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Ce qui ressort de la première rencontre entre Donald Trump et Benyamin Netanyahu à la Maison Blanche

16-02-2017 15:14  Amine Bouali

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a effectué, hier mercredi 15 février, sa première visite officielle à Washington depuis l'investiture du nouveau Président américain Donald Trump. Une conférence de presse a clôturé cette rencontre (évidemment très chaleureuse, comme l'ont rapporté les médias) et elle devait offrir l'opportunité au successeur du Président Barack Obama de clarifier sa position vis-à-vis du conflit israélo-palestinien.

Mais apparemment peine perdue puisque le Président américain a "botté en touche" en déclarant que "la nouvelle  administration américaine n'est pas focalisée par la solution à deux États", une solution qui bénéficie pourtant d'un consensus au sein de la communauté internationale. "Il y a eu deux États, il y a eu un État, moi j'aime l'idée que les deux parties aimeront, moi je peux vivre avec les deux solutions. Je pensais un moment que deux États, ça pouvait être la meilleure solution, mais si Bibi (Benyamin Netanyahu-NDLR) et si les Israéliens et les Palestiniens sont contents, moi je suis content avec ce qu'ils préféreront. Pour ce qui est du déplacement de l'ambassade américaine à Jérusalem, j'aimerais bien que ça se fasse, nous considérons cela avec beaucoup d'attention, et nous allons examiner la question très soigneusement".

Au delà du ton particulièrement amical du nouveau Président américain envers son hôte israélien (qui tranche avec la "réserve un peu glaciale" de son prédécesseur à la Maison Blanche, le Président Obama, avec ce même Netanyahu) le registre de son discours "qui n'est pas du tout présidentiel" a été souligné par beaucoup d'observateurs. "On se demande si ses déclarations ont été préparées à l'avance. En tout cas, il y a une façon de s'exprimer qui n'est pas vraiment usuelle pour un Président des Etats-Unis" ont remarqué nombre de journalistes habitués aux formules parfois alambiquées mais toujours maîtrisées des diplomates et responsables politiques de haut rang.

En ce qui concerne le fond, selon un analyste de la chaine de télévision franco-israélienne I24 News "il y a eu déjà des petits signaux qui laissaient penser que les Américains ne voulaient plus exercer de pressions sur les Israéliens pour imposer une solution à deux États. Le problème alors, c'est quelle est l'autre solution? Et là, il n y'a pas eu de réponse de Donald Trump. Personne aujourd'hui, en dehors des marges politiques radicales, ne parle d'une solution à un État qui irait de la Méditerranée au Jourdain. Cette solution est écartée par tous les interlocuteurs sérieux. Donc il reste la solution à deux États. Est-ce qu'elle est valable, encore réalisable aujourd'hui? Là-dessus, rien n'a été dit, lors de cette conférence de presse d'hier à Washington".

Si la droite israélienne radicale se réjouit et décrit "ce jour du mercredi 15 février comme le plus important pour ceux qui aiment Israël", les opposants à la politique de  Netanyahu s'inquiètent, comme cet ancien ambassadeur d'Israël à Washington, qui, interviewé sur la même chaine de télévision I24 News, souligne que si "la solution à deux États n'a pas été célébrée hier à la Maison Blanche, elle n'a pas été écartée non plus! Il ne faut pas se précipiter, il faut laisser à Donald Trump le temps nécessaire, car il est un novice en matière d'affaires internationales et en particulier sur le dossier du Proche-Orient. Il doit accumuler une certaine expérience, prendre du recul. On le voit déjà à ses positions changeantes sur la question des implantations israéliennes. Alors que la droite radicale israélienne pensait, avec un triomphalisme outrancier, que tout était permis, qu'on pouvait annexer, Donald Trump invite Israël à un peu plus de retenue ("Concernant les implantations, j'aimerais bien que vous les arrêtiez un petit peu, un moment. On va trouver un bon accord, je pense!" a déclaré le Président américain à son hôte israélien, dans un style familier mais surprenant). "Je pense que si Donald Trump ne le dit pas clairement, dans cette conférence de presse, très certainement, en tête-à-tête, il a dû confier à Benyamin Netanyahu qu'il n'a pas renoncé à cette solution à deux États" a conclu l'ancien diplomate israélien qui est favorable à une solution de paix et à deux États avec les Palestiniens.

