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Algérie : les prévisions de la loi de finances 2021 sont-elles réalistes ?

30-10-2020 15:28  Pr Abderrahmane Mebtoul

La crise mondiale avec l’épidémie du coronavirus  qui touche tous les  pays du monde et pas seulement l’Algérie, en plus du bas cours des hydrocarbures et du retard dans les  réformes internes ,  impacte l’économie algérienne. Dans ce cadre se pose cette question : les prévisions de la loi de finances 2021 reposent-elles sur des hypothèses réalistes et quels sont les défis de l'Algérie de demain ? 

1.-Sans un retour à la croissance, de vives tensions budgétaires entre 2021/2022 

La loi  de finances  2021 prévoit  une baisse des importations  de 14,4% de la valeur courante  par rapport à la clôture 2020, pour atteindre 28,21 milliards de dollars. 27,39 milliards de dollars en 2022 puis 27,01 milliards de dollars en 2023, et une croissance économique nationale de 3,98 % en 2021, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020.  Ce ne sont que des hypothèses car le grand problème est ce que le tissus productif sera dynamisé entre temps. Aussi,  l’objectif de réaliser la symbiose entre équilibres macro-économiques et équilibres sociaux sera un exercice difficile sans un retour à la croissance conditionné tant par l’investissement productif interne public/privé  qu’international supposant la levée des entraves bureaucratiques et la lutte contre la corruption. .La raison principale est  la baisse des recettes d’hydrocarbures  due à l’épidémie du coronavirus mais également des nouvelles tendances du nouveau modèle de consommation énergétique au niveau mondial avec  la dépense publique qui reste  le  facteur essentiel  de la croissance économique,  surtout avec une  fiscalité pétrolière  estimée à  1919,2 milliards  de dinars  ( artificiellement gonflé par le dérapage  du dinar par rapport au dollar pétrole/libellé en dollars d’au moins 10%)  )  , contre 2667 en 2019, soit une baisse de 748,8 milliards de dinars. Les dépenses de fonctionnement  prévues  sont de 4893,4 à 5 314,5 milliards de dinars  et le budget équipement  à 2 798,5 milliards de dinars sous forme de dépenses d’équipement à caractère définitif et 1882,1 milliards de dinars à consacrer aux opérations de réévaluation des programmes.   Ainsi,  les dépenses budgétaires (dépenses de fonctionnement et d’équipement) se situent à environ 8113 milliards de dinars, tandis que les recettes fiscales globales (ordinaires et pétrolières) sont estimées à 5328 milliards de dinars, soit un déficit budgétaire record de 2700 milliards de dinars soit au cours de 128 dinars un dollar plus de 20 milliards de dollars, ce qui pèse sur la création d’emplois productifs et non des emplois rentes  où  seulement pour  le BTPH actuellement  en  berne employant près de 2 millions de personnes.  Comme conséquence, existe plusieurs solutions combinées : augmenter les  impôts sur les activités visibles, ,   puiser dans des réserves de change,  le recours à  un endettement du Trésor, l’utilisation des reliquats des crédits budgétaires  et à un dérapage du dinar, comme le fait actuellement la banque d’Algérie,  plus de 10/15% en une année, pour combler artificiellement   le déficit budgétaire, avec le risque d’un processus inflationniste . Avec une  fiscalité pétrolière  en baisse, bien  que les ressources ordinaires dépassent les recettes fiscales pétrolières avec 3408 milliards de dinars en 2021(également gonflé artificiellement pour la partie taxes à l’importation pour les produits libellées tant en dollars qu’en euros d’au moins 10% du fait du dérapage du dinar  )  sous réserve que les prévisions  des nouvelles recettes  fiscales se réalisent, le secteur fiscal, domanial  et  douanier devant être numérisé ,  devant éviter de miser  sur l’intégration de la masse monétaire informelle en circulation dont le fondement repose sur la visibilité et la confiance , les expériences historiques montrant qu’ en période de crise, elle s’étend, il   sera   difficile  de  réduire le déficit budgétaire  et attention pour   certaines taxes , l’impôt pouvant  tuer l’impôt,  L’on devra  méditer les expériences de l’ANSEJ, où après avoir bénéficié  de nombreux avantages, selon certaines informations plus de 70%  des projets ont été mis en veilleuse, devant également comptabiliser les impacts en termes de valeur ajoutée et de balance devises, des nombreux avantages accordés pur les gros investissements par l’ANDI qui se chiffrent en centaines de milliards ee centimes, ,les petits investisseurs et porteurs de projets dans le cadre des start-up considérées sources d’emplois ont  besoin d’un tissu économique des grandes administrations et   entreprises performantes pour se développer.  Bien que des actions louables pour l’équilibre régional économique et social sont prévues comme   le développement des 9000 foyers répartis sur ces zones d’ombre, avec une affectation d’un programme spécial à hauteur de 50 milliards de dinars mais supposant une autre gouvernance locale.et centrale afin qu’il ait de véritables impacts durables et pas seulement des actions conjoncturelles passagères.. La dynamisation du tissu productif s’impose dans la mesure  où   environ 83% du tissu économique étant représenté par le commerce et les services  et plus  de  90% des entreprises privées algériennes sont de types familiaux sans aucun management stratégique, et ne maîtrisent pas les nouvelles technologies.  Par ailleurs l’économie est dominée par la sphère informelle notamment marchande elle même liée à la logique rentière, représentant  plus de 50% de la superficie économique. L’économie algérienne  étant fortement connectée à l’économie mondiale via la rente des hydrocarbures, pour  la majorité des  organismes internationaux, la croissance de  l’économie mondiale  ne connaitra une reprise, sous réserve  de la maitrise de l’épidémie du coronavirus que courant 2022 avec de profonds changements entre 2020/20360. Le  XXIème siècle sera dominé par  les  réseaux de la société civile en symbiose avec de nouvelles fonctions des Etats, des entreprises,  et des institutions internationales de régulation. La transition  numérique et énergétique   entre 2020/2030/2040  et  la culture  à travers les médias,  imposeront un changement profond dans les deux prochaines décennies  les modes d’organisations institutionnelles, d’entreprises, de consommation et nos comportements. Cela interpelle l’Algérie pour une nouvelle stratégie  d‘adaptation à ces nouvelles mutations.

