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Bataille compliquée au sud de la Syrie : l’interférence israélienne met en danger les forces américaines

28-06-2018 21:37  Médias

La bataille engagée par l’armée syrienne et ses alliés au sud de la Syrie est l’une des plus compliquées qui soient en sept ans de guerre imposée au Levant.

Le début de la bataille et la décision de Damas d’aller de l’avant, quoi qu’en dise Israël, ont été largement abordés en exclusivité dans des articles déjà parus. Cette bataille ne se terminera pas de sitôt et c’est pour cette raison que les parties concernées ont décidé de la livrer en deux étapes et de retarder la seconde, plus compliquée du fait de sa proximité avec Israël, afin de permettre aux deux superpuissances de poursuivre leur « brainstorming ».

La première étape de la bataille du sud a été convenue entre la Russie et les USA, Washington n’y voyant pas d’inconvénient. Elle concerne la province de Souweïda et l’est et le nord-est de la région rurale de Daraa, en vue de la réouverture de la frontière avec la Jordanie.

La seconde étape est toujours en suspens. Elle concerne une région bordant la Jordanie d’une part, et les hauteurs du Golan occupé par Israël d’autre part, dans la province de Quneitra. Mais il faut bien garder à l’esprit une chose (qui complique encore plus la situation) : à aucun moment et en aucun cas la Russie n’a accepté d’éviter de frapper Daech, al-Qaeda et tout autre groupe djihadiste. Les Russes n’ont jamais été parties prenantes à aucun accord lié au territoire syrien, y compris à Idlib où Al-Qaïda et les djihadistes ont été confiés à la garde de la Turquie, chargée de les démanteler, sans quoi ils seront attaqués par la Russie, une fois l’opération dans le sud en cours terminée.

Moscou s’est promis de détruire et d’éliminer les groupes terroristes pour assurer sa propre sécurité, en raison de la présence de nombreux djihadistes de nationalité russe en Syrie. La crainte de leur prolifération et de leur retour dans leur pays d’origine constituait l’une des raisons principales ayant amené la Russie à intervenir au Levant en septembre 2015.

Damas et Moscou n’hésiteront jamais à éliminer Daech et Al-Qaïda à Quneitra, que les USA et Israël le veuillent ou non. Les militants mandataires de l’Arabie Saoudite et des USA se trouvent bien sûr mêlés aux djihadistes dans la zone opérationnelle militaire où la bataille est livrée. Mais il ne sera possible de les épargner que s’ils se détachent de ceux qui sont qualifiés de groupes terroristes même par le département d’État des USA.

Des commandants sur le terrain à Deraa ont affirmé que « les USA et la Russie s’entendent sur la présence de la police militaire russe à la frontière avec la Jordanie et dans le secteur sud après sa libération (première étape). Une fois la bataille terminée et la victoire de l’armée syrienne acquise (qui ne fait aucun doute puisque les djihadistes et les rebelles, en proie à la panique, abandonnent les villages en résistant à peine), la route commerciale terrestre entre le Liban, la Syrie et la Jordanie sera de nouveau utilisée pour transporter comme avant et en toute sécurité des biens en direction du Golfe. Cette route qui passe par les postes-frontière de Masnaa (entre le Liban et la Syrie) et de Nassib (entre la Syrie et la Jordanie) représente une source de revenus substantielle pour le Liban, la Syrie et la Jordanie ».

Cette première étape de la bataille en cours depuis quelques jours au sud de la Syrie ne représente aucun danger immédiat pour Israël se trouvant pas très loin, qui fait pourtant tout son possible pour empêcher l’armée syrienne de reprendre ce qui constitue un territoire syrien et de se rapprocher des hauteurs du Golan occupé.

Même si la zone où la guerre fait rage aujourd’hui est sans importance pour Israël, la situation sape profondément le moral des djihadistes (y compris ceux du groupe auparavant connu sous le nom de front al-Nosra, formé d’anciens militants de Daech qui se sont métamorphosés en franchise d’AQ en Syrie jusqu’en 2017) que la CIA et les forces spéciales britanniques ont financés, entraînés et armés pendant des années en Jordanie. Ces combattants sont aujourd’hui pleinement conscients que les USA les abandonneront et se débarrasseront d’eux sans sourciller lorsqu’ils ne serviront plus les intérêts des USA et d’Israël.
En effet, plus de 50 groupes locaux (y compris ceux que finance directement l’Arabie Saoudite) ont perdu tout espoir de parvenir à un changement de régime à Damas et d’empêcher la création d’un gouvernement central fort et la reconstruction de l’armée syrienne.

La seconde étape, qui concerne des militants de Daech (plus de 1 500 terroristes de Jaïsh Khaled Bin al-Walid), du front al Nosra (qui a pris le nom de Hayat Tahrir al-Cham) et leurs alliés locaux, est beaucoup plus délicate parce qu’elle jouxte les hauteurs du Golan occupé et fait retentir les sonnettes d’alarme israéliennes.

Peu avant la fin de la dernière année, les présidents Vladimir Poutine et Donald Trump ont convenu de créer une zone de désescalade au sud de la Syrie pour tenir compte des intérêts d’Israël. Il était alors dans l’intérêt de la Russie et de Damas de calmer le jeu sur la plupart des fronts et de réduire la pression sur l’armée syrienne, qui était engagée sur de nombreux fronts en même temps contre Daech, Al-Qaïda et les mandataires pro-saoudiens, pro-turcs et pro-américains.

