Mais, bon sang, pourquoi nous a-t-on bassiné les oreilles depuis des lustres avec cette phrase creuse brandie comme un principe céleste?
« Il ne faut pas mélanger le sport et la politique! » : le « Premier Commandement » du grimoire sportif, récité ad nauseam par les chamanes du sport mondial!
Il fallait nous le dire que ce slogan n’était pas valable pour tout le monde, qu’il ne s’appliquait pas du tout aux pays occidentaux ou considérés comme tels car « génétiquement » différents. Il fallait nous informer que seuls les pays du tiers-monde étaient visés et que ces chamanes, serviteurs du Temple du Sport, étaient les intercesseurs entre les Dieux de la politique otanesque et nous, pauvres humains de seconde zone, rendus addicts aux JO et autres jeux à la baballe.
Selon l’AFP, le « monde sportif » a réagi très rapidement, à peine « quelques heures après l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe jeudi ». Réaction rapide ou arc réflexe?
La suite? Un déluge de déclarations, d’indignations, d’interdictions et de bannissement de tout ce qui touche le sport russe! De mémoire d’être humain, on n’a jamais rien vu de pareil!
En matière de football, l’UEFA (Union of European Football Associations) n’y est pas allée par quatre chemins : déplacement de la finale de la Ligue des champions initialement programmée à Saint-Pétersbourg. Puis, conjointement avec la FIFA (Fédération Internationale de Football Association), la décision d’exclure tout simplement la Russie « de toutes ses compétitions internationales » a été prise, la Pologne ayant refusé de jouer son match de barrage contre la Russie.
À ce sujet, un petit rappel historique s’impose.
En 2013, l’organisation du championnat d’Europe (sic) de football de moins de 21 ans a été octroyée à Israël. Dans le but, sans doute, de les remercier pour l’opération « Plomb durci » de 2009. Vous vous rappelez de ce massacre perpétré par l’État hébreu? Le voici en quelques chiffres : 1417 tués, dont 926 civils (313 enfants et 116 femmes). Les armes utilisées? Phosphore blanc, DIME, GBU-39, …
Était-ce fini? Oh que non. Un autre massacre en 2012. En voici un compte rendu publié par Le Monde Diplomatique :
« […] les 8 et 11 novembre, soit quelques jours avant le début de l’opération militaire « Pilier de défense » contre la bande de Gaza (14-21 novembre 2012, plus de 180 morts du côté palestinien, en grande majorité des civils, dont une cinquantaine d’enfants) —, quatre adolescents étaient tués par des bombardements israéliens alors qu’ils jouaient au ballon rond à Gaza […] »
Cela n’avait pas du tout dérangé Michel Platini qui était à l’époque président de l’UEFA et accessoirement escroc professionnel. Le 29 novembre 2012, soit quelques jours après l’attaque meurtrière, il alla « luncher » avec le président israélien, Shimon Peres. Peut-être ont-ils pris le temps, entre deux petits fours, de disserter sur la marque du ballon utilisé par les enfants trucidés par Tsahal?
Au milieu du tollé suscité par le choix du pays hôte pour cet évènement sportif, une délégation de militants s’est rendue au siège de l’UEFA pour manifester son opposition et demander des explications. Platini leur a répondu : « le sport ne peut se mêler de politique, c’est pourquoi l’UEFA n’envisage pas de prendre des sanctions contre Israël ».
Ah, ce sacré Platini ! Un véritable dribbleur !
Alors, quand il s’agit d’Israël, cet état assassin, ce régime qui pratique l’apartheid contre les Palestiniens, ce système cruel de domination et de crime contre l’humanité, aucune sanction! En toute honnêteté, je voudrais mentionner que la phrase (soulignée) qualificative de l’État hébreu n’est pas de moi, mais figure dans le titre d’un récent rapport d’Amnesty International. Comme quoi, tout le monde est au courant, n'est-ce pas? Platini aurait-il été soudoyé par le Mossad, par hasard?
Alors sanction pour la Russie et « no sanction » pour Israël?
