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235e anniversaire de l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique, "J’étais l’Algérie..."

05-07-2011 14:53  Contribution

A l'occasion du 235e anniversaire de l'indépendance des Etats-Unis  le chargé d'affaires, William Jordan, de ce pays en Algérie a organisé une réception où de nombreux journalistes ont été invités et a prononcé un discours rendant hommage à notre pays qui fête le 49e anniversaire de son indépendance et aux relations historiques entre les deux pays.

Mesdames et messieurs, bonsoir et bienvenus. Je vous remercie d’être venus pour célébrer avec nous l’anniversaire de l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique, et celui de l’Algérie.

En 1974, j’étais l’Algérie – ou du moins, le chef de la délégation algérienne auprès d’une simulation des Nations unies organisée par l’université de Georgetown. Nos deux nations venaient de reprendre le cours de leurs relations après une rupture pendant la Guerre de 1967 ; Abdelaziz Bouteflika était alors le président de l’Assemblée générale des Nations unies ; et j’étais lycéen en terminale qui découvrait le monde de la diplomatie.

Cette expérience fut le début d’un voyage qui a duré le temps d’une vie. Elle a représenté le premier aperçu que j’ai eu de l’importance historique des relations entre l’Algérie et les Etats-Unis ; elle a façonné ma vision sur le rôle crucial que l’Algérie est en mesure de jouer dans sa région, dans le reste de l’Afrique, et voire même dans le monde ; et c’est ce qui m’a inspiré pour devenir diplomate.

Moi, comme bon nombre d’américains, à cette époque là, je n’en savais pas beaucoup sur l’Algérie ; je ne saisissais pas la profondeur de notre histoire commune. Lorsque je me préparais à être le meilleur représentant de l’Algérie possible, j’ai appris des leçons inestimables :

J’ai appris que le premier envoyé des Etats-Unis s’est rendu en Algérie il y a près de 200 ans en vue de négocier un traité de paix et d’amitié. Il faut revenir en 1785, deux ans après avoir obtenu notre indépendance en tant que nation suite à notre « Guerre révolutionnaire ».

En 1795, nos deux nations ont signé ce premier traité décrétant qu’à partir de ce jour là, « Les deux nations se traiteraient avec civilité, honneur et respect ». Le premier représentant américain est arrivé deux années plus tard, faisant de l’Algérie le sixième pays à travers le monde dans lequel les Etats-Unis avaient une mission permanente, et le premier en dehors de l’Europe.

J’ai également appris que les algériens, tout comme les américains, accordent une grande valeur à la liberté, à la loyauté, et à l’humanité. En 1823, après un affrontement entre les troupes turques et les kabyles à Béjaïa, Dey Hussein a exigé de toutes les missions diplomatiques présentes à Alger de livrer leurs employés kabyles aux autorités turques. Ceci s’est produit bien avant la convention de Vienne qui protège les diplomates. De nombreuses missions ont été mises à sac, et des employés ont été arrêtés. En dépit des risques, le consul général américain William Shaler a refusé de trahir ses collègues kabyles et leur a offert refuge au sein du consulat. Aucun ne fut arrêté, et aucun mal ne leur est arrivé.

Des années plus tard, durant la seconde guerre mondiale, les fascistes ont essayé de déposséder les juifs en Algérie de leurs biens. Ils ont offerts aux musulmans algériens des récompenses séduisantes s’ils les aidaient. Partageant les idéaux de Abdelhamid Ben Badis, Sheikh Taieb el-Okbi a mobilisé la communauté pour défendre ses voisins juifs, bravant ainsi un grand risque. Les imams à travers le pays ont lancé des fatwas contre le profit occasionné par les souffrances infligées aux autres. En dépit de leur dénuement, aucune personne n’a accepté l’offre des fascistes. Des algériens ordinaires ont fait face à un danger extraordinaire au nom de l’honneur de l’humanité. En saluant ces algériens, le résistant José Aboulker s’est demandé après la guerre, « Connaissez vous d’autres exemples d’une aussi admirable dignité collective ? »

