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Budget MDN et équipements militaires de l’ANP : un débat d’hypocrites

21-02-2017 10:56  Contribution

Par Mounir.B

Plusieurs agences de de Monitoring de Défense, liées aux lobbys militaires occidentaux, s’inquiètent de la stratégie de l’armée algérienne, aussi bien sur les acquisitions d’équipements militaires que sur son budget défense. Qu’en est-il réellement ?

Après les « inquiétudes » de la Jane’s Information Group, qui épouse les préoccupations discrètes des états-majors OTAN sur les capacités militaires Algériennes, c’est au tour de  l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI)  qui s’offusque que : « L’Algérie est le plus grand importateur d’armes en Afrique avec 46% des importations dans la région ».

Les sécuritaro-sceptiques européens et leurs relais Algériens, toujours aussi prompts à questionner l’Armée Algérienne semblent avoir trouvé un nouveau filon. Après le « Qui tue Qui ? » des années 90, la nouvelle approche est de présenter l’Algérie comme le nouvel « Irak du Maghreb » avec les conséquences que l’on connait.

Les experts sérieux savent que le terme de « puissance militaire » (régionale dans le cas de l’Algérie au Maghreb et en Afrique) est déterminé par deux facteurs essentiels : la taille de cette armée et sa compétence. Pour acquérir ce rang de « puissance », ce n’est pas tant le fait d’acheter des armes à tout va, comme on veut le faire accréditer, mais de faire converger ces deux facteurs : des effectifs de qualités additionnés à un armement de qualité. C’est le pari de l’ANP depuis l’avènement du terrorisme. Pour se faire, certains veulent réduire l’armée algérienne à ce qu’on appelle une « stratégie de moyens » alors que les raisons de ce réarmement sont beaucoup plus complexes.

De quoi s’agit-il en fait ? La question forcément saugrenue du Budget de la Défense Nationale est intéressante à noter. Jane’s Group ou le SIPRI évoquent 500 milliards de dinars en 2011 à plus de 1000 milliards ces dernières années, représentant plus de 5% du PIB.  En fait, le ratio PIB de l’Algérie en dépenses militaires est de 6,5% en 2015 accordant les données de la Banque Mondiale. Bien loin des 13,5% de l’Arabie Saoudite et un peu supérieur à celui d’Israël 5,1% et inférieur aux 7,8% de l’Irak.

D’abord, prenons un cas de comparaison entre l’Algérie et de l’Arabie Saoudite pour faire comprendre que « la stratégie des moyens » diffère d’un pays à un autre et qu’on ne devient pas « puissance régionale » par un claquement des doigts. Le réarmement Saoudien est incomparable en importance à l’Algérie par le volume de son enveloppe financière et de par la densité des équipements achetés.

De l’ordre de 1 à 4 en faveur de Ryad. Mais l’Arabie Saoudite ne peut prétendre au statut de « puissance militaire Régionale » car elle ne possède pas, comme l’Algérie, un personnel militaire qualifié et des cadres strictement Nationaux, à même de faire fonctionner ces équipements. Ryad doit se tourner vers une expertise étrangère –donc non souveraine- pour faire marcher ses gadgets. On le voit avec acuité sur le théâtre d’opérations au Yémen. Un abandon de souveraineté impossible dans le cas Algérien et encore moins sur le théâtre d’opération Libyen.

Ensuite,  il faudra s’attarder sur les raisons de ce rééquipement que des esprits chagrins attribuent à la seule concurrence Marocaine et à une escalade de moyens avec nos voisins. Il faudra rappeler que l’ANP a subi de plein fouet la crise économique des années 90, concomitante à la montée du terrorisme.

L’Armée algérienne a vu son programme d’équipements ralenti , pour ne pas dire abandonner, et elle a dû  faire face à la menace avec très peu d’outils. C’est l’autre miracle algérien qui consistait  à combattre une nouvelle menace –asymétrique- avec les moyens du bord. Sans ressources financières et « sans une seule balle vendue » (dixit Ouyahia).

