La crise mondiale avec l’épidémie du coronavirus qui touche tous les pays du monde et pas seulement l’Algérie, en plus du bas cours des hydrocarbures et du retard dans les réformes internes , impacte l’économie algérienne. Dans ce cadre se pose cette question : les prévisions de la loi de finances 2021 reposent-elles sur des hypothèses réalistes et quels sont les défis de l'Algérie de demain ?
1.-Sans un retour à la croissance, de vives tensions budgétaires entre 2021/2022
La loi de finances 2021 prévoit une baisse des importations de 14,4% de la valeur courante par rapport à la clôture 2020, pour atteindre 28,21 milliards de dollars. 27,39 milliards de dollars en 2022 puis 27,01 milliards de dollars en 2023, et une croissance économique nationale de 3,98 % en 2021, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020. Ce ne sont que des hypothèses car le grand problème est ce que le tissus productif sera dynamisé entre temps. Aussi, l’objectif de réaliser la symbiose entre équilibres macro-économiques et équilibres sociaux sera un exercice difficile sans un retour à la croissance conditionné tant par l’investissement productif interne public/privé qu’international supposant la levée des entraves bureaucratiques et la lutte contre la corruption. .La raison principale est la baisse des recettes d’hydrocarbures due à l’épidémie du coronavirus mais également des nouvelles tendances du nouveau modèle de consommation énergétique au niveau mondial avec la dépense publique qui reste le facteur essentiel de la croissance économique, surtout avec une fiscalité pétrolière estimée à 1919,2 milliards de dinars ( artificiellement gonflé par le dérapage du dinar par rapport au dollar pétrole/libellé en dollars d’au moins 10%) ) , contre 2667 en 2019, soit une baisse de 748,8 milliards de dinars. Les dépenses de fonctionnement prévues sont de 4893,4 à 5 314,5 milliards de dinars et le budget équipement à 2 798,5 milliards de dinars sous forme de dépenses d’équipement à caractère définitif et 1882,1 milliards de dinars à consacrer aux opérations de réévaluation des programmes. Ainsi, les dépenses budgétaires (dépenses de fonctionnement et d’équipement) se situent à environ 8113 milliards de dinars, tandis que les recettes fiscales globales (ordinaires et pétrolières) sont estimées à 5328 milliards de dinars, soit un déficit budgétaire record de 2700 milliards de dinars soit au cours de 128 dinars un dollar plus de 20 milliards de dollars, ce qui pèse sur la création d’emplois productifs et non des emplois rentes où seulement pour le BTPH actuellement en berne employant près de 2 millions de personnes. Comme conséquence, existe plusieurs solutions combinées : augmenter les impôts sur les activités visibles, , puiser dans des réserves de change, le recours à un endettement du Trésor, l’utilisation des reliquats des crédits budgétaires et à un dérapage du dinar, comme le fait actuellement la banque d’Algérie, plus de 10/15% en une année, pour combler artificiellement le déficit budgétaire, avec le risque d’un processus inflationniste . Avec une fiscalité pétrolière en baisse, bien que les ressources ordinaires dépassent les recettes fiscales pétrolières avec 3408 milliards de dinars en 2021, (également gonflé artificiellement pour la partie taxes à l’importation pour les produits libellées tant en dollars qu’en euros d’au moins 10% du fait du dérapage du dinar ) sous réserve que les prévisions des nouvelles recettes fiscales se réalisent, le secteur fiscal, domanial et douanier devant être numérisé , devant éviter de miser sur l’intégration de la masse monétaire informelle en circulation dont le fondement repose sur la visibilité et la confiance , les expériences historiques montrant qu’ en période de crise, elle s’étend, il sera difficile de réduire le déficit budgétaire et attention pour certaines taxes , l’impôt pouvant tuer l’impôt, L’on devra méditer les expériences de l’ANSEJ, où après avoir bénéficié de nombreux avantages, selon certaines informations plus de 70% des projets ont été mis en veilleuse, devant également comptabiliser les impacts en termes de valeur ajoutée et de balance devises, des nombreux avantages accordés pur les gros investissements par l’ANDI qui se chiffrent en centaines de milliards ee centimes, ,les