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Algérie : la loi de finances 2021, repose-t-elle sur des hypothèses réalistes ?

12-11-2020 15:20  Pr Abderrahmane Mebtoul

Le grand problème qui se pose avec le PLF 2021, sera-t-elle en adéquation  avec la  crise mondiale due à  l’épidémie du coronavirus  qui   touche tous les  pays du monde et pas seulement l’Algérie mono exportatrice  et l’Algérie  ne sera-t-il pas  contrainte de recourir  à une loi de finances complémentaire courant juin 2021 ?  C’est que les hydrocarbures représentant avec les dérives  98% des recettes en devises dont 33% proviennent du gaz naturel.  Or, les dernières données de l’ONS  du 07 novembre 2020 sont inquiétantes et  cette baisse, du  fait de la faiblesse des exportations hors hydrocarbures,  en plus du retard dans les réformes structurelles internes,  impacte l’économie algérienne et   influe sur le taux de croissance, le taux de chômage et  le niveau des réserves de change qui tiennent la cotation du dinar à plus de 70%   (notre interview Monde.fr/AFP Paris 10/08/2020). 

1..  Les données de l’ONS du 07 décembre 2020   contredisent tant la loi de finances complémentaires 2020 que les prévisions optimistes    de la PLF 2021. Selon , l’ONS, durant les six premiers mois, le volume des exportations algériennes a baissé de 35,9% pour totaliser 1365,0 milliards de DA soit au cours de 128 dinars un dollar  10,66 milliards de dollars  contre 2129,8 milliards de DA à la même période 18,04 milliards de dollars de l'année 2019, dont  98% avec les dérives proviennent  de Sonatrach.  Quant aux importations, elles ont atteint 2 128,4 milliards de DA durant les six premiers mois de l'année en cours, 18,03 milliards de dollars contre 2 660,0 milliards de DA  soit 22,24 milliards de dollars  à la même période en 2019. Ces évolutions ont conduit à un creusement" du déficit commercial qui est passé de (-530,2 milliards de DA) 4,5 milliards de au cours de 128 dinars u dollar,    et au 1er semestre 2019 à (-763,4 milliards de DA) à la même période de l'année en cours, 6,5 milliards de dollars, montant auquel il faut ajouter les services pas moins de 4/5 milliards de dollars, rappelant que ce poste a occasionné une sortie de devises entre 10/12 milliards de dollars/an entre 2010/2019. Or,  paradoxalement sans spécifier les secteurs  pour 2021 facteur d’économies de devises, ou les actions concrètes contre les surfacturations, la loi  de finances  2021 est en contradiction avec ces données récentes de l’ONS. Concernant la sphère informelle qui représente plus de 50% du tissu économique, existe une loi universelle :  elle s’étend en période de crise et le danger est l’augmentation des impôts sur les activités visibles en difficultés ce qui accroitra cette sphère  sans permettre l’augmentation du  recouvrement fiscal. Aussi, le PLF 2021  ne repose que  sur  des hypothèses car le grand problème, est ce que le tissus productif sera dynamisé entre temps. Aussi,  l’objectif de réaliser la symbiose entre équilibres macro-économiques et équilibres sociaux sera un exercice difficile sans un retour à la croissance conditionné tant par l’investissement productif interne public/privé  qu’international supposant un retour à la croissance de l’économie mondiale  et au niveau interne  la levée des entraves bureaucratiques, la lutte contre la corruption, une meilleure gestion et un changement profond de la politique socio-économique.  La loi  de finances  2021 prévoit  une baisse des importations  de 14,4% de la valeur courante  par rapport à la clôture 2020, pour atteindre 28,21 milliards de dollars. 27,39 milliards de dollars en 2022 puis 27,01 milliards de dollars en 2023, et une croissance économique nationale de 3,98 % en 2021, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020.  Comment cela sera t –il possible où le PLF2021  prévoit  les dépenses budgétaires (dépenses de fonctionnement et d’équipement) se situent à environ 8113 milliards de dinars, tandis que les recettes fiscales globales (ordinaires et pétrolières) sont estimées à 5328 milliards de dinars, soit un déficit budgétaire record de 2784,8  milliards de dinars soit au cours de 128 dinars un dollar plus de 21,75 milliards de dollars  contre  à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars. Le déficit global du trésor prévu   est de 3614,4 milliards de dinars   soit 28,26 milliards de dollars, soit 17,6% du PIB. Nous assistons également  à une augmentation du budget de fonctionnement  et à une augmentation des transferts sociaux  estimés par le PLF2021 à 1927,5 milliards de dinars soit 15,06 milliards de dollars  en hausse de 79,98 milliards de dinars  par rapport à la Loi de finances 2020., dont 63,8% destinés  à l’habitat et à la santé. Et comme dans les années  passées, le PFL2021 ne propose pas  d’actions ciblées et donc pas de solutions concrètes  sur  les véritables impacts de réduction des inégalités et de la cohésion sociale. Cette vision  de surcroit, populiste, est intenable dans le temps car la justice sociale ne saurait signifier égalitarisme source de démotivation des énergies créatrices et pouvant conduire le pays à la dérive économique, et sociale,  toute Nation ne pouvant distribuer plus que ce qu’elle produit.  

