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Algérie/Europe : pour un dialogue fructueux et un partenariat gagnant/gagnant

28-02-2016 09:58  Contribution

 

Au XXIème siècle, les batailles pour le développement, pour une prospérité partagée,  impliquent  la bonne gouvernance  la valorisation du savoir et la refonte des relations internationales

 Comme rappelé dans mes contributions au site Algerie1,  et reprenant les grandes lignes de ma conférence à l’invitation du  parlement européen (1) après une réelle inquiétude de la communauté internationale et de bon nombre d’opérateurs algériens, concernant une circulaire des douanes, où certains médias ont supputé sur la rupture de l’Accord qui lie l’Algérie à l’Union européenne, coté de Bruxelles, le  porte parole de la délégation européenne  Hacine Skender selon une déclaration en date du 25/02/2016 à Jeune Afrique attend des autorités algériennes des éclaircissements sur cette instruction. Selon mes informations aux plus hauts niveaux des autorités algériennes, « l’Algérie qui a toujours respecté ses engagements internationaux se conformera aux règles régissant le commerce international qui prévoient des restrictions quantitatives (licences) lorsqu’un pays membre a des difficultés de balance de paiement. Il n’est nullement question de rompre l’Accord d’Association qui la lie à l’Europe, son principal partenaire économique, étant en négociation pour un partenariat gagnant/gagnant , l’Europe ne devant plus considérer l’Algérie uniquement du point de vue d’un marché ». 

1.-Régler les différents Algérie/Europe : pour une prospérité partagée

L’Accord qui lie l’Europe pour une zone de libre échange avec l’Europe a été  signé le 01 septembre 2005 avant l’élargissement de l’Europe. Il existe des incompréhensions qu’il s ‘agit de lever afin de réaliser un partenariat gagnant/ gagnant tant profit de l’Algérie que l’Europe, (n’oublions pas la Chine  qui cumulé entre 2005/2015 le déficit commercial de l’Algérie se chiffre à plusieurs dizaines de milliards de dollars)  la stabilisation de l’Algérie qui conditionne la stabilité de la région,  passant par le redressement économique et social pour une économie humanisée mondiale solidaire. C’est ainsi que suite aux décisions du gouvernement algérien courant 2009 de postuler 51 pour cent aux algériens dans tout projet d’investissement et 30 pour cent des parts algériennes dans les sociétés d’import étrangères avec un effet rétroactif, ce qui serait contraire au droit international, qui explique la réaction européenne de Catherine ASHTON, ex commissaire européenne au commerce extérieur qui a demandé l’annulation de ces directives  dans une correspondance officielle adressée au gouvernement algérien, invoquant que l’Algérie aurait violé les articles 32 , et 37 , 39 et 54 de cet Accord. Pour la partie algérienne,  c’est l’Europe qui n’a pas respecté les engagements contenus dans l’Accord qui lie l’Algérie à l’Europe en n’ayant ni favorisé l’investissement productif, ayant une balance déséquilibrée hors hydrocarbures avec des pertes fiscales. Dialogue de sourd : l’Algérie reproche à l’Europe le manque d’enthousiasme dans l’investissement et l’Europe reproche à l’Algérie le manque de cohérence et de visibilité dans les réformes micro-économiques et institutionnelles.  C’est à ce titre, que le  Conseil des Ministres en date  du 06 octobre 2015 a considéré  nécessaire de réévaluer les volets économique et commercial de l’accord d’association avec l’Union européenne (UE) qui n’a pas réalisé les objectifs attendus en matière d’investissements européens en Algérie.  Les discussions sur la révision de l’Accord d’association, signé entre l’Algérie et l’Union européenne (UE) en 2002 et mis en œuvre en septembre 2005, seront lancées prochainement, selon  la Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini lors de sa dernière visite en Algérieles 16 et  17 septembre 2015.   Que stipulent les articles de l’Accord ? L’article 32 pour la  présence commerciale stipule que l’Algérie réserve à l’établissement de sociétés communautaires sur son territoire un traitement non moins favorable que celui accordé aux sociétés de pays tiers, qu’elle  réserve aux filiales et succursales de sociétés communautaires établies sur son territoire, conformément à sa législation, un traitement non moins favorable, en ce qui concerne leur exploitation que celui accordé a ses propres sociétés ou succursales ou à des filiales ou succursales algériennes de sociétés de pays tiers, si celui-ci est meilleur. Les dispositions générales l’article 37 stipulent que les  parties évitent de prendre des mesures ou d’engager des actions rendant les conditions d’établissement et d’exploitation de leurs sociétés plus restrictives qu’elles ne l’étaient le jour précédant la date de signature du présent accord.. Quant l’article 39, il stipule que la Communauté et l’Algérie assurent, à partir de l’entrée en vigueur du présent accord, la libre circulation des capitaux concernant les investissements directs en Algérie, effectués dans des sociétés constituées selon la législation en vigueur à la législation ainsi que la liquidation et le rapatriement du produit de ces investissements et de tout bénéfice en découlant. Enfin l’article 54 pour la promotion et protection des investissements stipule que la  coopération vise la création d’un climat favorable aux flux d’investissements et se réalise notamment à travers l’établissement de procédures harmonisées et simplifiées des mécanismes de co-investissement (en particulier entre les petites et moyennes entreprises) ainsi que des dispositifs d’identification et d’information sur les opportunités d’investissements, favorables aux flux d’investissements , l’établissement d’un cadre juridique favorisant l’investissement le cas échéant, par la conclusion entre l‘Algérie et les Etats membres, des accords de protection des investissements et d’accords destinés a éviter la double imposition et l’assistance technique aux actions de promotion et de garantie des investissements nationaux et étrangers. Aussi, afin de préserver les intérêts supérieurs de l’Algérie, et entrevoir une réorientation   de la politique économique et sociale,  il  s’agit d’analyser objectivement  les conclusions de  l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur largement reprises par la presse nationale  pour qui  les exportations se sont établies à seulement 12,3 milliards de dollars  en près de dix (10) ans contre 195 milliards de dollars d’importations sur la  même période, (2005/2014) alors que  les   exportations algériennes hors hydrocarbures vers les pays membres de l’UE sont passées de 597 millions en 2005 à 2,3 milliards de dollars en 2014.