petits investisseurs et porteurs de projets dans le cadre des start-up considérées sources d’emplois ont besoin d’un tissu économique des grandes administrations et entreprises performantes pour se développer. Bien que des actions louables pour l’équilibre régional économique et social sont prévues comme le développement des 9000 foyers répartis sur ces zones d’ombre, avec une affectation d’un programme spécial à hauteur de 50 milliards de dinars mais supposant une autre gouvernance locale.et centrale afin qu’il ait de véritables impacts durables et pas seulement des actions conjoncturelles passagères.. La dynamisation du tissu productif s’impose dans la mesure où environ 83% du tissu économique étant représenté par le commerce et les services et plus de 90% des entreprises privées algériennes sont de types familiaux sans aucun management stratégique, et ne maîtrisent pas les nouvelles technologies. Par ailleurs l’économie est dominée par la sphère informelle notamment marchande elle même liée à la logique rentière, représentant plus de 50% de la superficie économique. L’économie algérienne étant fortement connectée à l’économie mondiale via la rente des hydrocarbures, pour la majorité des organismes internationaux, la croissance de l’économie mondiale ne connaitra une reprise, sous réserve de la maitrise de l’épidémie du coronavirus que courant 2022 avec de profonds changements entre 2020/20360. Le XXIème siècle sera dominé par les réseaux de la société civile en symbiose avec de nouvelles fonctions des Etats, des entreprises, et des institutions internationales de régulation. La transition numérique et énergétique entre 2020/2030/2040 et la culture à travers les médias, imposeront un changement profond dans les deux prochaines décennies les modes d’organisations institutionnelles, d’entreprises, de consommation et nos comportements. Cela interpelle l’Algérie pour une nouvelle stratégie d‘adaptation à ces nouvelles mutations.
2.-La crise mondiale et la dominance de la rente impacte l’économie algérienne
Entre temps, du fait de la crise mondiale et le retard dans les réformes, .l’Algérie connaitra sept impacts négatifs impliquant des stratégies d’adaptation
Premier impact, La demande d‘hydrocarbures dépend fortement du retour à la croissance de l’économies mondiale. Ainsi, le 30 octobre 2020, 09h GMT , le cours du pétrole en bourse du Wit est coté à 36,05 dollars, le Brent à 37,29 et le prix de cession du gaz sur le marché libre est coté 3,32 dollars le MBTU. Selon le rapport de l’OPEP d‘octobre 2020, la demande mondiale de pétrole fin 2020 devrait reculer plus fortement qu'anticipé jusqu'à présent, de 9,5 Mb/j, pour atteindre 90,2 Mb/j en raison de la crise sanitaire et économique liée à la pandémie de Covid-19 et concernant la demande mondiale pour 2021 revues en baisse, de 0,4 Mb/j par rapport cette demande devrait en 2021 s’établir à 96,9 Mb/j, loi des prévisions avant la crise de plus de 100 millions de barils/jour. Selon les institutions internationales, en moyenne annuelle, avec des fluctuations semaine par semaine mois par mois, nous avons pour le cours du Brent de 2000 à 2020 : 2000, 28,52 dollars le baril - 2005, 54,41 - 2010, 78,92 - 2014, 99, 00 -2015, 52,36 - 2016, 43,55 - 2017, 54,25 - 2018, 71,05- 2019, 64,34- estimation fin 2020 en moyenne entre un cours très bas les quatre premiers mois de 2020( cours environ 30 dollars et moins) et hypothèse un cours qui dépasse 40 dollars de juillet à décembre 2020, selon les nous aurons une moyenne de 35/37 dollars. L’élection américaine sera déterminante en cas de victoire des démocrates qui ont une autre vision de la politique énergétique, avec le retour des USA aux accord de Paris COP21 et le développement d’énergies altératives aux fossiles classiques. Pour l’Algérie les hydrocarbures en 2010/2019 ont procuré avec les dérivées 98% des entrées en devises, dont 33% proviennent du gaz dont le prix de cession ont chuté de plus de 70% ces cinq dernières années .De ce fait, la politique socio-économique est liée à l'évolution du prix du pétrole et du gaz qui influe sur le taux de croissance, le taux de chômage, et le niveau des réserves de change ( notre interview Monde.fr/AFP Paris 10/08/2020) Les recettes de Sonatrach auquel il faudrait retirer les couts et