Les massacres des Palestiniens et la colonisation de leurs terres n’ont jamais cessé depuis ce championnat. Cela n’a pas empêché le président de la FIFA, Gianni Infantino, de rêvasser béatement. À quoi exactement? À l’organisation de la coupe du monde de football 2030 par Israël! Et pourquoi pas? La vie d’un Palestinien ne vaut-elle pas celle d’un Ukrainien? Un teint basané et des cheveux frisés ne valent pas une peau blanche et des cheveux blonds, n’est-ce pas M. Infantino?
Et on me dit que vous en avez même discuté avec le Premier ministre de ce pays dont le sport national est « le tir sur les Palestiniens ». Et dire que c’est vous qui avez banni la Russie de la prochaine coupe du monde! Il y a un petit problème où c’est moi qui louche?
Alors messieurs les chamanes, le sport c’est politique, oui ou non?
Si on peut appliquer des sanctions à la Russie, on pourrait bien les appliquer à Israël, et aussi aux États-Unis qui ont (entre beaucoup, beaucoup d’autres!) massacré des Irakiens et démoli leur pays après avoir agité un petit flacon de bicarbonate de soude à l’ONU. Et à la France qui a transformé un « no-fly zone » en destruction totale de la Libye, relançant ainsi le business de l’esclavage et du terrorisme. Et à tous ces pays, vassaux de Washington, qui sèment le chaos et la désolation en Syrie, au Yémen et dans d’autres contrées qui ne cherchent qu’à vivre en paix chez eux.
Si on suit ce type de raisonnement, TOUS les pays de l’OTAN devraient être bannis de TOUTES les compétitions sportives ad vitam æternam.
Outre le football, le Comité international olympique (CIO) a aussi bombé ses muscles : il faut exclure les athlètes russes! Pas un, pas deux. Tous et dans tous les sports!
Voyons donc M. Thomas Bach, président du CIO, n’est-ce pas vous qui avez « rappelé à l’ordre » (Wow, quel courage), il y a moins de deux semaines, les organisateurs des JO de Pékin 2022 lorsqu’ils ont « dénoncé des mensonges concernant la situation des droits de l’homme au Xinjiang »? Ne leur avez-vous pas rappelé le « Premier Commandement » du grimoire sportif. « Il ne faut pas mélanger le sport et la politique! », leur avez-vous héroïquement martelé! Et cela a fait les manchettes de vos médias mainstream qui nous montrent leur hideux visage de la désinformation raciste, servile et institutionalisée.
En juillet 2021, la Fédération internationale de Judo (IJF) a sanctionné le judoka algérien Fathi Norine, mettant abruptement fin à sa carrière. Une suspension de 10 ans pour avoir refusé d’affronter un judoka israélien lors des derniers JO de Tokyo. L’Algérie, n’ayant aucune relation diplomatique avec l’État sioniste, il a décidé de s’aligner sur la politique officielle de son pays qui est opposée à toute normalisation avec Israël aussi longtemps que les droits ancestraux des Palestiniens ne soient pas respectés. Y a-t-il un geste aussi noble que celui-ci? Sacrifier sa carrière et celle de son entraineur pour une cause juste, humaniste et conforme aux résolutions de l’ONU.
Le sport est-il contre la politique officielle des pays membres des fédérations internationales?
Le sport ne promeut-il pas dans sa charte les valeurs humanistes?
Le sport est-il à la solde de l’OTAN et de sa politique belliqueuse et funeste ?
Le sport participe-t-il à la mission colonisatrice et discriminatoire d’Israël?
Vous devinez ce qui suit : M. Marius L. Vizer, président de l’IJF, sanctionné la Russie (lui aussi!) pour son intervention en Ukraine. Dans une page baptisée « Judo for Peace », il a annoncé « avec regret l'annulation du Grand Chelem 2022 à Kazan, en Russie, qui devait se tenir du 20 au 22 mai 2022 ».
Dites-moi, tonton Marius, y aurait-il un « Judo for Peace » pour la Palestine et pour tous les Norine de ce monde qui se battent sur le tatami de la justice internationale?
Norine n’a tué personne contrairement à l’État hébreu qui a enlevé la vie, les rêves et les oliviers de générations de Palestiniens.
Norine se bat pour que des jeunes Palestiniens pratiquent un sport au lieu de finir dans des fosses communes ou sous les décombres de leurs écoles.
Alors, maudits chamanes du sport mondial, le sport, c’est politique oui ou non?