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Banque d’Algérie/Banque mondiale au sujet des réserves de change : éviter les fausses solutions

15-08-2016 16:04  Contribution

La banque mondiale prévoit, dans un rapport global pour la région MENA de fin juillet 2016, des réserves de change courant 2018, de 60 milliards de dollars pour l'Algérie. Le 08 août 2016, le quotidien The Independent a une vision alarmiste déclarant que : « l'Algérie risque la faillite dans moins de cinq ans». Le 09 août 2016, le FMI moins pessimiste, note que le pays a devant lui « une occasion exceptionnelle de se concentrer sur la mise en œuvre de ces réformes essentielles et de refaçonner ainsi son économie sur un modèle plus pérenne, plutôt que de rester tributaire de réserves pétrolières qui risquent d’être épuisées d’ici vingt ans ».

Le FMI conseille au gouvernement d’accélérer les reformes de structures comme condition d’une économie diversifiée, ne devant pas compter sur un retour d’un cours du baril à plus de 70 dollars, faute de quoi le pays vers 2020 devrait connaitre des tensions économiques et sociales. Ainsi selon le FMI, l’Algérie peut s’en sortir mais sous certaines conditions dont la moralisation de la société, la débureaucratisation de l'économie et le développement des libertés permettant l'épanouissement de toutes les énergies créatrices. Pour le FMI et la banque mondiale, l’Algérie ne peut continuer à fonctionner entre 2017 et 2020 sur la base d’un cours à 110/120 dollars comme entre 2013/2015 et à 85/90 dollars selon le FMI comme en 2016. Si le cours fluctue entre 45/50 dollars, le risque est l’épuisement du fonds de régulation des recettes début 2017 et comme conséquence immédiate un amenuisement des réserves de change avec un déficit croissant source de tensions économiques et sociales et un dérapage accéléré du dinar officiel qui atténue artificiellement le déficit budgétaire.

En réaction au rapport publié par la Banque mondiale (BM) sur la région Mena, la Banque d’Algérie (BA-15 août 2016) a assuré, que le niveau des réserves de change à fin 2018 sera « nettement supérieur » à celui des 60 milliards de dollars avancé récemment par la BM en raison des effets de la consolidation budgétaire et d’un retour à la croissance . Pour la banque d’Algérie, la projection de la BM situant les réserves de change en 2018 à 60 milliards repose sur la seule donnée que le prix du pétrole devrait osciller entre 41 et 60 dollars entre 2016 et 2018, à 36,6 dollars le baril en 2016, 42,8 dollars en 2017 et 46 dollars en 2018. Dans ce cadre, les réserves de change pour la banque d’Algérie devraient se situer à 122 mds dollars à fin 2016 et non 112 milliards de dollars comme le prévoit le FMI qui prévoyait également 92 milliards de dollars fin 2017 et ce grâce à la rationalisation de la dépense qui « ne signifie pas qu’il y aura des coupes drastiques dans les dépenses publiques » soulignant que l’économie algérienne « recèle d’énormes gisements inexploités en matière de recettes fiscales » afin de mieux soutenir et stimuler la croissance économique. D’une manière générale pour éviter un déficit élevé, supérieur à 30 milliards de dollars, la banque centrale mise toujours sur une exportation plus grande des quantités de pétrole et de gaz et sur un relèvement des prix c'est-à-dire sur des facteurs exogènes, sans donner de précisions exactes de mise en œuvre des réformes structurelles qui permettent concrètement le retour à la croissance (le BTPH, près de 1.900.000 emplois, qui tire actuellement la croissance connait d’importantes difficultés avec le risque d’une bulle immobilière).

Le rapport de la banque mondiale concernant le montant des réserves de change qu’il évalue à 60 milliards de dollars fin 2018 n’est pas un rapport sur l’Algérie mais concerne un rapport global pour la région MENA ( Afrique du Nord Moyen Orient). Par ailleurs selon nos informations, ce rapport part des données de la banque d’Algérie, car tous les rapports de la banque mondiale et du FMI partent de données officielles qu’ils corrigent légèrement en fonction des tests de cohérence. L’on doit dans toute analyse objective pour évaluer le niveau des réserves de change en plus des importations des biens inclure les importations de services ( qui ont fluctué ente 10/12 milliards de dollars annuellement entre 2010/2015) et les transferts légaux de capitaux des compagnies étrangères, le seul document de référence étant non la balance commerciale mais la balance des paiements. Les données officielles de la banque d’Algérie notent que les importations de biens ont été de 58,58 milliards de dollars en 2014, plus les services 11,5 milliards, montant auquel il faut ajouter les transferts légaux de capitaux (3/4 milliards de dollars/an) soit plus de 73 milliards de dollars en 2014 de sorties de devises. Pour 2015, les importations de biens sont évaluées à 51,50 milliards de dollars, donc une sortie de devises avec les services dépassant 60 milliards de dollars, pour 2016, les importations de biens ayant légèrement baissé de 25,1 à 24,5 milliards de dollars ( montant très faible malgré toutes les restrictions) entre le second semestre de 2015 et le premier semestre de 2016.

Quatre solutions urgentes sont nécessaires, dont trois à court terme, pour avoir un niveau de réserves de change supérieur à 60 milliards de dollars fin 2018 en espérant de la part de la banque d'Algérie un rapport plus circonstancié afin de redonner espoir à la population inquiète de son avenir.

-Une plus grande rigueur budgétaire ciblée, la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale.

-Revoir la politique des subventions généralisées destinées qu’aux couches les plus défavorisées et mieux cibler les intérêts bonifiés.

-Aller vers un endettement extérieur ciblé à moyen et long terme, atténuant l’épuisement des réserves de change qui tiennent la valeur du dinar, qui concernera que les projets productifs concurrentiels, tout en assouplissant la règle des 49/51%.

-Et comme action de longue durée et déterminante, avoir une vision stratégique dans le cadre des nouvelles mutations mondiales, passant par de profondes réformes structurelles.

Professeur des Universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL

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