L’Algérie a également dû se contenter d’équipements militaires tactiques et non stratégiques. A savoir, un équipement conçu pour répondre graduellement au terrorisme et pour se procurer un avantage sur le terrain des opérations. Si ces équipements (vision nocturne, sac à dos, gilets par balles, vêtements adaptés, transmissions…) malgré leur modestie par rapport aux avions, navires, Radars et autres lance-missiles, semblent modestes dans leurs couts, ils avaient considérablement greffé le budget de la défense face à une menace qui a duré plus de 20 ans et qui dure encore. Surtout que l’Armée Algérienne n’a profité de l’embellie financière qu’à la mi-2000 à l’initiative du Président de la République.

Enfin, il y a la réalité du terrain. Les menaces qui entourent l’Algérie forment sept foyers d’instabilité chronique. La bande Sahélo-Sahélienne, le GSPC-AQMI et ses satellites MUJAO et BOKO HARAM, la pénétration des terroristes depuis la Tunisie, le risque sécuritaire posé par les migrants (cas d’infiltrations), l’instabilité aux frontières avec le Maroc et ses pendants de narcotrafic, la nouvelle présence de DAESH dans la région et sa militarisation et bien sûr le casse-tête libyen. Tout cela si l’on élimine de l’équation la contrebande et le crime économique, menace tout aussi destructrice pour la Nation.

Cette explosion des menaces multiformes a des incidences sérieuses sur le budget de la défense et oblige l’ANP à des réajustements et adaptations annuelles voire mensuelles. Cette mise à niveau constante, au-delà du programme de modernisation des équipements nécessaires et arrivés à bout de cycle, oblige l’Algérie à tenir la cadence financière sans qu’elle soit tributaire, comme le cas de l’armée Egyptienne, d’aides militaires étrangères.

Et c’est tout de même tragi-comique que les mêmes forces de l’OTAN qui ont décidé d’attaquer et démanteler la Lybie, s’interrogent, via leurs agences de monitoring, pourquoi l’Algérie, pays frontalier de 6000 Km avec la Lybie, a subitement décidé d’augmenter son budget de défense. Au lieu de s’interroger sur la question : combien coûte le chaos libyen ?

Pour l’armée Algérienne déjà en retard sur ses programmes de réarmements, si on la compare à l’Afrique du Sud (puissance productrice avec Denel), le Nigeria ou l’Angola, doit également faire face à un cauchemar logistique quotidien afin d’assurer la pérennité des frontières et ce, sans un seul euro des mêmes puissances qui ont plongé  la région dans le Mannheim.

Ainsi,  le budget de la défense est non seulement justifié mais disons-le, à notre avis, insuffisant. Il  est en deçà de ce qu’il devrait être ,au regard des raisons déjà énumérées. L’Algérie a eu à faire face toute seule à toutes ces dépenses militaires dont le citoyen algérien est le premier contributeur. Et on n’osera jamais demander  au citoyen algérien qu’el est le prix de sa sécurité et le fait qu’il soit fier de vivre dans un pays stable.

Mais au-delà de l’argument moral, ces agences de Monitoring, auraient été complétement honnêtes si elles se posaient la question réelle et qui vaut le détour : et si l’Algérie s’équipait juste pour protéger ses ressources naturelles?  Les cas Irakien et Libyen ont démontré que l’augmentation des dépenses sécuritaires est intimement liée à celles des découvertes en matières premières (minerais de valeur, gaz, Pétrole, gisements).

L’ANP est une armée professionnelle dont la lutte anti-terroriste n’est qu’un aspect de la défense nationale. Reprocher à l’ANP de s’équiper, c’est la priver, purement et simplement, de toute capacité de défense « constitutionnelle » face aux menaces conventionnelles ou asymétriques. Cela équivaut à remettre en cause son devoir légal et légitime de protection et sauvegarde du territoire. L’ANP doit-elle n’acheter que des arbalètes pour faire plaisir à ces agences !

Mounir.B


Journaliste spécialisé dans les questions sécuritaires



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