Le président afghan Hamid Karzaï met en cause l'"échec" des services de renseignements et en particulier l'Otan dans les attaques suicide perpétrées par les talibans, notamment à Kaboul, et qui ont fait 51 morts selon un nouveau bilan.
Ces attaques, les plus massives dans la capitale afghane en dix ans de guerre, ont pris fin lundi après 17 heures de combats, ayant fait 51 morts, dont 36 assaillants. Elles ont fait 11 morts dans les rangs des forces afghanes et quatre parmi les civils, d'après un bilan officiel.
Réagissant dans un communiqué, le président afghan a estimé que "les infiltrations de terroristes à Kaboul et dans d'autres provinces sont un échec du renseignement pour nous et particulièrement pour l'Otan et doivent faire l'objet d'une enquête sérieuse".
A l'inverse, le porte-parole du Pentagone George Little a estimé qu'il n'y avait pas de faillite du renseignement et que la coalition s'attendait à des attaques "bien coordonnées" de ce type à la reprise de la saison des combats.
Selon le Pentagone, elles ont été perpétrées par des militants du réseau Haqqani. Implanté dans l'Est de l'Afghanistan, le réseau Haqqani est l'une des composantes les plus actives de l'insurrection afghane.
Elles surviennent à moins d'un mois d'un sommet de l'Otan à Chicago, au cours duquel les gouvernements occidentaux veulent fixer le cadre de leur soutien à Kaboul après le retrait des forces internationales combattantes prévu pour être achevé fin 2014. Les forces afghanes devront alors avoir pris le relais, une gageure, disent les experts unanimes.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a condamné lundi ces attaques et demandé "à toutes les parties au conflit" de protéger les civils.
A l'aune d'un bilan humain relativement faible de ces attaques et de l'élimination des assaillants, le commandant américain de la force de l'Otan a pourtant été prompt à vanter la riposte des forces afghanes et l'ambassadeur américain à Kaboul à louer "clairement un progrès" dans leur capacité à prendre la relève des soldats étrangers.
Mais les kamikazes étaient de toute façon destinés à mourir, en mission suicide, l'arme de prédilection des talibans. Une bonne partie sont morts en déclenchant les explosifs contenus dans les gilets qu'ils portaient à cet effet et s'attaquer ainsi à plusieurs cibles majeures au coeur d'une capitale pourtant ultra-sécurisée constitue déjà en soi un succès, estiment experts et diplomates occidentaux.
Au moins six attaques coordonnées ont visé notamment le parlement, un vice-président, la force internationale de l'Otan (Isaf) et des ambassades occidentales dans la capitale et des symboles de l'Etat dans trois autres villes.
Les forces de l'ordre sont venues à bout dans la nuit de dimanche à lundi des derniers assaillants retranchés à Kaboul, au bout de 17 heures de combats, et avec l'appui d'hélicoptères américains.
Outre les 51 morts, près de 50 membres des forces afghanes ainsi que 25 civils ont été blessés dans les attaques de Kaboul et dans trois autres provinces, dont une ayant eu pour cible une importante base aérienne de l'Isaf à Jalalabad (est).
Les talibans ont considérablement intensifié leur insurrection ces trois dernières années et ont étendu leurs actions de guérilla à la quasi-totalité du territoire.
"Je suis immensément fier de la rapidité de la riposte des forces afghanes à Kaboul", avait commenté dès dimanche soir le général américain John Allen, qui commande l'Isaf. Plus des deux tiers des quelque 130.000 soldats de la force internationale sont américains.
A Washington, le porte-parole du Pentagone a loué le "travail très efficace" des forces afghanes.
Mais ces nouvelles attaques dans une ville truffée de barrages et de soldats et de policiers lourdement armés, conforte les experts dans leurs craintes d'un pourrissement du conflit. "Le fait qu'ils aient réussi à lancer simultanément des attaques complexes démontre un certain degré de perfectionnement dans leur aptitude à se mouvoir sans être détectés" au coeur de ce dispositif, souligne ainsi Martine van Bijlert, du Réseau des Analystes d'Afghanistan, un groupe de réflexion spécialisé dans ce conflit.
"Même s'il est vrai que les forces afghanes ont démontré cette fois une meilleure capacité de réaction, les talibans ont clairement démontré leur capacité à frapper de manière coordonnée où ils le veulent, quand ils le veulent", analyse pour l'AFP un diplomate occidental à Kaboul, sous le couvert de l'anonymat.
L'Otan et les Etats-Unis poursuivent le processus de retrait de leurs troupes combattantes censé s'achever fin 2014, face à des opinions publiques occidentales de plus en plus réticentes au maintien de leurs militaires dans ce que les experts qualifient volontiers de bourbier afghan.(afp)