C’était dans ce climat que les nationalistes algériens ont rencontré pour la première fois les diplomates américains. A un moment prescient en 1942, Ferhat Abbas a demandé à l’envoyé américain Robert Murphy comment les Etats-Unis verraient une Algérie indépendante. Murphy a répondu, « Les américains sont solidaires à tous désires d’indépendance ». Quinze ans plus tard, le sénateur John Kennedy a proclamé hardiment devant le Sénat, « L’impérialisme est l’ennemi de la liberté » et a introduit une résolution soutenant l’indépendance de l’Algérie. Ses mots ont choqué l’ordre établi de l’époque. Mais cinq ans plus tard, la conviction du sénateur s’est confirmée lorsque l’Algérie a émergé forte et indépendante. Il y a 49 ans, jour pour jour, le 3 juillet 1962, le Président Kennedy a fièrement réaffirmé les « liens d’amitié avec le gouvernement et le peuple d’Algérie » et a engagé nos nations à travailler ensemble « pour la liberté, la paix, et le bienêtre des Hommes ».

Durant les années qui ont suivies ce jour mémorable, les deux pays ont du faire face à des questions difficiles sur la nature de la liberté. En tant que nation nouvellement indépendante, l’Algérie devait établir et définir son gouvernement, sa société civile, ainsi que son rôle dans le monde. Les Etats-Unis, au même moment, étaient pris dans la guerre froide sur le plan international, et dans le mouvement des droits civiques sur le plan national. Ces événements ont dévoilé de profondes divisions en nous ; mais ils nous ont poussés à comprendre que l’indépendance n’est pas l’indépendance de la nation. Elle est la dignité fondamentale des peuples, et les droits inaliénables de chaque individu, quelque soit la race ou la croyance.

C’était dans ce contexte, inspiré par tout ce que j’ai appris en tant qu’algérien, que j’ai rejoins le corps diplomatique. Depuis ce temps, j’ai été témoin de l’apprentissage de nos deux nations à travailler ensemble, et ce même d’une façon inimaginable la génération précédente. J’ai levé la tête avec fierté lorsque les avions d’aides humanitaires ont atterri à l’aéroport Houari Boumédiène pour venir en aide aux victimes du tremblement de terre d’El Asnam en 1980 ; et j’ai incliné la tête de gratitude lorsque les otages américains de Téhéran, libérés grâce à la médiation algérienne, ont débarqué en sécurité trois mois plus tard au même aéroport.

Les anciennes différences sont devenues de l’histoire ancienne, surmontées par notre engagement commun à faire face à l’intolérance, face à ceux qui useraient de la peur pour imposer leurs visions au monde.

Lorsque nous regardons aujourd’hui les changements profonds qui secouent la région, je regarde en arrière avec humilité au courage de nos ancêtres. Les peuples, comme auparavant, sont en quête de liberté, d’opportunités, et de dignité avec une détermination sans faille. La quête de ces aspirations prendra des formes différentes dans des sociétés différentes, mais une chose est claire : nous sommes témoins d’un moment clé de l’histoire, et le monde que nous laissons à la prochaine génération dépendra de l’exemple que nous donnons maintenant. Nous devons ce moment à la loyauté de William Shaler, à la dignité de Abdelhamid Ben Badis, à l’humanisme de Taieb el Okbi, et à l’honneur de John Kennedy. Nous devons à nos enfants autant que ce que ces hommes nous ont donnés. C’est à notre tour.

Pour terminer, j’aimerais porter un toast. Le même toast qu’a porté Ahmed Ben Bella à John Kennedy à la Maison Blanche lors du tout premier entretien historique entre nos deux nations indépendantes en Octobre 1962:

أتمنى أن تُرقي تجارب بلدينا الهدف الأسمى للبشرية جمعاء – التفاهم المتبادل، السلام، الرفاه والأُخوة الحقيقية.

 

 

 



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