Comme Don Quichotte célébrant les mérites de sa Dulcinée, le général à la retraite Mohamed Lamine Médiène alias Toufik, s'est fendu d'une lettre où il n'avait de yeux que pour son protégé et néanmoins parent l'ancien général Abdelkader Ait Ouarabi, alias Hassan.
En dehors de l'aspect familial, le plus gênant c'est le moment choisi par l'ancien patron du DRS qui aurait été plus conforme s'il avait contesté la mise aux arrêts de son protégé en juillet 2015 soit publiquement soit en démissionnant. Attendre cinq mois après que la justice ait rendu son verdict et contester publiquement la sentence relève plus de la déstabilisation que d'une volonté sincère de venir en aide à son parent condamné à cinq années d'emprisonnement. Et il faut dire que cette sentence est franchement clémente car les faits reprochés sont bien plus graves que ceux avancés lors du procès sous la formulation vague de "infractions aux consignes générales". Le parti pris pour un membre de sa famille est d'autant plus spécieux que le sort du général Djamel Kehal Mejdoub, ex responsable de la sécurité présidentielle, condamné par le tribunal militaire de Constantine à 3 ans de prison, n'a même pas été effleuré par le généralissime.
Cependant, il faut bien le reconnaître, le général Toufik n'est pas homme à démissionner, cet honneur il ne le connait pas pour n'avoir pas démissionné lorsque un de ses éléments le félon sous-lieutenant Mbarek Boumarafi, membre du GIS, avait abattu lâchement dans le dos feu le regretté président Mohamed Boudiaf. Il ne l'a pas fait lorsque un terroriste avait raté, n'était ce la providence, de peu d'attenter à la vie du président Bouteflika à Batna le 7 septembre 2007 lors d'un attentat qui a fait 22 morts et 107 blessés. Il n'a pas non plus démissionné lorsque le GIA a fait évader quelque 1200 prisonniers islamistes de la prison de Tazoult (Lambese) le 4 septembre 1994 emportant avec eux une grande quantité d'armes. Ce millier d'hommes formeront plus tard le futur GSPC. Seul le pauvre directeur des affaires pénitentiaires au ministère de la justice, en bon lampiste avait été débarqué de son poste. Il n'a pas démissionné non plus après l'évasion de centaines de prisonniers de la prison de Berrouaguia, ni après les attentats du Boulevard Amirouche, ni après ceux contre les locaux de l'ONU à Alger et la Cour constitutionnelle en 2007, ni contre l'aéroport d'Alger ni après les assassinats des moines de Tibhirine ni après les massacres à grande échelle de Bentalha et de Béni Messous, ni après la prise d'otages de l'Airbus d'Air France à l'aéroport Houari Boumedienne, ... et la liste est bien trop longue des nombreux cas qui auraient du pousser le généralissime à partir.
Par contre il pousse les autres à démissionner en usant de procédés peu amènes comme lorsqu'il a poussé à la démission le président Mohamed Liamine Zéroual, et avant lui son conseiller spécial Mohamed Betchine sur lequel il avait lâché contre lui la presse aux ordres en distillant vraies et fausses informations, rumeurs aussi féroces que désagréables... qui ont fini par porter leurs fruits.
Depuis la mi 3ème mandat du président Bouteflika, il a tenté de réitérer le même coup en s'attaquant au président de la république et à sa famille mais là il va échouer lamentablement et sera débarqué après plus de 25 ans de règne absolu et sans partages sur les services de renseignements.
Une création de Larbi Belkheir
Ce poste de chef des services secrets, il l'a eu par accident parce que ce personnage est lui même un accident de l'histoire. Il était monté au "maquis" en 1961 avec une fournée de jeunes, ceux de la 25ème heure, appelés communément "promotion cessez-le-feu", en référence à ceux qui suivaient les négociations algéro-françaises qui devaient déboucher sur l'indépendance du pays et qui, anticipant cet événement inéluctable, ont pris leurs devants rejoignant les maquis. En vérité le maquis, c'était le Maroc où Il sera affecté dans un bataillon de services et n'aura jamais tiré la moindre cartouche. A l'indépendance, il s'engage comme homme de troupe dans l'armée et poursuivra durant 20 ans une carrière aussi terne que monotone.
