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Article 87 Bis et baisse des recettes d’hydrocarbures: le Pr Mebtoul met en garde le gouvernement contre une dérive salariale source d’inflation

08-07-2015 20:14  Contribution

Le Premier ministre vient de faire savoir que  l’article 87 bis de la loi 90-11 d’avril 1990, modifié et complété en 1997 relatif aux relations de travail qui  a été élaboré par le Fonds monétaire international qui a imposé des conditionnalités draconiennes à l’Algérie, en cessation de paiement en 1994 sera appliqué dès août 2015. Avec la baisse des recettes des hydrocarbures, l’objet de cette présente contribution, en rappelant l’audit que j'ai eu à diriger sur l’emploi et les salaires entre 2007/2008 pour le compte du gouvernement, est d’analyser les impacts sur l’économie algérienne. Je mets en garde le gouvernement contre une dérive salariale, lui demande d’agir avec pondération afin d’éviter le processus inflationniste, qui pénaliserait les catégories les plus vulnérables et de tenir compte de l’actuelle crise grecque qui est une leçon à méditer pour l’avenir

 1.- Selon les données officielles de l’ONS, la population active à fin 2014, au sens du BIT, est de 12 millions pour une population d’environ 39,5 millions.  Pour les données disponibles de 2013, selon l’ONS,  au sein de la structure de l’emploi,  le BTPH représente 16,5%, l’industrie 12,6%, l’agriculture 9,5% et le commerce servies (micros unités) 61,4% avec une dominance du secteur privé 58,9% de l’emploi total. Le nombre de salariés a été évalué en 2013  à environ 7.393.000 dont 3.508.000 non permanents et 3.785.000 permanents. Nous avons  une augmentation des fonctionnaires qui dépassent 2,1 millions en 2014 et ajouté aux emplois temporaires (entre 800.000 et 900.000 selon certaines sources) donnant trois millions de fonctionnaires permanents et non permanents en précisant les emplois temporaires  au niveau du secteur économique notamment le BTPH dont la majorité perçoit moins de 20.000 dinars. La masse salariale, avec la dominance de la fonction publique  a évolué ainsi devant toujours raisonner à prix constants entre 2000/2013. Si l’on prend un taux de change unique 79 dinars un dollar la masse salariale pour 2013 est de 54,98 milliards de dollars, exactement  en dinars 4.343, 436 milliards de dinars (source ONS). Le PIB aux prix courants, toujours selon l’ONS  a été de 17.771 milliards de dinars  en 2013   soit 225 milliards de dollars, donnant un  ratio masse salariale sur le PIB  pour 2013 de 24,44%2013. Ce taux ne serait pas inquiétant si la tertiairisation de l’économie  et l’administration n’était pas dominante (emplois rente) et si existait une très forte productivité du travail ce qui n’est pas le cas pour l’Algérie. Or, la productivité globale est une des plus faible au niveau du bassin méditerranéen , l'Algérie selon un rapport de l’OCDE dépensant deux fois plus pour avoir deux fois moins d’impacts au niveau de la région MENA. Avec l’abrogation de l’article 87 bis, le risque  est  l’accélération du  processus inflationniste qui favorisera une concentration du revenu national au profit des revenus  variables et au détriment des revenus fixes donc salariaux. En effet, l’abrogation de l’article 87-bis aura une lourde répercussion sur le trésor public. Le gouvernement avait déjà évalué l’impact en 2006 à 500 milliards de dinars pour la fonction publique et 44 milliards de de dinars pour les entreprises publiques soit au cours de l'époque 7/8 milliards de dollars annuellement. Entre temps en 2012, certaines catégories ont eu des augmentations de salaires ce qui a permis de relever le plafond de ceux qui percevaient moins de 20.000 dinars par mois. Si on généralisait à tous  les  salariés (7,5 millions)   dont les points indiciaires  varient  d’une catégorie,   l’impact du fait des ondes de chocs avec des effets cumulatifs qui forcément s'en suivront, et ce que l’on oublie pendant toute la durée de l'activité , pourrait aller vers 9/11 milliards de dollars de traitements additionnel annuel horizon  2016/2020.  Pour éviter un tel montant, le gouvernement compte   appliquer cette mesure dans une première phase  à  3 millions de salariés, dont le SMIG est de 18 000 DA, dont 1 million d’entre eux relèvent du secteur privé. L'incidence varierait alors pour ces catégories basses entre 2,5 à 3 milliards de dollars annuellement. Mais ces augmentations pour les basses catégories  nivelle par le bas les salaires. Ainsi une femme de ménage qui percevra 20.000 dinars se rapprochera du technicien qui perçoit 25.000/30.000 dinars par mois net. Il faut donc s’attendre à moyen terme à des revendications salariales pour accroître l’écart nécessaire pour ne pas réduire la productivité du travail et cela concerne tant la fonction publique que tout le secteur économique. Ainsi le gouvernement  est sur un fil de rasoir avec la  chute des recettes de Sonatrach d’environ de 45% du cours es hydrocarbures  depuis juin 2014.  La balance courante  a accusé un solde positif d’un milliard de dollars en 2013  mais un solide négatif de 9,11 milliards de dollars fin 2014 et un  solde global de la balance des paiements  qui  a été de 130 millions de dollars en 2013  et négatif  de 5,88 milliards de dollars fin 2014  et    durant les cinq premiers mois de l'année 2015, par rapport  à la même période de 2014, la balance commerciale a enregistré un déficit de  6,38 milliards de dollars. L’Algérie  a puisé  entre juin 2014 et mars 2015 32 milliards de dollars dans ses réserves  de change  qui se sont établies à 160 milliards  de dollars s fin mars 2015 et un dérapage du dinar par rapport au dollar qui est passé de 76 dinars un dollar  à 99,25 dinars un dollar le 07 juillet 2015 favorisant   l’accroissement  de l’inflation importée. Selon l’ONS, 83% de la superficie économique globale est constituée  de petits commerce/services (tertiairisation de l’économie à très faible productivité)  et  95% du tissu productif est constitué de PMI-PME. Environ    70% des PMI-PME dont le BTPH,  ne pourront pas supporter cette augmentation des salaires, la masse salariale dépassant souvent 50% de la valeur ajoutée. Ils  incluront forcément ces augmentations  dans le prix (agriculture- industries/ BTPPH)  donc inflation, ou  licencieront,  ou demanderont au gouvernement des dégrèvements fiscaux,  taux d’intérêts bonifiés, supportés par le trésor public, ou en cas de désaccord  iront se réfugier dans la sphère informelle  déjà florissante accaparant plus de 50% de la superficie économique.