les parts des associés pour avoir le profit net, contre d’environ 34 milliards de dollars en 2019 devrait s’établir fin 2020 entre 20/22 milliards de dollars. La loi de finances 2021 prévoit une stabilisation autour de 40 dollars pour la période 2021-2022 et 45 dollars pour 2023. Toujours selon le PLF2021, les recettes pétrolières devraient atteindre, durant la période 2021-2023, 23,21 milliards de dollars en 2021, 28,68 milliards de dollars en 2022 et 26,45 milliards de dollars en 2023, sur la base de 45 dollars/baril en tant que prix du marché pour un baril de pétrole brut Sahara Blend durant la période de projection. Deuxième impact , sur le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) à prix courants qui a évolué ainsi de 2000 à 2019 se calculant par rapport à la période précédente, un taux de croissance élevé en T1 par rapport à un taux de croissance faible en TO donne globalement un taux faible : - 2000 5,0%-2005, 6,1%- 2010, - 2015,3,7%-- 2018, 1,4 %- 2019, 0,8% pour le gouvernement , 0,7% pour le FMI . Pour les prévisions 2020 nous avons pour l’ONS un taux de croissance négatif de 3,9% au premier trimestre 2020. Le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales publié le 13 octobre 2020 a révisé à la baisse ses prévisions de croissance de l’économie algérienne à -5,5% en 2020, contre -5,2% anticipée en avril , 2020 tablant un taux de croissance de 3,2% en 2021, contre 6,2% dans son rapport d'avril 2020 , soit la moitié de ce qui était prévu et ce sous réserve de la maîtrise de l’épidémie du coronavirus qui impacte la croissance de l’économie mondiale. Le projet de loi de finances 2021 est plus optimiste prévoyant une croissance économique nationale de 3,98 % en 2021, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020. Troisième impact sur le taux de chômage, mais devant tenir compte de la pression démographique . En 2020 la population dépasse 44 millions d'habitants, avec une prévision pour 2030 de plus de 50 millions d’habitants. La population active fin 2020 dépasse 12,80. millions et il faut créer annuellement entre 350.000 et 400.000 emplois nouveaux par an. La structure de l'emploi, fait ressortir un secteur tertiaire dominé par le commerce, les services et l'administration) avec un nombre de retraités en mai 2020 de 3.266.000 personnes où La caisse de retraite connaît un déficit structurel. Comme conséquence à la fois de la baise du produit intérieur brut et de croissance démographique, nous assistons donc à un accroissement du taux de chômage : 2017, 11,6%- 2018, 13,1%- 2019. Dans son rapport d'octobre 2020,pour le FMI Le taux de chômage devrait atteindre 14,1% en 2020 et 14,3% en 2021. Comme conséquence de la non maîtrise de la conjoncture imprévisible, et cela n'est pas propre à l'Algérie, rappelons que dans son rapport d'avril 2020, le FMI prévoyait pour l'Algérie un taux de chômage de 15,1% en 2020 avant de redescendre sensiblement à 13,9% en 2021. Quatrième impact, sur le déficit budgétaire et la balance des paiements où selon la loi de finances complémentaire 2020 le déficit budgétaire devrait atteindre -1.976,9 milliards de dinars, soit -10,4% du Produit intérieur brut (PIB) et la balance des paiements enregistre un solde négatif de -18,8 milliards . Pour le FMI dans son rapport d'octobre 2020, la baisse de l'activité économique de l'Algérie devrait se poursuivre en 2020 , le déficit du compte courant se creusant en s’établissant à -16,6% du PIB en 2021. Pour le gouvernement dans le PLF2021, les comptes extérieurs de l’Etat devront atteindre un solde global négatif de -3,60 milliards de dollars, soit une amélioration ressentie par rapport à 2019 (-16,93 milliards de dollars) et à 2020 (-12,3 milliards de dollars par rapport à la clôture 2020), le déficit budgétaire du compte courant devra enregistrer une baisse de -10,6% par rapport au Produit intérieur brut (PIB) à la clôture 2020, puis à -2,7% en 2021 avec une moyenne de -0,6% de PIB durant la période 2021-2023.. Ces résultats optimistes difficilement réalisables , seront fonction d’un cours de pétrole supérieur à 40 dollars et d’une baisse drastique des importations de biens et services que ’lon oublie souvent évalués entre 2010/2019 entre 10/11 milliards de dollars par an quis s’ajoute ‘ aux importations de biens.