2.-La crise mondiale  et la dominance de la rente impacte  l’économie algérienne

Entre temps, du fait de  la crise mondiale et le retard dans les réformes,  .l’Algérie connaitra sept impacts négatifs impliquant des stratégies d’adaptation

Premier impact, La demande d‘hydrocarbures  dépend fortement du retour à la croissance  de l’économies mondiale. Ainsi, le 30 octobre 2020, 09h GMT , le  cours du pétrole  en bourse du Wit  est coté à 36,05  dollars, le  Brent    à  37,29   et le prix  de cession du gaz sur le marché libre  est coté  3,32 dollars le MBTUSelon le rapport de l’OPEP d‘octobre 2020, la demande mondiale de pétrole fin 2020 devrait reculer plus fortement qu'anticipé jusqu'à présent, de 9,5 Mb/j, pour atteindre 90,2 Mb/j en raison de la crise sanitaire et économique liée à la pandémie de Covid-19 et  concernant la demande mondiale pour 2021 revues en baisse, de 0,4 Mb/j par rapport cette demande devrait  en 2021 s’établir  à 96,9 Mb/j, loi des prévisions avant la crise de plus de 100 millions de barils/jour. Selon les institutions internationales,   en moyenne annuelle, avec des fluctuations semaine par semaine  mois par  mois, nous avons pour le cours du Brent de 2000 à  2020 :  2000, 28,52 dollars le baril - 2005, 54,41 - 2010, 78,92 - 2014, 99, 00   -2015, 52,36 - 2016, 43,55 -  2017, 54,25 - 2018, 71,05- 2019, 64,34- estimation fin 2020 en moyenne entre un cours très bas  les quatre premiers mois de 2020( cours environ 30 dollars et moins)  et hypothèse un cours qui dépasse 40 dollars  de juillet à décembre 2020, selon les  nous aurons une moyenne de  35/37 dollarsL’élection américaine sera déterminante  en cas de victoire des démocrates qui ont une autre vision de la politique énergétique, avec le retour  des USA aux accord de Paris COP21 et le développement d’énergies altératives aux fossiles classiques.  Pour l’Algérie les hydrocarbures en 2010/2019  ont procuré avec les dérivées 98% des entrées en devises, dont 33% proviennent du gaz dont le prix de cession ont chuté de plus de 70% ces cinq dernières années .De ce fait,  la politique socio-économique  est liée  à  l'évolution  du prix du pétrole et du gaz  qui  influe sur le taux de croissance, le taux de chômage, et le niveau des réserves de change ( notre interview Monde.fr/AFP Paris 10/08/2020)   Les recettes de Sonatrach auquel il faudrait retirer les  couts et les parts des associés pour avoir le profit net, contre d’environ  34 milliards de dollars en 2019   devrait s’établir fin 2020 entre 20/22 milliards de dollars. La loi de finances 2021 prévoit une stabilisation   autour de 40 dollars pour la période 2021-2022  et 45 dollars pour 2023. Toujours selon le PLF2021, les recettes pétrolières devraient atteindre, durant la période 2021-2023, 23,21 milliards de dollars en 2021, 28,68 milliards de dollars en 2022 et 26,45 milliards de dollars en 2023, sur la base de 45 dollars/baril en tant que prix du marché pour un baril de pétrole brut Sahara Blend durant la période de projection.  Deuxième impact , sur  le taux de croissance du  produit intérieur brut (PIB)  à prix courants qui   a évolué ainsi de 2000 à 2019  se calculant  par rapport à la période précédente, un taux de croissance élevé en T1 par rapport à un taux de croissance faible en TO donne globalement un taux faible  : - 2000 5,0%-2005, 6,1%- 2010, - 2015,3,7%--  2018, 1,4 %- 2019, 0,8% pour le gouvernement , 0,7% pour le FMI . Pour les prévisions 2020   nous avons pour l’ONS  un taux de croissance négatif de 3,9% au premier trimestre 2020.  