2.- Fortement connectée à l économie  mondiale via les exportation des hydrocarbures , la raison principale de cette situation socio économique est  la baisse des recettes d’hydrocarbures  due à l’épidémie du coronavirus mais également des nouvelles tendances du nouveau modèle de consommation énergétique au niveau mondial avec  la dépense publique qui reste  le  facteur essentiel  de la croissance économique, Or, le PFL2021  prévoit une baisse  de la fiscalité pétrolière  estimée à  1919,2 milliards  de dinars  ( artificiellement gonflé par le dérapage  du dinar par rapport au dollar pétrole/libellé en dollars d’au moins 10%)  )  , contre 2667 en 2019, soit une baisse de 748,8 milliards de dinars. Comme je l'ai démontré récemment dans l'interview donnée à l’American Herald Tribune –USA-le 23 avril 2020 « Prof. Abderrahmane Mebtoul: We Have Witnessed a Veritable Planetary Hecatomb and the World Will Never be the Same Again », l'impact de l'épidémie du coronavirus sur l’économie mondiale sera fonction du vaccin  don les dernières nouvelles optimistes ont permis une hausse du cours des hydrocarbures entre le .11  novembre 2020 à plus de 43/44 dollars le Brent mais n’ayant pas influencé le cours du gaz naturel qui  s’établit   à 2,949 dollars le MBTU le 11 novembre 2020.  Cependant  évitons toute euphorie  car  selon   le rapport de l’OPEP d‘octobre 2020, la demande mondiale de pétrole fin 2020 devrait reculer plus fortement qu'anticipé jusqu'à présent, de 9,5 Mb/j, pour atteindre 90,2 Mb/j en raison  de la crise sanitaire et économique liée à la pandémie de Covid-19 et  concernant la demande mondiale pour 2021, revues à la  baisse, de 0,4 Mb/j par rapport cette demande devrait  en 2021 s'établir  à 96,9 Mb/j, loi des prévisions avant la crise de plus de 100 millions de barils/jour.  L’élection américaine est  déterminante pour l’avenir car les démocrates ont une autre vision de la politique énergétique, avec le retour  des USA aux accords de Paris COP21 sur le réchauffement climatique. Bien que le nouveau président dit ne pas vouloir interdire le développement du pétrole/gaz de schiste  dont les UA  sont le premier producteur mondial, s’engageant avec les nouvelles techniques à améliorer les effets de la fracturation hydraulique,  le programme de Joe BIDEN  prévoit  2000  milliards de dollars, soit 10% du PIB  2019,  pour le développement des énergies renouvelables, les industries écologiques  et l’efficacité énergétique mais supposant d’voir l’aval du Sénat en majorité républicain, ce qui devrait avec la nouvelle politique européenne ( USA et Europe représentant en 2019 plus de 45%  du PIB mondial) ralentir la demande es énergies fossiles classiques entre 20205/2035, la Chine ayant également prévu d’importants investissements dans ce domaine. L’Algérie devra se préparer à ces nouvelles mutations énergétiques. A cour terme,  les  recettes de Sonatrach auxquelles  il faudrait retirer les  coûts et les parts des associés pour avoir le profit net, contre d’environ  34 milliards de dollars en 2019   devrait s’établir fin 2020 entre 19/20 milliards de dollars  au vu  des dernières statistiques   de l’ONS du 07 novembre 2020 et dans l’hypothèse d’un cours moyen de 35/37 dollars le second semestre 2020 pour le  pétrole, et ¾ dollars le MBTU pour le gaz et  devant tenir compte de la  baisse des exportations  en volume physique.