Cinquième impact sur le niveau des réserves de change. Selon le Fonds Monétaire International (FMI), information rapportée le 26 septembre par le site spécialisé, Oil Price, l'Algérie a besoin d’un prix du baril de pétrole estimé à 157,2 dollars pour équilibrer son budget. le prix du baril fixé par la loi de finances 2020 de 30 dollars, prix fiscal et 35 dollars prix marché, n’est qu’un artifice comptable . Selon les prévisions du FMI pour les années précédentes, le prix d'équilibre du baril pour l'Algérie était estimé de 104,6 dollars en 2019, à 101,4 dollars en 2018 et à 91,4 en 2017. Il s’ensuit une baisse drastique des réserves de change qui ont évolué ainsi : -- 2013 : 194,0 milliards de dollars, - 2018 : 79,88 milliards de dollars - fin 2019 : 62 milliards de dollars, - fin 2020, avant l’épidémie du coronavirus , les prévisions de la loi de finances complémentaire sont de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale Le FMI pour prévoit 33,8 milliards de dollars fin 2020, le trésor français 36 milliards et fin 2021, début 2022, entre 12/13 milliards de dollars. Prenant à contre pied les prévisions internationales , le PLF 2021 prévoit des resserves de change fin 2021 à 46,8 milliards de dollars en 2021, assurant les importations et les services durant 16 mois et ce suite à l’amélioration prévue dans le déficit de la balance des paiements qui devrait atteindre -3,6 MDS en 2021 et avec des seuils de réserves de change de 47,53 milliards de dollars en 2022 et 50,02 MDS en 2023. Sixième impact sur le taux d'inflation qui influe sur le pouvoir d'achat compressé en Algérie compressé en Algérie par les subventions généralisées et non ciblées source de gaspillage. Les prévisions du PLF 2021 parlent « d’une légère accélération» en 2021 pour atteindre 4,5% en raison de la baisse de la consommation et des revenus des ménages et des sociétés, suite à l’exécution des instruments de la politique monétaire. Il sera en effet de l’ordre de 4,05% en 2022 et de 4,72% en 2023. Pour l’Algérie s’impose une révision du calcul de l’indice pour tenir compte de l’évolution des besoins nouveaux, où l’immatériel tend à prendre une proportion croissante et devant impérativement analyser les liens entre croissance, répartition du revenu national et le modèle de consommation par couches sociales.. Septième impact La cotation du dinar où la valeur d'une monnaie dépend avant tout du niveau de la production et de la productivité est coté le 30 octobre 2020 cours achat à 128,83 dinars un dollar et 151,68 dinars un euro ( source banque d’Algérie). Concernant les cours de change du Dinar algérien (DA), le projet de loi de finances en 2021 prévoit une déprécation par rapport au dollar américain (USD), où la moyenne annuelle devra atteindre 142,20 DA/USD en 2021, 149,31 DA/USD en 2022 et 156,78 DA/USD en 2023. En prenant l’écart actuel de 18% euro/dollar, ,un euro officiel vaudrait en 2023 182 dinars un euro et sur le marché parallèle , avec un écart d’environ, 50% nous aurons 280 dinars un euro. Sans dynamisation de l’appareil productif nous assisterons une hyperinflation. Toute baisse du dinar par rapport au dollar et à l'euro permet d'augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures et la fiscalité ordinaire Pour combler le déficit budgétaire, l'Algérie a eu recours à l’émission monétaire. La Banque Centrale de mi-novembre 2017 à avril 2019, a mobilisé 55 milliards de dollars, soit l'équivalent de 32 % du PIB de 2018. Ce financement favorise la baisse des réserves de change, puisque en mettant à la disposition des entreprises des dinars, 70/80% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées, ces dernières importeront de l’étranger en devises.
En conclusion, comme je l'ai démontré récemment dans l'interview donnée à l’American Herald Tribune –USA-le 23 avril 2020 « Prof. Abderrahmane Mebtoul: We Have Witnessed a Veritable Planetary Hecatomb and the World Will Never be the Same Again », l’impact de l’épidémie du coronavirus sur l’économie mondiale sera de longue durée. ) La future politique socioéconomique devra tenir compte de la demande de révision par l’Algérie de certaines clauses de l’Accord d’Association avec l’Europe, pour un partenariat gagnant et des tensions géostratégiques en Méditerranée, au Sahel et en Libye.. La réalisation de la loi de finances 2021 dépendra à la fois du cours des hydrocarbures et de la dynamisation du tissu productif, fonction des réformes, qui demandera, minimum, entre 4/5ans, la compression des importations ayant des limites, le taux d’intégration ne dépassant pas 15%.
Le 30 10/2020