Une chose est sûre, le militaire était un obscur officier que rien ne prédestinait ni ne prédisposait à occuper les hautes fonctions de patron des services secrets tant le bonhomme était de peu d'envergure et dont les états de services militaires étaient insignifiants pour ne pas dire nuls. C'est grâce à son mentor Larbi Belkheir, à l'époque directeur de cabinet du président Chadli Bendjedid, qui l'avait fabriqué de toutes pièces, qu'il sera bombardé en 1990 à la tête de la nouvelle direction unifiée DGPS-DCSA, la première relevait directement du président de la République alors que la seconde relevait du ministre de la Défense, et qui changera de dénomination pour devenir DRS.
Petit retour en arrière : Au moment où le colonel Chadli Benjedid était chef de la deuxième région militaire à l'Ouest du pays, et le capitaine Larbi Belkheir son chef d'état major, notre bonhomme arrive avec le grade de lieutenant et devient le chef de la sécurité au bureau de la 2ème région militaire à Oran (DRSM). En 1978, il est promu au rang de capitaine et officier de sécurité de cette zone frontalière ensuite prend la tête de la sous-direction de la sécurité de l'armée sous le commandement du général Lakehal Ayat (1981-1988) directeur central de la sécurité militaire (DCSM).
En 1983, il est affecté à Tripoli (Libye) en tant qu'attaché militaire à l'ambassade d'Algérie. Il en revient en 1986 et grâce encore une fois à son mentor Larbi Belkheir, directeur de cabinet du président Chadli Bendjedid, il est bombardé chef du département de la défense et de la sécurité à la présidence de la République, un poste qui était en fait une rampe de lancement destinée à le faire atterrir à la direction du futur DRS selon les vœux de Belkheir qui voulait placer à la tête de cette structure stratégique un homme obéissant au doigt et à l’œil. C'est durant cette brève escapade sous les ors du palais présidentiel d'El Mouradia qu'il a tronqué l'uniforme pour le costume-cravate et appris à fumer le cigare par mimétisme.
Après le départ du général Lakhal Ayat, victime collatérale des événements d'octobre 1988, il est promu directeur central de la sécurité de l'armée (DCSA) remplaçant le général Betchine, et à la suite du départ de ce dernier en octobre 1990, il prend la tête de la DGPS devenue peu après DRS.
Le culte du mystère
A la tête du DRS, il était devenu un sorte de Frankestein, ce monstre dont la laideur déclenche des réactions apeurées et hurlantes, un être mystérieux qui ne se manifeste en aucun cas publiquement. Pour coller à l'actualité cinématographique il était comme Dark Vador (le héros de Star Wars-La guerre des étoiles), ce cyborg menaçant, vêtu et masqué de noir, portant une lourde armure, un casque doté d’un bruyant respirateur et qui avait basculé dans le "Côté Obscur de la Force". Comme Dark Vador, le généralissime aimait se complaire dans cette image menaçante, mystérieuse, énigmatique et insaisissable, cultivant le secret autour de sa personne, pas de photo, pas d'image, pas d'apparition publique. En psychiatrie cela s'appelle de la perversité narcissique, qui aide, celui qui cultive le mystère, à se protéger. Les pervers narcissiques ont en eux un secret qui ne doit surtout pas être percé à jour et encore moins divulgué. Ils ont une faiblesse, leur orgueil démesuré; un manque, l’empathie et l’affect; une faille, leur manque de construction, leur régression infantile à la moindre contrariété. Leur susceptibilité est sans limite, et ils se mettront dans une colère noire si vous leur faites le moindre reproche. Mais là où un enfant pleurera, va taper du pied, les pervers narcissiques useront de leur force verbale pour vous critiquer, vous blesser, vous dénigrer. Et si la forme peut être très calme, écoutez le fond disent les médecins. Les mots dits peuvent faire de plus grands ravages que les grosses colères. Et c'est ce que fit le généralissime lorsqu'il convoqua un jour un ministre dans son bureau et lui demanda d'une voix cassante et agressive les raisons des critiques qu'il aurait formulées contre lui. Le ministre s'en défend, réfutant respectueusement les propos du généralissime qui se fâcha et devient menaçant en lançant "Ass Rouhk" (fais attention à toi).
Il est évident que ce genre de menaces, venant de quelqu'un qui avait droit de vie et de mort sur les algériens (Rab edzair dixit Hocine Malti), n'étaient pas des paroles en l'air mais bien des menaces qu'il ne fallait surtout pas prendre à la légère. Un accident de voiture ou un pseudo acte terroriste et hop vous n'existez plus.