3.- C’est que le   taux de croissance du  produit intérieur brut (PIB)  à prix courants se calcule  par rapport à la période précédente, un taux de croissance élevé en T1 par rapport à un taux de croissance faible en TO donne globalement un taux faible.  Pour  2019, le taux de croissance  a été de 0,8% pour le gouvernement , 0,7% pour le FMI . Pour les prévisions 2020  , le   Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales publié  le 13 octobre 2020   a révisé à la baisse ses prévisions de croissance de l’économie algérienne à -5,5% en 2020, contre -5,2% anticipée en avril , 2020  tablant  un taux de croissance de 3,2% en 2021, contre 6,2% dans son rapport d'avril 2020 , soit la moitié de ce qui était prévu  et ce  sous réserve de la maîtrise de l’épidémie du coronavirus qui impacte la croissance de l’économie mondiale. Le projet de loi de finances 2021 est plus optimiste  prévoyant une croissance économique nationale de 4,0%,  malgré l’hibernation  de la  majorité des segments productifs une croissance hors hydrocarbures de 2,4% en 2021, 3,37% en 2022 et 3,81%  en 2023 % , après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l'exercice 2020.  Ces résultats  optimistes difficilement réalisables, car un projet, rentable dans le cadre des valeurs internationales,  n’atteint le seuil de rentabilité pour les PMI PME qu’au bout de trois ans  et pour les segments hautement capitalistiques  entre 5/7 ans sous réserve de la levée des entraves bureaucratiques  . Aussi .l’économie  algérienne sera encore pour longtemps  tributaire d’un cours de pétrole  supérieur à 50/60 dollars, la baisse drastique des importations de biens et services  ayant des limites , taux d’intégration ne dépassant pas 15/20% certains postes étant  incompressibles quitte à étouffer tout l’appareil productif existant.  Cela un impact  sur le taux de chômage, mais  devant tenir compte de la   pression démographique. En  2020, la population dépasse 44 millions d'habitants, avec  une prévision pour 2030 de plus de 50 millions d’habitants.  La population active fin 2020 dépasse 12,80  millions et  il faut créer annuellement entre 350.000 et 400.000 emplois nouveaux par an.  La structure de l'emploi, fait ressortir un secteur tertiaire dominé par le  commerce, les   services et l'administration) avec un nombre de retraités en mai 2020 de  3.266.000 personnes où  la caisse de retraite connaît un déficit structurel. Comme conséquence , nous assistons  à un accroissement du taux de chômage où pour  le FMI, il devrait atteindre 14,1% en 2020 et 14,3%  en 2021.

