Il y a des chiffres qui peuvent résumer des kilomètres de discours politique creux. Et ceux livrés ce matin à la radio chaine III par le directeur général de la recherche et du développement technologique au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Abdelhafid Aourag sont tout simplement décapants.
On y apprend en effet que le nombre de brevets d’invention réellement exploités en Algérie ne dépasse pas 0,1% d'une centaine de brevets délivrés annuellement.
"Une centaine de brevets sont délivrés annuellement en Algérie, mais en terme d'exploitation, 0,1% seulement le sont réellement", a-t-il certifié.
Une telle révélation aurait eu l’effet d’une bombe sous d’autres latitudes. Il ne fait pas plaisir en effet de savoir que ses chercheurs réussissent des inventions mais que ces dernières ne servent à rien parce que les autorités n’accompagnent pas ces petits génies dans leurs travail.
Le responsable du ministère a tôt fait de jeter la pierre aux "acteurs socio-économiques". Exit donc la responsabilité de son ministère et autres structures de l’Etat qui ont pourtant les possibilités et les moyens d’accompagner les inventeurs dans la concrétisation des projets d’utilité publique et de développement économique.
0,1% des brevets de recherches exploités
Il est bien commode de se laver les mains pour un tel gâchis alors que ce responsable sait très bien que l’économie algérienne n’obéit pas aux normes universelles par ce que trop marquée par sa nature rentière.
"Quelle est la finalité d'un brevet qui reste en tiroir ?" s'est interrogé à juste titre M. Aourag. Mais la réponse est dans la question. L’économie nationale basée sur la rente n’a pas besoin, selon les responsables, d’une recherche développement, de stat up et autre incubateurs de la performance et de la compétitivité.
Le directeur de la recherche a incité les investisseurs a surpasser leurs "complexe" vis a vis des chercheurs algériens qui "ont prouvé leurs compétences".
"Il faut qu'on fasse confiance au chercheur algérien qui a démontré ses capacités ainsi qu'à son produit", a insisté. Mais la réalité est que le problème est moins la méfiance vis-à-vis du chercheur algérien que la complexité de l’acte d’investir en Algérie.
La rente a tué la créativité
Il faut avoir des nerfs suffisamment solides pour supporter les nombreuses embûches dressées devant les investisseurs. C’est pourquoi, même ces chercheurs gardent leurs brevets dans les tiroirs et préfèrent s’investir dans des créneaux porteurs à moindres frais à et à moindres efforts aussi.
La malheureuse expérience de l’ANSEJ qui a transformé nos jeunes en conducteurs de fourgons est à cet égard significative de l’absence de vision économique à long terme.
Dur est M.Aourag avoue lui-même que même les chercheurs algériens à l'étranger rechignent à s’investir en Algérie "sur les 5.000 chercheurs qui exercent dans des universités et des centres de recherches étrangers, il n y a qu'une centaine seulement qui participent réellement à l'effort national", révèle-t-il.
En tout état de cause, l’Algérien n’est pas spécialement fainéant ni stérile à la créativité. Mais il lui faut un minimum de considération et d’aide pour sortir ses idées des tiroirs.