Le    Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales publié  le 13 octobre 2020   a révisé à la baisse ses prévisions de croissance de l’économie algérienne à -5,5% en 2020, contre -5,2% anticipée en avril , 2020  tablant  un taux de croissance de 3,2% en 2021, contre 6,2% dans son rapport d'avril 2020 , soit la moitié de ce qui était prévu  et ce    sous réserve de la maîtrise de l’épidémie du coronavirus qui impacte la croissance de l’économie mondiale. Le projet de loi de finances 2021 est plus optimiste  prévoyant une croissance économique nationale de 3,98 % en 2021, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020.  Troisième impact sur le taux de chômage, mais  devant tenir compte de la   pression démographique . En  2020 la population dépasse 44 millions d'habitants, avec  une prévision pour 2030 de plus de 50 millions d’habitants.  La population active fin 2020 dépasse 12,80.  millions et  il faut créer annuellement entre 350.000 et 400.000 emplois nouveaux par an.  La structure de l'emploi, fait ressortir un secteur tertiaire dominé par le  commerce, les   services et l'administration) avec un nombre de retraités en mai 2020 de  3.266.000 personnes où  La caisse de retraite connaît un déficit structurel. Comme conséquence à la fois de la baise du produit intérieur brut  et de  croissance démographique, nous assistons donc  à un accroissement du taux de chômage : 2017, 11,6%- 2018, 13,1%- 2019. Dans son rapport d'octobre 2020,pour  le FMI Le taux de chômage devrait atteindre 14,1% en 2020 et 14,3%  en 2021. Comme conséquence  de la non maîtrise de la conjoncture imprévisible, et cela n'est pas propre à l'Algérie, rappelons que dans son  rapport d'avril  2020, le FMI prévoyait  pour l'Algérie un  taux de chômage de 15,1% en 2020  avant de redescendre sensiblement à  13,9% en 2021.   Quatrième    impact,  sur le déficit budgétaire et  la balance des paiements   où selon la loi de finances complémentaire 2020  le déficit budgétaire  devrait atteindre -1.976,9 milliards de dinars, soit -10,4% du Produit intérieur brut (PIB)  et  la  balance des paiements enregistre  un solde négatif de -18,8 milliards . Pour le FMI dans son rapport d'octobre 2020, la baisse de l'activité économique de l'Algérie devrait se poursuivre en 2020 , le déficit du compte courant  se creusant en s’établissant à -16,6% du PIB en 2021. Pour le gouvernement dans le PLF2021,  les comptes extérieurs de l’Etat devront atteindre un solde global négatif de -3,60 milliards de dollars, soit une amélioration ressentie par rapport à 2019 (-16,93 milliards de dollars) et à 2020 (-12,3 milliards de dollars par rapport à la clôture 2020),  le  déficit budgétaire du compte courant devra enregistrer une baisse de -10,6% par rapport au Produit intérieur brut (PIB) à la clôture 2020, puis à -2,7% en 2021 avec une moyenne de -0,6% de PIB durant la période 2021-2023.. Ces résultats  optimistes difficilement réalisables , seront fonction d’un cours de pétrole  supérieur à 40 dollars et d’une baisse drastique des importations de biens et services que ’lon oublie souvent évalués entre 2010/2019 entre 10/11 milliards de dollars par an quis s’ajoute ‘ aux importations de biens.