Aujourd’hui, le patron à Moscou a convaincu l’occupant de la Maison-Blanche d’avaler un « somnifère » et de diviser la phase opérationnelle en deux au sud de la Syrie, malgré la réprobation d’Israël, en imposant son propre tempo. La seconde étape devrait faire l’objet de négociations lors de la réunion Poutine-Trump prévue à la mi-juillet, juste après le sommet de l’OTAN à Bruxelles, tant que les djihadistes s’abstiennent d’attaquer l’armée syrienne.

Il ne fait aucun doute qu’Israël suit une politique que les USA mettent en œuvre la plupart du temps même si aucun intérêt national américain n’est en jeu, comme c’est le cas à Quneitra. La politique israélo-américaine consiste à empêcher que le gouvernement central à Damas reprenne le contrôle du territoire syrien occupé par les terroristes et leurs alliés. Israël a déclaré et confirmé à de nombreuses reprises qu’il préfère la présence de Daech et d’al-Qaeda à sa frontière, en leur offrant son soutien même s’ils figurent sur la liste des groupes terroristes dressée par les USA.

En ce qui concerne l’Iran et le Hezbollah libanais, même s’ils participent à la bataille de Daraa, leur présence ne sera pas nécessaire à Quneitra (après avoir défait les djihadistes) et à la limite des hauteurs du Golan occupé du côté syrien. Ils se trouvent déjà à Beit Jin du côté libanais et exercent un contrôle direct à proximité des fermes de Chebaa occupées au Liban. Il n’en demeure pas moins que la présence de djihadistes wahhabites takfiris à la frontière israélo-syrienne représente, du point de vue de Tel-Aviv, un facteur de sécurité pour l’armée israélienne. Israël préférerait ne pas voir l’État syrien se rétablir et éliminer tous les terroristes et djihadistes.

« Israël joue avec le feu, a affirmé la source à Deraa, sans se soucier du risque d’entraîner les USA vers une confrontation directe. Lundi soir, Israël a largué des bombes à proximité de l’aéroport de Damas juste pour signaler sa présence au gouvernement central syrien et dire qu’il peut encore brouiller les cartes en Syrie en frappant n’importe où sans avertir (et sans objectif stratégique), et que, par conséquent, ses intérêts devraient être pris en compte. »

Israël provoque l’Iran et ses alliés non seulement en Syrie : il fait pareil avec les forces de sécurité irakiennes pour qu’elles ouvrent le feu sur des soldats américains basés en Syrie et en Irak. La semaine dernière, des avions non identifiés, que des sources au sein du commandement ont affirmé être israéliens plutôt qu’américains, ont bombardé le poste de commandement et de contrôle de la sécurité irakien à la frontière irako-syrienne, détruisant ainsi plusieurs bâtiments et tuant 22 soldats et commandants.

En fait, les Hachd al-Chaabi (les Unités de mobilisation populaire), qui ont intégré les ministères irakiens de l’Intérieur et de la Défense en 2017, ont accusé les USA de les avoir bombardés (les USA contrôlent le ciel au-dessus de toute la zone entre la Syrie et l’Irak) en criant vengeance. Le centre de commandement et de contrôle surveille les mouvements des militants de Daech quotidiennement pour les empêcher de traverser en Irak. En réponse à l’attaque israélienne, Bagdad a ordonné le déploiement de plus de troupes à la frontière, par crainte d’une tentative, par les USA et Israël, d’ouvrir une brèche pour permettre à Daech de s’infiltrer en Mésopotamie. À l’heure actuelle, des milliers de militants de Daech jouissent de la protection des forces US au nord-est de la Syrie, dans les provinces d’Hassaké et de Deir Ezzor, où sont déployées aussi des forces spéciales françaises et britanniques.

Loin d’être une « théorie du complot », les USA protègent vraiment Daech au nord-est tandis qu’Israël protège Daech et d’autres djihadistes au sud. Ces deux pays empêchent l’éradication des djihadistes terroristes et la libération, par l’armée syrienne, de son propre territoire. Dans l’intervalle, la Russie marche au milieu d’un champ de mines, comme si la « guerre contre la terreur » ne concernait que Moscou, Téhéran, Damas et leurs alliés, sans préoccuper outre mesure Israël et les USA.

Les USA ne veulent pas abandonner le passage frontalier avec l’Irak d’al-Tanf qu’ils occupent, comme le demande Damas. Cela fait l’affaire de Washington de voir Daech s’en prendre à l’armée syrienne et à ses alliés au seul poste frontalier disponible entre la Syrie et l’Irak à al-Qaem. Les USA et Israël préféreraient voir la Syrie à genoux, incapable de se relever économiquement, et voir Daech mener une insurrection en Irak, qui ne manquerait pas de déstabiliser la Mésopotamie.

Cette situation nous ramène à la période d’insurrection et de résistance contre les forces d’occupation US en 2003, lorsque l’Iran possédait (et possède encore plus aujourd’hui) la confiance nécessaire pour pousser ses alliés à s’en prendre aux forces US en Irak, surtout en période d’instabilité politique comme c’est le cas aujourd’hui, à la suite des élections parlementaires irakiennes.
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C’est comme si les USA ne tirent aucune leçon des expériences passées. Washington a jeté le gant. Lorsque des politiciens américains utilisent des terroristes à leur avantage et à celui de leurs alliés au Moyen-Orient (tout particulièrement Israël), la morale et l’éthique en prennent pour leur rhume et il n’y a plus de limites. Les forces US et leur sécurité pourraient ainsi se retrouver sérieusement en danger en Syrie et en Irak.

Par Elijah J. Magnier



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