4.- Cette situation influe  le niveau des réserves de change  2020/2021. Selon le  FMI,  l’Algérie a besoin d’un baril de plus de 135 dollars  en 2021 et selon   le site spécialisé, Oil Price,  157,2 dollars pour équilibrer son budget.  le prix du baril fixé par la loi de finances 2020  de 30 dollars, prix fiscal et 35 dollars prix marché, le PLF 2021 40 dollars,   n’est  qu’un  artifice comptable.  Selon les prévisions du FMI pour les années précédentes, le prix d'équilibre du baril pour l'Algérie était estimé de 104,6 dollars en 2019, à 101,4 dollars en 2018 et à 91,4 en 2017. Il s’ensuit une  baisse drastique des réserves de change qui   ont évolué ainsi :  -- 2013 : 194,0 milliards de dollars,  - 2018 : 79,88 milliards de dollars - fin  2019 :  62 milliards de dollars, - fin 2020, les prévisions de la   loi de finances complémentaire  étant  de  44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale  Le FMI pour prévoit     33,8 milliards de  dollars fin 2020,  le trésor français 36 milliards   et fin 2021, début 2022, entre 12/13 milliards de dollars.   Prenant à contre pied les prévisions internationales , le PLF 2021 prévoit des réserves de change  fin 2021 à  46,8 milliards de dollars en 2021,  assurant  les importations et les services durant 16 mois  et ce suite, toujours selon les prévisions optimistes non étayées par les faits tangibles, à l’amélioration prévue dans le déficit de la balance des paiements qui devrait atteindre -3,6 MDS en 2021  et avec  des  seuils de réserves de change  de 47,53 milliards de dollars en 2022 et 50,02 MDS  en 2023. Comment cela sera-t –il réalisable vu tant la conjoncture internationale défavorable qu’interne où la majorité  des secteurs productifs, hormis l'agriculture,  sont en hibernation ?  Comme la cotation du dinar est corrélée  aux réserves de à plus de 70%  où  la valeur  d'une monnaie dépend avant tout  du niveau de la production et de la productivité, le dinar officiel  est coté le 02 novembre  2020, le  cours achat est de  129,51 dinars un dollar et 150,54 dinars un euro ( source banque d’Algérie). Concernant les cours de change du Dinar algérien (DA), le projet de loi de finances en 2021 prévoit  une dépréciation par rapport au  dollar américain (USD), où la moyenne annuelle devra atteindre 142,20 DA/USD en 2021, 149,31 DA/USD en 2022 et 156,78 DA/USD en 2023. En prenant l'écart actuel  de 18% euro/dollar,  ,un euro  officiel  vaudrait en 2023 182 dinars un euro  et sur le marché parallèle , avec un  écart d’environ, 50% nous aurons 280 dinars un euro. Sans dynamisation de l'appareil productif nous assisterons une hyperinflation. Toute  baisse  du dinar par rapport au dollar et à l'euro permet d'augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures  et la fiscalité ordinaire, pour combler le   déficit budgétaire, l'Algérie a eu recours  à l’émission monétaire.   La Banque Centrale  de  mi-novembre 2017 à avril 2019, a mobilisé 55 milliards de dollars, soit l'équivalent de 32 % du PIB de 2018.  Ce financement favorise  la baisse  des réserves de change, puisque en mettant à la disposition des entreprises des dinars, 70/80% des matières premières et des équipements des entreprises étant importées,  ces dernières  importeront de l’étranger.

5.-En conclusion, le XXIème siècle sera marqué par ‘l’innovation permanente, Un grand  défi attend l’Algérie de demain, défi à sa portée du fait de ses importantes potentialités.  La future politique socio économique   devra tenir compte des  nouvelles mutations mondiales   axées sur la  transition  numérique et énergétique ,  de   la demande de révision par l’Algérie de  certaines clauses de  l'Accord d'Association avec l’Europe, négociations toujours en cours,   pour un partenariat gagnant, des tensions  géostratégiques en Méditerranée,  au Sahel  et en Libye.  D’ où   l'urgence d'approfondir les réformes internes institutionnelles et micro économiques, portées par de nouvelles forces sociales,  car la puissance d'une Nation et sa prospérité sociale se mesurent  à son économie. Dans  ce cadre, il faut rappeler  que   le  référendum pour la révision  de la  constitution du 01 novembre 2020, s'est tenu  dans un contexte national et international défavorable : maladie du président  de la  république , dossier de corruption des anciens responsables  créant une névrose collective et une crise de confiance , épidémie du coronavirus, une faiblesse dans le système de communication non adapté au nouveau monde  et le  marasme économique et social qui n'est pas propre à l’Algérie.    Le taux de participation a été de 23,7% sur un nombre total d'inscrits de 24.475.310 dont 907.298 résidents à l’étranger et le nombre de votants de 5.636.172 dont 45.071 résidents à l’étranger.   Le nombre de voix exprimés a été de 5.023.385 dont le nombre de OUI 3.355.518 soit par rapport aux inscrits 13,70% et le nombre de votes NON, 33,20% , 1.676.867 de voix soit par rapport aux inscrits 6, 85% qui s'ajoutent aux  633.885  voix de bulletins nuls(    407 en litige)  soit au total 9,44% . Aussi, l’urgence après le référendum  du 01 novembre 2020, et quelque soit l’appréciation que l’on fait,  est  le redressement de l’économie nationale  supposant une autre gouvernance et un renouveau du personnel politique  dans les sphères des  hautes  institutions politiques, économiques  et de contrôle ( la Cour des comptes étant en léthargie ainsi que le conseil national de l’Energie) ,sans compter le Conseil Economique et Social dont la composante n’a pas été renouvelée depuis 2010juste la désignation  du président,    pour redonner la confiance  sans laquelle aucun  développement n'est possible. Il  faut un discours de vérité , ni sinistrose, ni autosatisfaction, source de névrose collective et  éviter les  discours démagogiques auxquels  auxquels plus personne ne croit si l’on veut mobiliser la population algérienne. 

Le 12/11/2020  

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