2.- Je rappelle les huit conclusions de l’audit sur les salaires et l’emploi (1), que  j’ai eu à diriger pour les pouvoirs publics entre 2007/2008, toujours d’une brûlante actualité avec une équipe pluridisciplinaire composée d’économistes, de sociologues et de démographes Dommage que les conclusions de cette étude, réalisée uniquement par des Algériens,  n’aient pas été appliquées où l’on aurait éviter cette situation actuelle produit de la mentalité  bureaucratique rentière toujours présente, ou nous avons insisté fortement  que l’Algérie a besoin d’un taux de croissance tiré par les segments productifs y compris les nouvelles technologies  de  8/9%  pendant au moins 5/7 ans pour éviter des remous sociaux et améliorer le pouvoir d’achat des Algériens.

Premièrement, il  n’existe pas de politique salariale encourageant les créateurs de richesses mais des versements de traitements de rente, souvent sans contreparties productives. Il existe une loi en économie : seule la sphère économique et indirectement comme le postule le PNUD par l’indice du développement humain IRH, la santé et l’éducation.

Deuxièmement, l’audit avait mis en relief l’importance des   transferts sociaux et des subventions  pour acheter la paix sociale et avait insisté que cela n’est pas tenable dans le temps ne pouvant  distribuer que ce que l’on a préalablement produit,  le  taux d’inflation officiel  étant  artificiel. Nous avons préconisé en 2008, un large débat national sur les subventions généralisées, devant être ciblées. Car pour  éviter une austérité qui toucherait les  couches sociales les  plus défavorisées,  avoir une vision « juste » de la justice sociale, ne pouvant demander des sacrifices aux plus catégories les vulnérables, nous avons préconisé  une solidarité collective  et une meilleure gestion  l’allocation  des  ressources par des économies de gestion , la lutte contre les surcoûts exorbitants, diminuer le train de vie  de l’Etat qui doit donner l’exemple,  renvoyant à la moralité de ceux qui dirigent  la Cité, l’objectif stratégique étant de lutter contre les inégalités  ,  atténuer le processus inflationniste  et  relever le niveau de production et de productivité impliquant  une nouvelle politique socio-économique axée sur la production et exportation hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales.

