranéens est moins cher qu'un conteneur débarqué en Algérie pour la même distance du port de chargement (malgré les coûts élevés de la main-d’œuvre et de l'énergie), dans ces ports. Selon un rapport Doing Business de la Banque mondiale, le coût moyen d’un conteneur à l’importation est de 858 dollars en Tunisie, de 950 dollars au Maroc, alors qu’en Algérie il s’élève à 1 318 dollars. A l’exportation, le même conteneur coûte en moyenne 733 dollars en Tunisie, 577 dollars au Maroc et pas moins de 1 248 dollars en Algérie, soit un surcoût moyen annuel par rapport aux pays voisins de 400 millions de dollars. Un séjour en rade d'un navire coûte entre 8 000 et 12 000 dollars par jour. Ainsi, la dépense nationale de transport maritime consacrée aux marchandises générales dépasse ainsi tout entendement. Ces surcoûts entravent tout effort de compétitivité des entreprises nationales, notamment celles désirant un développement à l’exportation, et épongent les trésoreries des entreprises importatrices qui paient beaucoup plus cher le transport de leur marchandise, ce qui se répercute sur le produit final donc le consommateur algérien.
3. - Aussi, face à cet état des lieux assez inquiétant, avec la baisse drastique du cours des hydrocarbures, il est souhaitable que les pouvoirs publics déverrouillent le dispositif juridique actuel en encourageant l’initiative du privé national à travers des mesures incitatives leurs permettant d’investir plus aisément dans ce créneau qui n’est pas stratégique, passant par l’assouplissement de l’article 649 du code maritime. Il est entendu qu’il s’agit de ne pas toucher aux secteurs stratégiques , qu’il s’agit de définir avec précisions, donc d’alléger la règle des 49/51% aux PMI/PME, et de lever toutes les contraintes d’investissement à tous les secteurs de l’activité nationale. Pour rappel, l’article 649 du code maritime algérien précise que « les activités d’affrètement de navires peuvent être exercées par toute personne physique de nationalité algérienne ou toute personne morale de droit algérien ayant la qualité d’armateur et dont le centre principal d’activités se trouve sur le territoire national ». Cet article ambiguë qui exclut d’autres investisseurs, rend difficile à ce qu’un opérateur algérien soit mesure d’affréter les navires à la condition de posséder un navire laissant la liberté aux fouisseurs étrangers qui le font à travers des courtiers et touchant des commissions allant de 2.5% à 3.75%. Il est utile de rappeler que le ministre des Transport a affirmé récemment que de nouvelles mesures seront appliquées dans les ports commerciaux pour faciliter et augmenter l'exportation hors hydrocarbures qui ne représente que 10% du volume global transitant par les ports. En 2015, 42 millions de tonnes de marchandises importées ont transité par les 10 ports commerciaux de l'Algérie contre 5 millions de tonnes seulement de produits exportés. Selon le Ministre pour 2015, les produits importés représentent 90% de la marchandise ayant transité par les ports sans compter le fret aérien et routier. L’ objectif est de dynamiser les ports secs qui jouent un rôle important, d'augmenter le volume de marchandises traité à l'export de 10% chaque année d'ici 2019 et pour réaliser cet objectif, il faudrait réduire de 50% le temps du traitement et d'attente des bateaux en rade", qui coûtent énormément au Trésor public, d’agir sur le coût du transport et de la logistique de la marchandise, qualifié de "désastre" par le Ministre ce coût représentant en Algérie 30% de la valeur du produit alors qu'ils varient, selon les normes internationales, entre 15 et 18%. Uniquement pour les 10 mois de 2015, le coût de a logistique a atteint 3,4 milliards de dollars pour le transport maritime, influant directement sur le prix final de la marchandise et diminuent la compétitivité du produit algérien sur les marchés internationaux.