2.-L’évolution des échanges commerciaux entre l’Algérie et l’Europe

Par zone géographique, la totalité des  exportations vers l’Europe y compris les hydrocarbures  entre 2000/2014 est  de 378,26 milliards de dollars, nous donnant un ratio de  51,67%.

Exportation/ Europe  2000/2004…..70,13 milliards de dollars soit une moyenne annuelle de 14,02 milliards de dollars.

Exportation/ Europe  2008/2009-  119,73 milliards  de dollars, soit une moyenne annuelle de 23,94 milliards  de dollars.

Exportation/Europe   2010/2014  188,40  milliards de dollars soit 37,68 milliards de dollars.

Ratio exportation  2000/2004…………………….exportation Europe total …59,96%

Ratio exportation 2005/2009…………………     exportation Europe /total ..  42,40%

Ratio exportation 2010/2014                                  exportation Europe……     44,81%

Quant aux importations pour la période 2000/2014 le montant a été de  462,85 milliards de dollars   de biens non compris les services : 

Importation totale entre  2000/2004…………………. 62,96 milliards de dollars, soit une moyenne annuelle   de 12,59 milliards de dollars

Importation totale  entre 2005/2009……………        148,40, soit une moyenne annuelle de 29,68 milliards de dollars

Importation totale entre 2010/2014…………………        251,53 milliards de dollars, soit une moyenne annuelle de 50,30 milliards de dollars

Importation Europe  total…………………….            244,325 milliards de dollars   ratio global 52,78%

Importation/Europe 2000/2004……………….                35,942 milliards de dollars  soit une moyenne annuelle de 7,18 milliards de dollars

Importation/Europe 2005/2009……………….                 79,168 milliards de dollars, soit une moyenne annuelle de 15,83 milliards de dollars

Importation/Europe  2010/2014…………….                    129,215  milliards de dollars, soit une moyenne annuelle de 20,05 milliards  de dollars.