Des milliers de cadres jetés en prison
Et depuis son arrivée à la tête des Srebess (services), dixit la vox populi, notre généralissime va vouer une haine féroce contre tous ceux qui s'opposent à lui de près ou de loin. Ministres, officiers supérieurs et officiers généraux, directeurs généraux d'entreprises, cadres supérieurs, hauts fonctionnaires, magistrats... subiront son courroux, et comme Dark Vador, le côté obscur de la Force oblige, il nourrit envers eux une haine tenace et féroce, mais à ses yeux justifiée. 4.000 cadres seront jetés en prison, tous sortiront après des mois et des années d'enfermement libres, un certain nombre d'entre eux se sont suicidés, madame Laouar (Sider) de Annaba est morte de maladie et de désespoir au fond de sa cellule, ses collègues de Sider seront acquittées et innocentés après 40 mois de détention.
"Dans ce pays, affirmait l'avocat maître Miloud Brahimi, la justice n'a jamais été indépendante. Et tout ce qu'on a prétendu entreprendre contre la corruption n'était qu'un leurre. Chaque fois, c'est une opération mains propres faite avec des mains sales, à des fins strictement politiques. La dernière opération en date a été lancée en 1996 et 1997 par l'ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia. Elle s'est traduite par l'arrestation de plusieurs milliers de cadres des entreprises publiques, à commencer par les plus "gênants", dans le cadre des privatisations programmées. C'est ainsi que les managers et les directeurs de deux fleurons de l'économie algérienne, Sider et Cosider, se sont retrouvés sous les verrous pour "mauvaise gestion".
Et c'est là justement où le bat blesse car le généralissime et son protégé Ouyahia se sont toujours opposés à la fameuse "dépénalisation de l'acte de gestion" qui a surtout servi de levier de chantage, une épée de Damoclès, sur les cadres des entreprises.
Des cadres sont kidnappés de chez eux en pleine nuit et mis au secret pendant des jours, pour la plupart durant une quinzaine de jours puis relâchés à Ouargla ou Touggourt et jetés de voiture en face d'une gendarmerie, où pour les plus malchanceux envoyés devant un procureur et mis en prison pour ressortir quelques mois ou quelques années plus tard libres et bénéficiant d'un non lieu. C'est aussi le cas de l'ancien SG du ministère des travaux publics, Mohamed Bouchama, extrait manu militari de son domicile et interrogé brutalement pendant des jours avant de se retrouver en prison durant une année et en 2015 le malheureux sera innocenté et obtient un non lieu mais cassé définitivement. Incroyable mais c'était ça la gestion des menaces par le généralissime.
La cour
Par contre, comme un roi il avait une cour et des courtisans, et il savait être magnanime, bienveillant et charitable à leur endroit. Cette protection royale était une assurance-vie incomparable puisqu'elle les rendait intouchables. A l'instar de leur protecteur, ces courtisans voient défiler les présidents, les premiers ministres, les différents gouvernements et eux ils sont toujours là, inamovibles, indéboulonnables, enracinés dans leurs fauteuils à l'image de Aboubakr Benbouzid (RND), à la tête du ministère de l'éducation et de de l'enseignement supérieur durant 22 ans, Chérif Rahmani (RND), (1er poste de ministre en 1988), puis plusieurs fois ministre durant plus de 15 ans, Abdelhamid Saidi consul général à Marseille toujours en poste depuis 1996, un record, Abdelhamid Melzi patron de Club des pins depuis 25 ans, Ahmed Noui (RND) secrétaire général du gouvernement (1er poste de secrétaire d'Etat en 1988), Rachid Marif (RND) ambassadeur en Italie depuis 11 ans (1er poste de secrétaire d'Etat en 1992), Ahmed Ouyahia (RND) en poste depuis 1995, Amar Ghoul responsable de TAJ, qui traîne de grosses casseroles en relation avec le scandale de l'autoroute est-Ouest, jamais inquiété et qui se targue de jouer au football avec le généralissime, qui lui retourne bien sa dévotion en lui octroyant son quota de députés comme il le fait avec le RND de Ouyahia et avec le PT ( ces trois partis n'ayant du reste aucune assise populaire).