4.-A court terme, afin d’alléger les surestaries, une panification stratégique spatiale pour optimaliser tous les ports doit être mise en œuvre ainsi qu’une coopération entre l’Etat Major de la marine militaire (coopération payante au profit d l’ANP) qui a acquis une expérience appréciable et civile, tout en prenant les précautions de sécurité : par exemple le port militaire de Mers El Khébir ou d’autre sports militaires. Mais à terme, misant sur le développement, l’investissement dans le transport maritime, poumon de la croissance s’impose car le recours au pavillon étranger pour le transport de marchandises a couté entre 2010/2015 à l'Algérie un cout annuel entre quatre et cinq milliards de dollars, pouvant tisser des partenariats gagnant/gagnant avec les armateurs étrangers, évitant toujours l’investissement public pour la CNAN qui croule sous les dettes. Ainsi, sur fonds public, il était prévu avant la crise financière l'acquisition de 18 navires (parmi les 18 navires, figurant un bateau de transport de voyageurs, d'une capacité de 2.000 voyageurs et de 700 véhicules) dans le cadre du renforcement des échanges commerciaux, opération qui devait permettre d'atteindre pour la CNAN une part de marché de 20% dès 2016, étant prévu 35% horizon 2020 pour une enveloppe d'un milliard de dollars. Comme il est prévu un grand port, le port d’El Hamdania, près de la ville de Cherchell, disposant de 23 quais d’une capacité annuelle de traitement de 6,5 millions de conteneurs et de 25,7 millions tonnes de marchandises, avec un trafic global en vitesse de croisière de 40 millions de tonne en plus du transbordement du trafic international, la durée des travaux ayant été ramenée de 10 à sept ans. Le financement de ce port devrait se faire selon certaines déclarations à vérifier, grâce aux banques chinoises, l’emprunt étant de l’ordre de 3,5 milliards de dollars et par étapes selon l’ambassadeur de Chine en Algérie.
5.- Pour le cas précis du transport maritime , mais qui concerne la majorité des autres secteurs, face à la chute du cours des hydrocarbures, avec des coûts et surcoûts exorbitants, il s’agit de revoir le management stratégique des transports et de mobiliser toutes les énergies créatrices afin de s’adapter à la nouvelle constitution qui stipule clairement, la liberté d’entreprendre, de ne plus faire de distinction entre secteur privé local ou international et secteur d’Etat créateur de richesses. A court terme, s’impose une réorganisation managériale du transport maritime comme s’impose de revoir la gestion des ressources humaines notamment la fonction du docker qui ne saurait être un fonctionnaire d’autant plus que l’Algérie avec ses jours de repos vendredi et samedi ne s’adaptant pas aux normes internationales du commerce international. .Au moment où l’Algérie connait des tensions budgétaires avec les incidences de baisse du cours des hydrocarbures, il s’agit de mobiliser toutes les énergies créatrices créateur de richesses et de manière générale de lever toutes les contraintes d’investissement à tous les secteurs de l’activité nationale, cela ne signifiant en aucune mère manière la fin de l’Etat qui a une importante mission tant que régulateur stratégique. La rationalisation budgétaire ciblée englobée au sein d’une vision cohérente du développement devient une urgence de l’heure car relevant de la sécurité nationale. Pas de discours de sinistrose mais également pas de discours d’autosatisfaction qui peuvent conduire au scénario vénézuélien en faillite et au FMI horizon 2018/2019, ce qu’aucun patriote algérien ne souhaite. Attention à cette vison démagogique, nous maîtrisons la situation, le montage de voitures, dont les capacités ne répondent pas aux normes internationales, la renationalisation d’El Hadjar qui devait être opérationnel en 2015 selon les promesses du Ministre, véritable gouffre financier, les exportations de phosphate et du fer comme substitut aux hydrocarbures et nous allons économiser 30 milliards de dollars dans trois oui quatre ans ce qui fait sourire la majorité j des experts nationaux et internationaux, car pour une exportation annuelle de trois millions de tonnes chacun pour ces deux produits à l’état brut , cela ne dépasserait pas un milliard de dollars de recettes ( voir notre contribution www.algerie1.com juillet 2016) . Toutes ces promesses utopiques déconnectées des réalités locales et internationales induisent en erreur le Président de la République et les plus hautes autorités du pays.
Professeur des Universités, expert international en management stratégique, Dr Abderrahmane MEBTOUL