Troisièmement, lié au facteur précédent l’étude avait mis en relief l’urgence  pour une véritable politique salariale cohérente,  une vision claire de la répartition du revenu national et du modèle de consommation spécifique par couches sociales afin de favoriser les producteurs de richesses et de lutter, parallèlement grâce à  nouvelle politique fiscale ciblée contre une concentration excessive du revenu national, une  plus grande citoyenneté se mesurant à la progression de l’impôt direct, l’impôt indirect étant injuste par  définition.

Quatrièmement, l’audit  préconisait d’améliorer la qualité de l’enseignement condition de l’accroissement du transfert technologique,  managérial   et d’accroissement de la productivité globale  et ce du primaire au secondaire en passant par la formation professionnelle avec  une mise à niveau  de la  sphère économique qui devra être privilégiée  et de  l’administration où  existent des sureffectifs.

Cinquièmement,  partant du constat  que le pouvoir d’achat de la majorité des Algériens est en fonction de la rente des hydrocarbures pour une corrélation de 70/80% et que toute réduction des recettes aura pour conséquence, proportionnellement une baisse de son pouvoir d’achat, les réserves de change jouant le rôle transitoire d’antichoc social, l’audit préconisait la rationalisation des choix budgétaires  qui devait être une priorité.

Sixièmement, lié au facteur précédent  la politique de subventions actuellement généralisée, l’audit  avait préconisé de  ne plus la faire supporter par les  entreprises  mais de la budgétariser au niveau du parlement avec une affectation précise et datée par une chambre de compensation aux secteurs inducteurs et les catégories les plus vulnérables afin d’éviter le gaspillage et les fuites hors des frontières.

Septièmement,  l’audit avait souligné l’importance de l’adaptation du code du travail algérien aux nouvelles exigences tant locales que mondiales conciliant   sécurité et flexibilité grâce à  la formation permanente étant appelé en ce XXIe siècle à changer plusieurs fois d’emploi dans notre vie, loin des emplois rentes du passé.

Huitièmement, l’audit  préconisait  un dialogue économique et social fondée sur des syndicats et associations représentatives pour éviter le divorce Etat-citoyens, loin   des syndicats-maison, non représentatif du monde du travail, vivant du transfert de la rente. Le rapport en conclusion  sur cette période difficile, rapport élaboré au moment de la crise mondiale de 2008, mais qui n’est pas terminée,    sur l’importance des  ajustements économiques et sociaux douloureux  afin de concilier l’efficacité économique avec une très profonde justice sociale lié à une  profonde démocratisation des décisions politiques et économiques ce grâce à un dialogue permanent, fondement de l’Etat de Droit et d’une nouvelle gouvernance, mais insistait sur les importantes potentialités que recèlent l’Algérie en ressource matérielles mais surtout humaines, nécessitant des stratégies d’adaptation.

En résumé, l’Algérie après 53 années d’indépendance   est Sonatrach et Sonatrach  est l’Algérie, assimilable à une banque  primaire,  ayant permis d’engranger plus de 760 milliards de dollars en devises entre 2000/2014 et l’importation en devises de plus de 580 milliards de dollarsLe pouvoir d’achat et des emplois créés des Algériens est corrélé à la rente à plus de 70%. Environ 96/97% d’exportation d’hydrocarbures (3/4% hors hydrocarbures étant constitué de déchets d’hydrocarbures et de métaux ferreux et non ferreux) et important 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15/20%. Les pouvoirs publics ont-ils tiré les leçons de la chute des cours des hydrocarbures en 1986 avec ses incidences économiques, politiques et sociales de 1988 à 2000 ? Il y va de la sécurité nationale.

Professeur des universités, docteur d’Etat (1974) -expert international -Dr Abderrahmane MEBTOUL

[email protected]

(1) Le professeur Abderrahmane Mebtoul a dirigé pour le compte du gouvernement algérien un important audit sur l’emploi et les salaires avec une équipe pluridisciplinaire composée d’économistes, de sociologues et de démographes, tous experts algériens (2007/2008 -10 volumes 980 pages)

 



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