À Ramallah, la dirigeante de l'OLP, Hanane Achraoui, a réagi immédiatement en déclarant que "cet entretien extrêmement chaleureux entre le Président américain et Benyamin Netanyahu n'augure rien de bon. Concernant l'idée qu'il pouvait y avoir une alternative à la solution à deux États, on peut dire que c'est une ineptie. Ce changement de stratégie de la part de l'administration américaine n'a aucun sens et n'a d'autre but que de conforter la coalition extrémiste de Netanyahu".

Saeb Erekat, le secrétaire général de l'OLP, a, quant à lui, suggéré que si "l'administration américaine envisage une autre solution que celle des deux États. Alors, moi j'ai la solution, c'est celle d'un État laïque où vivraient chrétiens, juifs et musulmans, en communauté et dans la paix" (sous-entendu : plus d'Etat juif ! ce qui va à l'encontre de la revendication de tous les responsables de l'Etat sioniste concernant le statut juridique et politique de celui-ci).

Lors de sa rencontre d'hier avec le Président Donald Trump, le Premier ministre israélien a réitéré sa préférence à une initiative de paix arabe pour résoudre le conflit au Proche-Orient. "Cette solution régionale n'a qu'un objectif, selon un dirigeant palestinien, c'est celui d'améliorer les relations entre Israël et certains pays arabes, et absolument pas celui d'une recherche de la paix entre Israéliens et Palestiniens. Sinon pourquoi Netanyahu n'a pas participé à la Conférence de Paris sur la paix au Proche-Orient, le 15 janvier dernier, où des dizaines de pays étaient pourtant représentés"

Devant le changement annoncé de la politique américaine au Proche-Orient, le Président de la Palestine, Mahmoud Abbas a, selon plusieurs médias internationaux, fait part de son inquiétude, lors de deux rencontres secrètes qu'il a tenues récemment avec le nouveau directeur de la CIA, John Brennan, en tournée dans la région.

Selon un universitaire israélien du camps de la Paix, interviewé par I24 News, "les Palestiniens ne sont pas hostiles à une initiative régionale mais ils se réfèrent à l'initiative saoudienne qui a été proposée en 2002, à Beyrouth. Pour avoir rencontré Abu Mazen (le Président de la Palestine Mahmoud Abbas-NDLR) à Ramallah, il y a moins d'un an, un dépliant avec le texte de l'initiative saoudienne, a été distribué à cette occasion, et Abu Mazen nous a déclaré: "Ayons la paix et Israël sera reconnu par les 57 États de l'Organisation de la conférence islamique!". Donc les Palestiniens ne sont pas contre une avancée régionale. Mais elle n'est pas conçue ainsi par Netanyahu. Ce dernier ne cherche qu'une solution à petits pas avec certains pays arabes qui seraient sensibles à une alliance avec, comme arrière-plan, la "neutralisation" de l'Iran notamment. Mais la Ligue Arabe et l'Organisation de la conférence islamique ne voient pas les choses de cet œil, et cela n'a aucune chance d'aboutir. Je pense que ni l'Arabie Saoudite ni le Qatar ni d'autres pays arabes modérés ne sont "dans la poche" de Netanyahu comme il le laisse parfois entendre. S'il y a un devoir que le Premier ministre israélien actuel devrait accomplir, au delà de la belle conférence de presse de ce mercredi à Washington, c'est de dire exactement, et d'abord aux Israéliens eux-mêmes, qu'elle est sa vision de la paix pour régler le conflit du Proche-Orient".



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