Pauvre Ouyahia ! le généralissime lui avait préparé un boulevard vers le fauteuil présidentiel. Souvenez vous, il y a quelques semaines, il plastronnait devant les journalistes en bombant le torse encensant son bienfaiteur en revendiquant publiquement son amitié (« mon ami Toufik »), ensuite inventant une accusation d’inclination au monarchisme faite, soit disant, par ses détracteurs au Président pour s’égosiller ensuite à l’en disculper. Le Président ne compte pas instaurer le monarchisme ni rendre son pouvoir héréditaire souligne t-il. Il faut entendre : le Président doit se contenter d’achever son mandat et s’en aller. Le Président n’est pas Néron pour que l’on craigne qu’il brûle le pays : c’est un message sibyllin disant au Président que sa persistance à ne pas vouloir rappeler Ouyahia aux commandes du pays équivaut à le brûler.
Depuis, de l'eau a bien coulé sous les ponts, emportant le généralissime et laissant le pauvre Ouyahia orphelin à l'instar de la cohorte en deuil qui a pris Louisa Hanoune comme son porte voix, celle là même qui a reçu du généralissime comme cadeau un immeuble du DRS à El Harrach (Alger) qui est devenu le siège de son parti d'où son soutien sans faille pour son mentor et partant pour le général Hassan gratifié et élevé par elle au rang de héros de la lutte anti-terroriste, rien que ça !
Un héros de pacotille
Hanoune oublie que seul le peuple Algérien a été le héros de la lutte contre le terrorisme avec les éléments de l’armée nationale populaire, les patriotes, les GLD, les gardiens communaux, les éléments de la police et de la gendarmerie et effectivement les officiers du DRS et en particulier les généraux Bachir Tartag et M’henna Djebbar et bien d'autres qui ont été les fers de lance dans cette lutte. A cette époque le général Hassan était un illustre inconnu. Il n’a pris son envol qu’une fois que les vrais patriotes qui ont défait le terrorisme ont été limogés de leurs postes, que lui est arrivé en 2003 et pour quel résultat ? Insignifiant, puisqu’il n’a pu empêcher l'attentat suicide en 2007 contre les locaux de l'ONU et contre la cour constitutionnelle, l'attentat contre le chef de l'Etat en 2007, l’attaque suivie de prise d’otages de Tiguentourine en 2013 ni les éliminations de Abdelmalek Droukdel le chef de l’Aqmi ni celle de Mokhtar Ben Mokhtar Laouar…
"Le Général Hassan a été appelé à l’antiterrorisme en 2003, soit 4 ans après la destruction totale du GIA et du GSPC : « il est venu après la guerre. Des officiers sont morts au combat. D’autres ont quitté le CPMI sans aucune considération. L’AQMI a déménagé au sud. Le Nord était pratiquement sécurisé. Tout le monde sait au sein de la Maison que Hassan n’a en rien contribué à cela » dit-on au sein du DRS.
Devant ces manquements et ce laxisme de la structure (Service de coordination opérationnelle et de renseignement antiterroriste) dirigée par le général Hassan, le président de la république a ordonné que la lutte anti terroriste relèverait dorénavant de l’état-major de l’ANP dans un décret qui stipule que « la conduite et la coordination des opérations de lutte contre le terrorisme et la subversion sont prises en charge par l’Etat-major de l’ANP ».
Gorge profonde
Le général Hassan n'a pas été qu'un piètre militaire, il avait appris au contact du généralissime la manipulation (bien que tous les deux n'aient jamais fréquenté une école spécialisée dans le renseignement contrairement à ce qui est rapporté ici et la) et à ce titre il a réussi à supplanter le colonel Fawzi en prenant attache avec des journalistes dans certaines rédactions arabophones et francophones ici et à l'étranger en leur donnant la primeur d'informations sensibles sur la lutte anti-terroriste, les intoxicant en alternant de vraies et fausses informations sur des affaires de corruption, leur balançant des affaires de justice et leur distillant surtout des informations sur le président et sa famille, d'où une floraison d'articles de presse et même de livres dont il a été le principal informateur. Il est évident que ce rôle de gorge profonde ne pouvait se faire sans l'accord du généralissime d'où sa lettre tentant de venir en aide à son protégé après sa condamnation par la justice militaire.
A propos de cette presse dite démocratique, qui a toujours vilipendé, critiqué, attaqué, fustigé le DRS et son chef, elle s'est retrouvée, contre toute attente, certainement touchée par le "syndrome de Stockholm", à défendre le généralissime et son protégé Hassan.