Ratio importation  de biens Europe sur le total

2000/2004……………………………………………………………57,08%

2005/2009……………………………………………………………53,34%

2010/2014……………………………………………………………52,88%

Pour 2014, les  pays de l’Union Européenne sont toujours les principaux partenaires de l’Algérie, avec les proportions respectives de 50,67% des importations et de 64,21% des exportations. A l’intérieur de cette région économique, on peut relever que le  principal client est l’Espagne  suivi par l’Italie et la France. Pour les principaux fournisseurs, la France occupe le premier rang des pays de l’Union européenne   suivie par l’Italie et l’Espagne. Dans ce contexte,  la visite à Alger, de la Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini, a été l’occasion de réaffirmer la détermination commune à rehausser les relations à la hauteur des ambitions proclamées. La volonté serait de « densifier » cette coopération, selon le ministre algérien des Affaires étrangères algérien, pour qui « la démarche d’évaluation réclamée par l’Algérie ne vise nullement à remettre en cause l’Accord, mais, bien au contraire, à l’utiliser pleinement dans le sens d’une interprétation positive de ses dispositions permettant un rééquilibrage des liens de coopération, Du côté européen, on évoque des discussions « constructives ».  Selon la partie européenne, la relation bilatérale, prometteuse aussi bien dans le domaine de l’énergie que dans l’activité des entreprises et du commerce, a un potentiel inexploré, même si grevé par des lourdeurs administratives et de décision politique persistantes. La situation du pays reste toutefois tributaire de l’évolution des marchés d’hydrocarbures, des ventes dont le pays tire l’essentiel de ses revenus, en rappelant que la  coopération énergétique, basée sur un protocole spécifique, est au centre de la coopération avec l’UE.

3.- Approfondir les réformes pour négocier en rapport de forces

L’Algérie afin de négocier en rapport de forces, implique  changement de la mentalité bureaucratique, en ce XXIème siècle ce ne sont pas les Etats qui investissent, jouant le rôle de régulateur, devant concilier efficacité économique et une profonde  justice sociale, mais les opérateurs qui sont mus par la logique du profit. Personne ne pouvant se targuer d’être plus nationaliste qu’un autre, la facilité et la fuite en avant est de vouloir imputer les causes du blocage seulement à l’extérieur (ce discours anti-impérialiste chauviniste pour faire oublier les problèmes intérieurs, ce chat noir dans un tunnel sombre que l’on ne voit jamais) alors que le mal essentiel est en nous. L’extérieur est-il responsable de la montée en puissance de la bureaucratie destructrice et de la corruption dominante; l’extérieur est-il responsable de notre mauvaise gestion et du gaspillage de nos ressources. Certes, les inquiétudes étant légitimes car les baisses tarifaires sont un manque à gagner à court terme variant selon les sources entre 1,5 et 2 milliards de dollars par an du fait du dégrèvement tarifaire, mais devant raisonner en termes d’avantages comparatifs dynamiques à moyen terme.  Invoquer la situation mono exportatrice de l’Algérie, ne tient pas la route, la majorité des pays de l’OPEP étant membres de l’OMC (97% du commerce mondial et 85% de la population mondiale). Le grand défi  pour l’Algérie est d’accélérer la réforme globale pour tirer es avantages comparatifs  d e l’insertion dans la division internationale du travail. En effet,  je pense fermement que pour bénéficier des effets positifs de l’Accord avec l’Europe que d’une éventuelle adhésion à l’OMC, ( sinon les effets pervers l’emporteront) qu’il faille faire d’abord le ménage au sein de l’économie algérienne et que ce sont les freins à la réforme globale du fait de déplacements des segments de pouvoir (les gagnants de demain n’étant pas ceux d’aujourd’hui) qui explique le dépérissement du tissu productif. Toute analyse opérationnelle devra relier l’avancée ou le frein aux réformes en analysant les stratégies des différentes forces sociales en présence, la politique gouvernementale se trouvant ballottée entre deux forces sociales antagoniques, la logique rentière épaulé par les tenants de l’import (13.000 mais en réalité seulement 100 contrôlant plus de 80% du total) et de la sphère informelle malheureusement dominante et la logique entrepreneuriale minoritaire. Cela explique que l’Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ni économie de marché, ni économie administrée, expliquant les difficultés de la régulation, l’avancée des réformes étant inversement proportionnelle au cours du pétrole et du cours du dollar, les réformes depuis 1986 étant bloquées ou timidement faites avec incohérence lorsque que le cours baisse. Cela explique également que malgré des dévaluations successives, il a été impossible de dynamiser les exportations hors  hydrocarbures, 80% directement et indirectement du taux de croissance du PIB (via le BTPH notamment et les subventions)  l étant eux même tirés par la dépense publique via les hydrocarbures ce qui donne aux entreprises créatrices de richesses publiques ou privées (souvent endettées vis à des banques publiques) une part négligeable, le blocage étant d’ordre systémique. La baisse de la salarisation  depuis plus de deux décennies au profit des emplois rentes traduit la prédominance de l’économie rentière et la faiblesse de la dynamique de l’entreprise créatrice de valeur ajoutée. Les infrastructures n’étant qu’un moyen, l’expérience récente malheureuse de l’Espagne qui a misé sur ce segment doit être méditée attentivement par les autorités algériennes. Aussi, pour pouvoir attirer les investissements porteurs, le gouvernement algérien devrait donc mette en place des mécanismes de régulation afin d‘attirer des investisseurs porteurs, évitant des changements périodiques de cadres juridiques, des actions administratives bureaucratiques non transparentes source de démobilisation et qui risquent de faire fuir les investisseurs sérieux qu’ils soient locaux ou étrangers. Les réformes économiques indispensables impliquent des stratégies d’adaptation tant à la mondialisation de l’économie dont l’espace méditerranéen et africain  est son espace naturel qu’aux mutations internes. Le cadre macro-économique relativement stabilisé en Algérie  est éphémère sans de profondes réformes structurelles surtout avec la baisse du cours  des hydrocarbures, avec comme incidences  le risque de l’épuisement du fonds de régulation des recettes (2017) et les réserves de change (2018/2019).