 Cinquième  impact   sur le niveau des réserves de change.  Selon le Fonds Monétaire International (FMI), information rapportée le 26 septembre par le site spécialisé, Oil Price, l'Algérie a besoin d’un prix du baril de pétrole estimé à 157,2 dollars pour équilibrer son budget.  le prix du baril fixé par la loi de finances 2020  de 30 dollars, prix fiscal et 35 dollars prix marché,  n’est  qu’un  artifice comptable .  Selon les prévisions du FMI pour les années précédentes, le prix d'équilibre du baril pour l'Algérie était estimé de 104,6 dollars en 2019, à 101,4 dollars en 2018 et à 91,4 en 2017. Il s’ensuit une  baisse drastique des réserves de change qui   ont évolué ainsi :  -2013 : 194,0 milliards de dollars,  - 2018 : 79,88 milliards de dollars - fin  2019 :  62 milliards de dollars, - fin 2020, avant l’épidémie du coronavirus , les prévisions de la   loi de finances complémentaire  sont de  44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale  Le FMI pour prévoit     33,8 milliards de  dollars fin 2020,  le trésor français 36 milliards   et fin 2021, début 2022, entre 12/13 milliards de dollars.   Prenant à contre pied les prévisions internationales , le PLF 2021 prévoit des resserves de change  fin 2021 à  46,8 milliards de dollars en 2021,  assurant  les importations et les services durant 16 mois  et ce suite à l’amélioration prévue dans le déficit de la balance des paiements qui devrait atteindre -3,6 MDS en 2021  et avec  des  seuils de réserves de change  de 47,53 milliards de dollars en 2022 et 50,02 MDS  en 2023.  Sixième   impact   sur   le taux d'inflation qui influe sur le pouvoir d'achat compressé en Algérie compressé en Algérie par les subventions généralisées et non ciblées source de gaspillage.    Les prévisions du PLF 2021 parlent « d’une légère accélération» en 2021 pour atteindre 4,5% en raison de la baisse de la consommation et des revenus des ménages et des sociétés, suite à l’exécution des instruments de la politique monétaire. Il sera en effet de l’ordre de 4,05% en 2022 et de 4,72% en 2023.  Pour l’Algérie s’impose une révision du calcul  de  l’indice pour tenir compte de l’évolution  des besoins nouveaux, où l’immatériel tend à prendre une proportion croissante et devant impérativement analyser les liens entre croissance, répartition du revenu national et le modèle de consommation par  couches sociales..   Septième  impact   La cotation du dinar où  la valeur  d'une monnaie dépend avant tout  du niveau de la production et de la productivité est coté le 30 octobre 2020 cours achat à 128,83 dinars un dollar et 151,68 dinars un euro ( source banque d’Algérie). Concernant les cours de change du Dinar algérien (DA), le projet de loi de finances en 2021 prévoit  une déprécation par rapport au  dollar américain (USD), où la moyenne annuelle devra atteindre 142,20 DA/USD en 2021, 149,31 DA/USD en 2022 et 156,78 DA/USD en 2023. En prenant l’écart actuel  de 18% euro/dollar,  ,un euro  officiel  vaudrait en 2023 182 dinars un euro  et sur le marché parallèle , avec un  écart d’environ, 50% nous aurons 280 dinars un euro. Sans dynamisation de l’appareil productif nous assisterons une hyperinflation. Toute  baisse  du dinar par rapport au dollar et à l'euro permet d'augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures  et la fiscalité ordinaire  Pour combler le   déficit budgétairel'Algérie a eu recours  à l’émission monétaire.   La Banque Centrale  de  mi-novembre 2017 à avril 2019, a mobilisé 55 milliards de dollars, soit l'équivalent de 32 % du PIB de 2018.  Ce financement favorise  la baisse  des réserves de change, puisque en mettant à la disposition des entreprises des dinars, 70/80% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées,  ces dernières  importeront de l’étranger  en devises.

En conclusion, comme je l'ai démontré récemment dans l'interview donnée à l’American Herald Tribune –USA-le 23 avril 2020 « Prof. Abderrahmane Mebtoul: We Have Witnessed a Veritable Planetary Hecatomb and the World Will Never be the Same Again », l’impact de l’épidémie du coronavirus sur l’économie mondiale sera de longue durée.   La future politique socioéconomique   devra tenir compte de   la demande de révision par l’Algérie de  certaines clauses de l’Accord d’Association avec l’Europe,   pour un partenariat gagnant et des tensions  géostratégiques en Méditerranée,  au Sahel  et en Libye..  La réalisation de la loi de finances 2021 dépendra à la fois du cours des hydrocarbures  et de la dynamisation du tissu productif, fonction des réformes,  qui demandera, minimum,  entre 4/5ans, la compression des importations ayant des limites, le taux d’intégration ne dépassant pas 15%.

Le 30 10/2020

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