Après l’attaque qui a fait 48 morts samedi dans une ville du sud de la Turquie, exhorte ses alliés à agir en Syrie pour parer aux risques croissants de débordement du conflit...
Après l’émotion, l’action. Sitôt passé le choc de l’attentat survenu samedi à Reyhanli, ville située à proximité de la frontière syrienne, les autorités d'Ankara ont mis en cause la responsabilité du gouvernement syrien. Plus précisément, Ankara accuse un groupuscule d'extrême gauche turc, jugé proche du régime de Damas, d’être à l’origine cette double explosion, qui a fait 48 morts et plus d'une centaine de blessés.
Ce groupuscule, un mouvement clandestin classé comme terroriste par la Turquie, se nomme «Acilciler», littéralement les «urgentistes» en turc. Neuf de ses membres, tous de nationalité turque, ont été arrêtés et placés en garde à vue dimanche.
Pour les autorités turques, Damas a franchi une «ligne rouge» l'autorisant à «prendre toute mesure» en représailles. Rappelons que la Syrie nie son implication. Sur un ton très martial, le gouvernement turc explique qu'il ne tolérera aucun «risque terroriste» de la part de son voisin du sud, alors qu'il accueille sur son sol quelque 400.000 Syriens fuyant les combats qui ont déjà fait 80.000 morts, selon l'Organisation syrienne des droits de l'Homme (OSDH).
Plus de 80 citoyens turcs ont été les victimes directes des événements syriens depuis 2011
Pour les analystes, le double attentat à la voiture piégée de Reyhanli a marqué l'échec de la politique turque qui, après avoir tenté en vain de profiter de ses bonnes relations avec Damas pour jouer les médiateurs, a décidé de jouer la carte de la rébellion. «Jugeant le départ de Bachar al-Assad inévitable, la Turquie a cherché à le déstabiliser en soutenant l'opposition politique et armée en Syrie», observe Soner Cagaptay, du Washington Institute.
«Mais cette politique a échoué avec les graves conséquences que les attaques de samedi ont soulignées», ajoute-t-il, «Ankara ne peut plus désormais se considérer comme à l'abri des retombées de la guerre». Attentat de Reyhanli inclus, plus de 80 citoyens turcs ont été les victimes directes des événements syriens depuis leurs commencements en 2011.
Cinq d'entre eux ont été tués par des obus tirés en octobre depuis la Syrie. Et en février, un attentat à la voiture piégée avait déjà fait 17 victimes à un poste-frontière. Depuis l'attentat de samedi, les habitants de Reyhanli expriment chaque jour leur colère dans la rue en s'en prenant aux quelque 25.000 réfugiés syriens qui ont grossi les rangs de leur ville et en dénonçant le soutien du gouvernement turc aux rebelles.
La Turquie veut montrer des preuves d’utilisation d’armes chimiques par Damas
Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a tenté dimanche de ramener le calme en appelant chacun à «garder son sang froid face à chaque provocation visant à attirer la Turquie dans le bourbier syrien». Et il entend désormais, à la lumière de l'attentat de Reyhanli, profiter de sa visite vendredi à Washington pour faire «demander» au président Barack Obama d'intervenir plus fermement dans la crise.
Si les Etats-Unis, via l'Otan, ont accepté de déployer en Turquie des batteries de missiles sol-air Patriot, ils ont rejeté l'idée d'Ankara d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Syrie et, surtout, répugnent à livrer des armes à la rébellion syrienne, de crainte qu'elles ne tombent entre les mains de sa faction la plus islamisée et radicale.
Selon la presse turque, Erdogan a aussi l'intention de présenter au président américain des preuves de l'utilisation d'armes chimiques par le régime de Damas, une des «lignes rouges» fixées par l'administration américaine. (Agences)