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Affaire Khelil : Qui dit vrai ?

15-08-2013 17:36  Rafik Benasseur

On assiste à une vraie polémique aux forts relents politico-judiciaires dans ce qu’il convient d’appeler désormais «l’affaire Khelil». La bombe qu’était l’annonce d’un mandat d’arrêt international mardi dernier contre l’ex ministre de l’énergie et des mines par le Procureur général de la Cour d’Alger est-elle finalement un pétard mouillé ? C’est apparemment le début de ce scénario kafkaien auquel sont invités les algériens en cette fin d’été. En effet le mis en cause, est brusquement sorti de sa torpeur pour clamer son innocence via une riposte médiatique d’une minutie chirurgicale.

Chakib Khelil qu’on pensait définitivement cuit après cette procédure de la justice algérienne est monté sur ses grands chevaux pour dire à tout son monde qu’il n’est pas le corrompu en chef décrit dans les médias. Par le truchement de quatre journaux arabophones, il fait glisser un entretien dupliqué depuis Washington dans lequel il enfile la soutane du prêtre pour faire croire que son CV reste immaculé malgré les graves chefs d’inculpation retenus contre lui.

Il y a de quoi tomber à la renverse quand on lit les propos sereins de l’ex ministre qui promet de venir se défendre en Algérie à la seule condition qu’il ait droit à un procès juste. On est loin de la «condamnation sans appel» prononcée par le Procureur général de la Cour d’Alger ! Mieux encore, Chakib Khelil vient de bénéficier d’une défense inespérée de la part de…l’avocat officiel des droits de l’homme.

Me Farouk Ksentini qui n’est pas directement concerné par cette affaire s’est cru devoir voler au secours de l’ex ministre en criant à la présomption d’innocence. Le président de la Commission nationale consultative de défense des droits de l’homme (CNCDDH) a certainement raison de rappeler ce principe cardinal de la justice. Nul, en effet n’est coupable jusqu’à preuve du contraire.

Qu’est ce qui fait courir Ksentini ?

Mais au-delà de ce rappel, il serait naif de croire que Me Farouk Ksentini est mû uniquement par le souci d’attirer l’attention de l’opinion publique en tant que «Monsieur droits de l’homme». Tout le monde sait que ce Monsieur a su se taire sur d’autres affaires plus scabreuses et plus attentatoires aux droits de l’homme. Pourquoi alors s’est-il empressé de défendre la cause de Khelil ? Grande question qui en appellent d’autres.

A moins que ce fonctionnaire de la présidence par ailleurs propriétaire d’un grand cabinet d’avocat ne veuille offrir dés aujourd’hui ses services à un aussi prestigieux client qu’est Chakib Khelil. En jugeant utile de publier un communiqué pour «laver l’honneur» bafoué de l’ex ministre, l’avocat Ksentini lui a-t-il fait un appel du pied qu’il est le bien placé pour plaider sa cause ? Très possible surtout que le monde politique et judiciaire sont à ce point liés en Algérie. Autre lecture, en se lançant dans sa plaidoirie en faveur de Khelil, Farouk Ksentini semble avoir bien consulté le dossier et consulté des hommes influents au sommet de l’Etat, lui qui est cadre à la présidence…

Un bon feuilleton d’été

En menant ainsi ce qui s’apparente à une riposte de l’ex ministre, le président de la CNCDDH a dû recevoir quelque part un feu vert en tous cas une assurance que cette affaire est à la fois vide et juteuse. Il fallait alors jouer le premier redresseur de torts pour soigner son propre CV et peut être l’image de ceux qui soutiennent encore Chakib Khelil au sein du pouvoir. Il va sans dire que le 5ème entretien accordé aujourd’hui à El Watan cette fois, constitue le dernier acte d’une communication à l’américaine destinée à laver l’ex ministre de tous les pêchés qu’on lui a collé depuis une année au moins.

Reste la lancinante question de savoir qui dit vrai entre le Procureur général et Chakib Khelil. Le premier soutient que le mis en cause était malade et qu’il avait envoyé une lettre manuscrite accompagnée d’un certificat médical, pour justifier son impossibilité de répondre à une convocation de la justice. Mais que, après deux mois il n’avait pas donné signe de vie d’où ce mandat d’arrêt international. Faux, répond Khelil déclarant qu’il n’était pas malade et qu’il n’avait reçu aucune convocation ! Un bon feuilleton d’été pour les médias histoire d’oublier l’essentiel en attendant avril 2014…



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