3.- L’Algérie recèle des potentialités pour sortir  de la crise

 Les réformes de structures doivent avoir pour finalité d’encourager l’investissement créateur de valeur ajoutée passant  la refonte du système financier, douanier, fiscal,  l’administration et une nouvelle régulation sociale au profit des plus démunis.  Il y a urgence d’objectifs politiques plus précis et une nouvelle organisation institutionnelle afin de donner plus de cohérence à la politique socio-économique. Je déplore qu’aucun débat public sérieux n’ait eu lieu sur le futur rôle de l’Etat en Algérie, débat indispensable pour éclairer la future politique économique et sociale. Les débats contradictoires en association toutes les composantes de la  société, tolérant les  différentes sensibilités  et  la nécessaire cohésion sociale me semblent être la seule voie pour dépasser la crise  multidimensionnelle actuelle, car les ajustements sociaux seront douloureux  afin d’éviter un retour au FMI entre 2016/2020.Des débats productifs et  le langage de la vérité   de solutionner  les problèmes sont vitaux. Aussi,  le   rôle de l’intellectuel,  de tout cadre de l’Etat, de tout Ministre,  n’est pas de produire des louanges par la soumission contre-productive, en contrepartie d’une distribution de la rente, mais  d’émettre des idées constructives, des solutions opérationnelles,  par un discours de vérité  en vue d’une mobilisation  de la population algérienne et ce pour faire avancer positivement la société. Il n’existe que deux alternatives : soit le statut quo qui pourrait conduire à d’importantes tensions sociales horizon 2018 ou réussir les reformes structurelles permettant le redressement national qui est possible devant éviter toute sinistrose. Contrairement  au dossier paru ans le Figaro dans son édition du 24/02/2016 prédisant un scénario catastrophe pour l'Algérie horizon 2020, souvent avec des données statistiques déformées, en toute objectivité,  l’Algérie, sous réserve d'une bonne gouvernance  et d'une réorientation de sa politique économique, a l’ambition de ses choix. Elle peut  devenir un acteur déterminant de  la stabilité de la région conditionnée par son développement économique et social, analyse soutenue dans mon interview  à Radio France Internationale RFI France le 27/02/2016/ 8h30/ dossier Afrique.

Algérie/Europe : pour un dialogue fructueux et un partenariat gagnant/gagnant(1)

Professeur des Universités, expert international, Dr Abderrahmane MEBTOUL

ademmebtoul@gmailcom

(1)-Professeur des Universités, expert international, Dr Abderrahmane MEBTOUL, membre de plusieurs organisations internationales- Voir la  conférence du Professeur  Abderrahmane MEBTOUL  à l’invitation du Parlement   européen Bruxelles   17 septembre  2013.



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